Curiosité provincialeArmand Silvestre(Histoires belles et honnestes)1883ILe vieux château de Keloac Kornaubec, contemporain de Bertrand Duguesclin deglorieuse mémoire, n’avait pas connu ses hôtes naturels depuis la Révolution.Abandonné à un intendant isolé dans une façon de désert qu’il dominait de toutl’orgueil de ses tours délabrées, les seules visites qu’il reçût jamais étaient cellesde touristes évadés qui venaient se reposer et rêver dans la grande ombre qu’ilprojetait parmi la solitude. A part ses rares habitants, il n’intéressait guère qu’unefaçon de vieux savant retiré dans le plus proche village où il exerçait, assezplatoniquement, d’ailleurs, les fonctions d’architecte. Ce n’était pas, sachez-le toutd’abord, un homme ordinaire que ce Petronius, venu de Bretagne on ne sait quandet qui y eût passé certainement pour un sorcier, n’eût été sa piété exemplaire etl’amitié du bon abbé Lohic, curé de la localité.Ce Petronius, fort versé dans les antiquités égyptiennes, avait fait la curieuseremarque que le château de Keloac Kornaubec était orienté comme cette fameusestatue de Memnon qui, aux premiers rayons du soleil, emplissait la campagned’une harmonieuse musique. Ayant découvert, d’ailleurs, le truc au moyen duquelles prêtres obtenaient ce miracle, il avait répété cent fois que rien ne serait plussimple que d’en installer un tout pareil dans la seigneuriale demeure. Il avaitimaginé pour cela une façon de caisse sonore, pouvant s’adapter à une ...
Voir