Dans les jardins comme partout le plastique a mis bien des objets métalliques hors d'usage, sinon hors la loi. La disparition quasiment totales des arrosoirs de nos grands pères, en ferraille, est révélatrice d'une fantastique cécité et de l'amnésie (voulue) la plus totale. Mais soyons sans crainte, ces vrais objets, authentiques, humbles petits monuments de savoir vivre sont (ou seront) "récupérés" dans les belles boutiques, pour une dernière mascarade.
la toute, toute petite histoire d'un arrosoir mon patron était un grand père à bretelles à salopette bleue mais il n'avait pas de casquette vous pouvez me croire les papys casquettes n'ont pas de jardin et sont grincheux tous les matins et tous les soirs (avec grand mère) il venait me prendre par la main me trempait doucement dans le bassin cela ne faisait presque pas de bruit juste un petit remous, à la fin, quand je n'en pouvais plus et puis on partait bras dessus bras dessous ; le chemin des allées était bien tracé. il me balançait, me balançait doucement et j'arrosais, j'arrosais doucement. j'étais né pour cela, évidemment. alors je m'efforçais d'offrir à la terre ma petite pluie la plus fine, la plus douce, fraîche et tiède en même temps ; oui, j'ai bien dit "fraîche et tiède en même temps" parce que les arrosoirs en plastique et, pire, les tourniquets, ne le savent pas : leurs cataractes font mourir à petit feu les plus belles salades, les grillons déménagent et la grand-mère ne coupe plus de glaïeuls maintenant, tous au placard ? non ! on a fait une bande de copains et croyez moi un arrosoir en fer, un vieil arrosoir, c'est plein d'histoires !