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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 49 |
EAN13 | 9782824709956 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LA P AIX DU MÉNA GE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA P AIX DU MÉNA GE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0995-6
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LA P AIX DU MÉNA GE
DÉDI É A MA CH ÈRE N I ÈCE, V ALEN T I N E SU RV I LLE.
’ cee Scène se p assa v er s la fin du mois
de no v embr e 1809, moment où le fugitif empir e de Nap olé onL aeignit à l’ap og é e de sa splendeur . Les fanfar es de la victoir e de
W agram r etentissaient encor e au cœur de la monar chie autrichienne . La
p aix se signait entr e la France et la Co alition. Les r ois et les princes vinr ent
alor s, comme des astr es, accomplir leur s é v olutions autour de Nap olé on
qui se donna le plaisir d’ entraîner l’Eur op e à sa suite , magnifique essai de
la puissance qu’il déplo ya plus tard à Dr esde .
Jamais, au dir e des contemp orains, Paris ne vit de plus b elles fêtes que
celles qui pré cé dèr ent et suivir ent le mariag e de ce souv erain av e c une
archiduchesse d’ A utriche ; jamais aux plus grands jour s de l’ancienne
monar chie autant de têtes cour onné es ne se pr essèr ent sur les riv es de la
Seine , et jamais l’aristo cratie française ne fut aussi riche ni aussi brillante
qu’alor s. Les diamants rép andus à pr ofusion sur les p ar ur es, les br o
deries d’ or et d’ar g ent des unifor mes contrastaient si bien av e c l’indig ence
républicaine , qu’il semblait v oir les richesses du glob e r oulant dans les
1La p aix du ménag e Chapitr e
salons de Paris. Une iv r esse g énérale avait comme saisi cet empir e d’un
jour . T ous les militair es, sans en e x cepter leur chef, jouissaient en p
arv enus des trésor s conquis p ar un million d’hommes à ép aulees de laine
dont les e xig ences étaient satisfaites av e c quelques aunes de r uban r oug e .
A cee ép o que , la plup art des femmes affichaient cee aisance de mœur s
et ce r elâchement de morale qui signalèr ent le règne de Louis X V . Soit
p our imiter le ton de la monar chie é cr oulé e , soit que certains membr es
de la famille imp ériale eussent donné l’ e x emple , ainsi que le prétendaient
les fr ondeur s du faub our g Saint-Ger main, il est certain que , hommes et
femmes, tous se pré cipitaient dans le plaisir av e c une intrépidité qui
semblait présag er la fin du monde . Mais il e xistait alor s une autr e raison de
cee licence . L’ eng ouement des femmes p our les militair es de vint comme
une frénésie et concorda tr op bien aux v ues de l’ emp er eur , p our qu’il y
mît un fr ein. Les fré quentes prises d’ar mes qui fir ent r essembler tous les
traités conclus entr e l’Eur op e et Nap olé on à des ar mistices, e xp osaient
les p assions à des dénoûments aussi rapides que les dé cisions du chef
suprême de ces k olbacs, de ces dolmans et de ces aiguillees qui plur ent
tant au b e au se x e . Les cœur s fur ent donc alor s nomades comme les
régiments. D’un pr emier à un cinquième bulletin de la Grande- Ar mé e , une
femme p ouvait êtr e successiv ement amante , ép ouse , mèr e et v euv e .
Étaitce la p er sp e ctiv e d’un pr o chain v euvag e , celle d’une dotation, ou l’ esp oir
de p orter un nom pr omis à l’Histoir e , qui r endir ent les militair es si
séduisants ? Les femmes fur ent-elles entraîné es v er s eux p ar la certitude
que le se cr et de leur s p assions serait enter ré sur les champs de bataille ,
ou doit-on cher cher la cause de ce doux fanatisme dans le noble arait
que le courag e a p our elles ? p eut-êtr e ces raisons, que l’historien futur
des mœur s imp ériales s’amusera sans doute à p eser , entraient-elles toutes
p our quelque chose dans leur facile pr omptitude à se liv r er aux amour s.
oi qu’il en puisse êtr e , av ouons-le-nous ici : les laurier s couv rir ent
alor s bien des fautes, les femmes r e cher chèr ent av e c ardeur ces hardis
av enturier s qui leur p araissaient de véritables sour ces d’honneur s, de
richesses ou de plaisir s, et aux y eux des jeunes filles une ép aulee cet hiér
ogly phe futur , signifia b onheur et lib erté . Un trait de cee ép o que unique
dans nos annales et qui la caractérise , fut une p assion effréné e p our tout
ce qui brillait : jamais on ne donna tant de feux d’artifice , jamais le
dia2La p aix du ménag e Chapitr e
mant n’aeignit à une si grande valeur . Les hommes aussi avides que les
femmes de ces cailloux blancs s’ en p araient comme elles. Peut-êtr e l’
oblig ation de mer e le butin sous la for me la plus facile à transp orter mit-elle
les jo yaux en honneur dans l’ar mé e . Un homme n’était p as aussi ridicule
qu’il le serait aujourd’hui, quand le jab ot de sa chemise ou ses doigts
offraient aux r eg ards de gr os diamants. Murat, homme tout oriental, donna
l’ e x emple d’un lux e absurde chez les militair es mo der nes.
Le comte de Gondr e ville , l’un des Lucullus de ce Sénat Conser vateur
qui ne conser va rien, n’avait r etardé sa fête en l’honneur de la p aix que
p our mieux fair e sa cour à Nap olé on en s’ effor çant d’é clipser les flaeur s
p ar lesquels il avait été pré v enu. Les ambassadeur s de toutes les
puissances amies de la France sous bénéfice d’inv entair e , les p er sonnag es les
plus imp ortants de l’Empir e , quelques princes même , étaient en ce
moment réunis dans les salons de l’ opulent sénateur . La danse languissait,
chacun aendait l’ emp er eur dont la présence était pr omise p ar le comte .
Nap olé on aurait tenu p ar ole sans la scène qui é clata le soir même entr e
Joséphine et lui, scène qui ré véla le pr o chain div or ce de ces augustes ép oux.
La nouv elle de cee av entur e , alor s tenue fort se crète , mais que l’histoir e
r e cueillait, ne p ar vint p as aux or eilles des courtisans, et n’influa p as
autr ement que p ar l’absence de Nap olé on sur la g aieté de la fête du comte
de Gondr e ville . Les plus jolies femmes de Paris, empr essé es de se r endr e
chez lui sur la foi du ouï-dir e , y faisaient en ce moment assaut de lux e ,
de co queerie , de p ar ur e et de b e auté . Or gueilleuse de ses richesses, la
banque y défiait ces é clatants g énéraux et ces grands-officier s de l’
empir e nouv ellement g or g és de cr oix, de titr es et de dé corations. Ces grands
bals étaient toujour s des o ccasions saisies p ar de riches familles p our y
pr o duir e leur s héritièr es aux y eux des prétoriens de Nap olé on, dans le fol
esp oir d’é chang er leur s magnifiques dots contr e une fav eur incertaine .
Les femmes qui se cr o yaient assez fortes de leur seule b e auté v enaient en
essay er le p ouv oir . Là , comme ailleur s, le plaisir n’était qu’un masque . Les
visag es ser eins et riants, les fr onts calmes y couv raient d’ o dieux calculs ;
les témoignag es d’amitié mentaient, et plus d’un p er sonnag e se défiait
moins de ses ennemis que de ses amis. Ces obser vations étaient né
cessair es p our e xpliquer les é vénements du p etit imbr oglio , sujet de cee
Scène , et la p eintur e , quelque adoucie qu’ elle soit, du ton qui régnait alor s
3La p aix du ménag e Chapitr e
dans les salons de Paris.
― T our nez un p eu les y eux v er s cee colonne brisé e qui supp orte un
candélabr e , ap er ce