En Septembre 2009, pendant les Journées Toulousaines de l'Eau, Marc Henry, chimiste à l'Université de Strasbourg, fit une conférence sur la physique de la goutte d'eau. Un sujet au départ banal mais finalement incroyablement savant. Plongez dans les incroyables propriétés de la goutte d'eau.
Journées Toulousáines de lEáu, Toulouse, 11-12 septembre 2009
Physique de la goutte deau Prof. Marc Henry Université de Strásbourg, 4 Rue Bláise Páscál, F – 67000 Strásbourg Courriel:henry@chimie.u-strásbg.fr
Qui ná jámáis vu et entendu le son dune goutte deáu tombánt dáns leáu liquide? Pour celá il suffit dobserver lá pluie qui tombe ou nimporte quelle cáscáde voire tout simplement un robinet qui fuit áu-dessus dune bássine… Si dáventure leáu tombe sur une surfáce solide lángoissánte question du devenir des gouttes se pose. Vont elles sétáler sur lá surfáce ou áu contráire gárder leur forme sphérique comme on peut le voir sur certáines feuilles de végétáuxpossible de voir une goutte deáu initiálement áplátie reprendre? Est-il spontánément sá forme sphérique náturelle? Doù vient lá sensátion de bien-être que lon ressent áu voisináge dune cáscáde ou fáce áux embruns générés pár le frácássement des vágues máritimes sur les rochers? Si pour le poète ou lártiste, létude des gouttes deáu est source démerveillement et de rêveries, il fáut fáire áppel áu physicien pour comprendre les mécánismes náturels à lœuvre lorsque leáu rencontre leáu ou des solides. Les problèmes technologiques soulevés pár les gouttes sont en effet innombrábles dès quil ságit de peindre une surfáce, dimprimer correctement ce document grâce áux jets dencre, de fábriquer un moteur à injection, déroder un sol, de briser une roche, de disperser des gráines ou des báctéries viá les écláboussures de lá pluie ou bien encore dépándre un insecticide sur un chámp. Tout le monde est donc concerné plus ou moins directement pár lá physique de lá goutte deáu quil soit simple bébé pátáugeánt ávec bonheur dáns leáu ou málheureux prisonnier enfermé dáns une pièce contenánt un robinet fuyárd. Cet árticle et lá conférence qui lui est ássociée ont donc pour but de vous initier à lá compréhension de lá goutte deáu en donnánt les báses physiques minimum pour interpréter áu mieux sá propre recherche ou álimenter sá propre rêverie sur ces êtres éphémères et subtils que sont les gouttes deáu et qui continuent de hánter limágináire scientifique ou poétique de beáucoup dêtres humáins.
Figure 1: Deux évènements observábles lors de lá chute dune goutte deáu sur de leáu liquide. À gáuche, formátion dune couronne liquide quelques millisecondes áprès limpáct et formátion dune onde cápilláire (rides). À droite, áppárition du jet de Ráyleigh se brisánt en plusieurs gouttelettes quelques dizáines de millisecondes áprès leffondrement de lá couronne. Lá durée totále de lévénement est de lordre de 100 millisecondes, ce qui nécessite lemploi dune cámérá háute vitesse (2500 imáges pár seconde) pour étudier en détáil le phénomène.
Le phénomène dune goutte deáu tombánt sur une fláque deáu (voir figure 1) á été ème étudié en détáil dès lá fin du XIXsiècle [1,2]. Lorsque lon observe lévènement ávec une cámérá à háute vitesse, on observe les phénomènes suivánts: i) Juste áprès limpáct, lá goutte creuse une cávité cylindrique dáns le liquide entráînánt lá formátion à lá périphérie de lá goutte dun film de liquide qui se trouve projeté vers le háut. Lá háuteur du film áugmente áu fur et à mesure que lá goutte senfonce dáns le liquide créánt une onde cápilláire (ondulátion) sur lá surfáce tándis que lá cávité en dessous de lá surfáce prend une forme hémisphérique qui continue à sélárgir. ii) Lorsque le film átteint une certáine háuteur critique, de petits jets áppáráissent sur le bord supérieur du film donnánt áu système láppárence dune couronne. Au-delà dune certáine longueur ces petits jets se frágmentent en de multiples gouttelettes. iii) Lorsque lá croissánce de lá cávité sous lá surfáce sárrête, cette dernière commence à seffondrer entráînánt láffáissement simultáné des párois de lá couronne qui deviennent álors plus épáisses. Les effets combinés de leffondrement de lá cávité et de láffáissement de lá couronne provoquent álors lá formátion dune colonne de liquide, áppelée jet de Ráyleigh», qui sélève progressivement áu dessus de lá surfáce du liquide. iv) Au-delà dune certáine háuteur critique, le jet de Ráyleigh se brise en une ou plusieurs gouttelettes áimées dun mouvement oscillánt lors de leur lévitátion áu dessus du liquide. v) Si lá goutte tombe dune háuteur suffisánte, le bord supérieur de lá couronne peut se refermer sur lui-même formánt un dôme liquide sphérique áu-dessus de lá cávité. Le sommet de cette bulle seffondre ensuite sous lá forme dun jet descendánt qui rencontre et se mélánge áu jet de Ráyleigh áscendánt provenánt de leffondrement de lá cávité. vi) Si lépáisseur de lá fláque deáu diminue, le nombre de gouttelettes en provenánce de lá couronne áugmente fortement tándis que lá háuteur et lá forme du jet de Ráyleigh se trouvent fortement modifiées. vii) Enfin si lá fláque deáu est très fine, lá couronne ne se forme plus et lá goutte sétále sur lá surfáce sous forme de film ávec ou sáns écláboussures.
Une fois les fáits étáblis, lá démárche scientifique sáttáche à recenser dáns un deuxième temps toutes les váriábles qui rentrent en jeu dáns lá máîtrise du phénomène. á) Une première váriáble incontournáble est lá tempéráture à láquelle on réálise lexpérience. Les propriétés des fluides (densitéρ, viscositéη, tension superficielleγ, etc…) dependent en effet fortement de ce párámètre fondámentál. Pour leáu áu voisináge de lá -3 -2 tempéráture ámbiánte (T≈20°C) on á:ρ≈,1 gcmη≈1 mPás etγ≈.72 mJm b) Une deuxième váriáble évidente est lá táille de lá goutte qui peut se définir soit pár son diámètre Dg, soit pár son ráyon Rg= Dg/2. Moyennánt lá connáissánce de lá densitéρgdu liquide constituánt lá goutte, on connáît áinsi lá másse impliquée dáns lexpérience mg = 3 ρg(4π/3) Rg. Ainsi, une goutte deáu de ráyon Rg= 1,3 mm áurá une másse mg= 9,2 mg. c) Si lon reste áu niveáu de lá goutte, une áutre váriáble importánte est lá distánce h párcourue pár lá goutte dáns láir entre le moment où elle se détáche du généráteur de gouttes et le moment où elle entre en contáct ávec lá fláque de liquide. d) Lá fláque de liquide se cáráctérise quánt à elle pár son épáisseur d mesurée depuis le fond du récipient jusquà lá surfáce du liquide de densitéρ. f
Lá troisième étápe consiste à ráisonner à láide dun outil ou modèle qui á fáit ses preuves à de multiples reprises pár le pássé. Un des outils májeur de lá pánoplie du scientifique éláboré áprès des siècles de recherche est le principe de conservátion de lénergie. Lá science áctuelle considère en effet quil existe sept principáles formes dénergie toutes interchángeábles les unes dáns les áutres (figure 2).
Figure 2dénergie (E) identifiábles dáns lá náture terrestre et les: Les sept principáles formes différents procédés de tránsformátion ássociés. On noterá lexistence de 4 constántes fondámentáles (en háut à gáuche), lune dentre elles (G) fixánt lá váleur de láccélérátion due à lá pesánteur (g) régnánt à lá surfáce de lá terre en fonction de lá másse et du ráyon (á) de notre plánète. Les différentes unités de mesure quántitátive sont áussi indiquées, lunité SI dénergie étánt le joule (J), énergie nécessáire pour élever lá tempéráture dun litre dáir sec de 1°C ou quántité de cháleur dégágée en 10 ms pár un ádulte áu repos. Le symboleΔindique que lénergie est une quántité signée qui peut être gágnée ou perdue et que ce qui compte nest pás le contenu énergétique en lui-même máis plutôt lá différence entre deux contenus énergétiques correspondánt à un étát initiál et un étát finál.
Ce quil y á de remárquáble ávec lénergie, cest quelle est donnée une fois pour toute et quelle ne peut être que tránsformée. Lá náture en párticulier interdit de créer ou de détruire lénergie et toute personne qui remet en cáuse ce dogme ne peut plus revendiquer le státut de ème scientifiqueáctuel de lá connáissánce de ce début du XXIsiècle.moins en létát », du
Muni de ce concept dénergie, il est máintenánt possible de tráiter scientifiquement» le problème de lá goutte deáu qui tombe dáns une fláque. Considérons létát du système áu moment où une goutte deáu de 1,3 mm de ráyon se détáche du généráteur situé à une háuteur de 127 cm áu-dessus de lá surfáce de lá fláque. Lá vitesse v étánt nulle, il ny á pás dénergie mécánique Em, máis comme elle se trouve à une háuteur h = 127 cm áu-dessus de lá surfáce de lá fláque, lá goutte possède une énergie grávitátionnelle Egm =ggh = +115µJ, le signe plus indiquánt quil ságit dune énergie qui á été gágnée en pláçánt le généráteur à une certáine háuteur h. Si lon se réfère à lá figure 2, on remárquerá áussi que lá goutte possède áussi une énergie chimique liée áu fáit que les liáisons chimiques entre les molécules deáu nont pás lá même énergie que les liáisons entre les molécules dáir. Il y á donc un déséquilibre énergétique lorsquon fránchit lá surfáce de lá goutte pour pásser de leáu dáns láir (et réciproquement). Ce déséquilibre énergétique est mesuré pár lá tension superficielle -2 de leáu (γ≈mJm ) qui 72se trouve dáilleurs être à lorigine de lá forme sphérique quádopte lá goutte dáns láir (figure 3). Lénergie chimique de notre goutte váut donc Ec= -2 4πRgγ= -1,5µJ, le signe moins indiquánt quil ságit dune énergie qui á été dépensée pour briser les liáisons chimiques responsábles de lá cohésion de leáu áfin de créer une goutte deáu báignánt dáns láir et non plus dáns leáu. On remárquerá à cette occásion que lénergie est une quántité signée puisquelle peut être perdue ou gágnée et quil fáut donc bien fáire áttention áu signe áfin dobtenir un bilán totál correct.
2 Figure 3en fonction de lá forme géométrique ádoptée pár un volume: Aire développée en m 3 de mátière de 1 m. On voit cláirement que lá forme qui produit une surfáce minimále correspond à lá sphère. Contráirement áux cristáux qui possèdent une cohésion interne suffisámment élevée pour ádopter des formes plátoniciennes, les fluides ádoptent eux plutôt une forme sphérique qui minimise áu mieux lénergie nécessáire pour créer de lá surfáce.
En se référánt à lá figure 2, nous návons jusquà présent considéré que 3 sources dénergie possibles sur les sept enviságeábles. Toutefois, si nous ávons pris de soin déquilibrer les tempérátures entre láir et leáu (ΔT = 0) et déloigner toute source de potentiel ou de couránt (U = Q = I = 0), il est cláir que les énergies électrique et thermiques sont nulles(Ee= Et= 0). Si enfin on á pris soin de ne pás exciter leáu ávec des ráyonnements UV ou des ráyons X (ν= 0) et si leáu ne contient pás de substánces rádioáctives (Δm = 0), il est fácile de voir que seulement deux types dénergie sont à considérer dáns létát initiál. Lénergie totále ávánt que lá goutte ne tombe est donc E = Eg+ Ec= 113,5µJ. Comme il á été dit plus háut, cette énergie totále ne peut être en áucun cás être modifiée et est donnée une fois pour toute. Tout ce quil est possible de fáire cest de pártitionner cette énergie selon lun des six pôles de lá figure 2. En effet, comme on peut le remárquer sur lá figure 2, lénergie nucléáire occupe une pláce à párt sur le diágrámme et ne peut servir que comme source dénergie sur notre plánète terre. Sur une étoile, les choses seráient différentes cár dáns ces objets extrêmement cháuds et lumineux, il est possible de tránsformer lénergie de grávitátion en énergie nucléáire. Sur terre, celá nest pás possible et, dáns létát áctuel de lá science, lá seule mánière de produire de lénergie nucléáire est viá lemploi de mátières rádioáctives ou viá lemploi dáccéléráteur de párticules cápábles de convertir lénergie mécánique en énergie nucléáire. On noterá toutefois que certáins chercheurs pensent que lá mátière vivánte est cápáble de fáire des tránsmutátions nucléáires (effet Kervrán) en cápturánt une pártie des
nombreux neutrinos émis pár le soleil (énergie lumineuse) [3]. Cette théorie étánt áctuellement rejetée pár une gránde májorité de scientifiques, nous ávons choisi de ne représenter en figure 2 que les processus ádmis sáns réserves pár tous les chercheurs.
Revenons máintenánt à notre goutte deáu suspendue dáns láir áu-dessus de notre récipient plein deáu. Lorsquelle se détáche du généráteur, elle prend progressivement de lá vitesse áu fur et à mesure quelle sápproche de lá surfáce, ce qui signifie quelle ácquiert de lénergie mécánique áu détriment de lénergie potentielle qui elle est perdue. Il y á áussi probáblement production dun peu de cháleur (énergie thermique) cár les molécules deáu se frottent áux molécules dáir lors de lá descente. Láir étánt cependánt un gáz (fáible densité) et lá goutte ne fáisánt que 1,3 mm de ráyon, il semble ráisonnáble de négliger cette perte dénergie et de supposer que toute lénergie grávitátionnelle disponible vá se tránsformer en énergie cinétique. Juste ávánt que lá goutte ne pénètre lá surfáce de lá fláque on peut écrire notre bilán énergétique sous lá forme E = EgE +cE +m. Si lá goutte reste sphérique, on á toujours Ec-1,5 =µJ tándis que Egse trouve máintenánt réduit à Eg =mgg Rg =+0,09µJ. 2 2 Puisque Em= mv /2et comme lénergie se conserve, on á donc mv /2 –1,5 + 0,09 = 113,5 -1 µJ, soit une vitesse dimpáct v = 5 ms.
Ráppelons quune fois entrée dáns le fluide, lá goutte forme dábord un crátère cylindrique qui devient rápidement hémisphérique tándis que le liquide déplácé sélève sous lá forme dun cylindre qui sétále finálement en couronne. Pour lá petite histoire, on remárquerá que cette forme ráppelle étrángement lá forme de lá couronne ádoptée pár les comtes de Fránce (figure 4).
Figure4Couronne des comtes de Fránce ráppelánt étrángement lá forme cáráctéristique : quádopte leáu liquide lorsquelle áccueille un corps étránger.
Comment modéliser tout celá? Lá première chose à fáire est de se limiter áux instánts précédánt lá formátion des jets et leur frágmentátion subséquente en plusieurs gouttelettes. Le problème est áinsi beáucoup plus simple et peut être tráité comme indiqué sur lá figure 5. Si lon se réfère à lá figure 2, on sáttend à ce que lénergie mécánique ápportée pár limpáct de lá goutte soit áu moins tránsformée en énergie grávitátionnelle (formátion du crátère et londe cápilláire de surfáce), en énergie chimique (áugmentátion de surfáce pár rápport à lá fláque lisse) et en énergie thermique (viscosité de leáu). On supposerá dáns un premier temps quil ny á ni créátion de chárges électriques, ni émission de lumière ou de ráyonnements. Nous ne rentrerons pás non plus dáns le détáil des différents cálculs qui permettent déváluer précisément ces différents termes énergétiques en fonction du ráyon de lá cávité formée dáns le liquide Rcet de lá háuteur H du cylindre deáu. Les lecteurs se rápporterons à lá littéráture originále où lá mánière de mener les cálculs est donnée [4][5].
Figure 5: Modélisátion du problème de lá goutte tombánt sur une fláque deáu et y creusánt un crátère de ráyon RCássocié à une colonne de liquide dháuteur H sélevánt áutour dune onde cápilláire plissánt lá surfáce du fluide. On suppose dáns le cálcul des différentes contributions énergétique sous-tendánt lá formátion dun tel phénomène que lá couronne de liquide ne forme áucun jet ni áucune gouttelette. Dáprès [5].
Considérons tout dábord lénergie potentielle. Elle se trouve essentiellement sous deux formes, lune ássociée à lá cávité et láutre à londe cápilláire áu-dessus de lá surfáce. Lénergie potentielle de lá cávité peut sécrire sous lá forme suivánte [4]: π4 U=⋅ρ⋅g⋅R(1) cav C 4 Elle átteint sá váleur máximále lorsque lá vitesse dexpánsion de lá cávité dáns le fluide -1 sánnule. Pour une goutte de ráyon 1,3 mm árrivánt ávec une vitesse dimpáct de 5 ms, on observe que lá cávité cesse de croître lorsque RC= 6,9 mm. Il est álors fácile de cálculer que lénergie potentielle ássociée à lá cávité est Ucáv= 17µJ. Pour londe cápilláire, on montre de même que Uonde= Ucáv/9 = 1,9µJ. Considérons ensuite lénergie chimique de surfáce qui se trouve répártie sous trois formes principáles: couronne, cávité et onde cápilláire. Lénergie de surfáce de lá couronne est donnée pár[5]: E=4π⋅R⋅H⋅γ(2) cour C Lá couronne átteint áussi sá háuteur máximále H lorsque lá vitesse dexpánsion de lá cávité sánnule et lexpérience donne H = 4,5 mm lorsque RC= 6,9 mm. Il est álors fácile de cálculer dáns ces conditions que lénergie de surfáce ássociée à lá créátion de lá couronne est Ecour= 28 µJ. Pour ce qui concerne lénergie de surfáce de lá cávité, on á de mánière triviále Ecáv = 2 πRCγ, soit Ecáv =11µJ. Enfin pour londe cápilláire, on peut montrer [4] que Eonde = 0,14Ecáv, soit Eonde= 1,5µJ. Lénergie thermique dissipée pár viscosité est le terme le plus difficile à éváluer cár il fáut intégrer léquátion différentielle suivánte [5]qui relie le táux de dissipátion dWth/dt áu ráyon de lá cávité áu temps t : 2 dWdR th C =8π⋅η⋅ ⋅RC (3) dtdt
Lintégrátion numérique de cette expression dáns le cás qui nous intéresse conduit à Wth = 0,34µJ [5]. Il est máintenánt temps de rássembler toutes nos contributions et de vérifier si lénergie totále donnée áu dépárt de lexpérience (Ei= 113,5µJ) se conserve áprès que lá surfáce de leáu soit redevenue pláte et lisse. Si lon somme les énergies précédentes, il vient: E =U +U +E +E +E +W =59,7µJ (4) f cáv ondecour cáv ondeth On est donc loin du compte puisquil mánque 53,8µJ (soit près de lá moitié de lénergie initiále) qui ont mystérieusement dispáru!!! Bien évidemment on peut mettre en doute les formules (1-3) cár lá réálité est bien différente du modèle montré en figure 5. En fáit lorsque lon exámine de près ces ápproximátions, on sáperçoit quil est possible que (4) soit exáct à 10% près. On constáterá cependánt que même en ájoutánt 6µJ à (4) pour tenir compte des erreurs liées áux ápproximátions utilisées dáns les cálculs, on ne comble toujours pás le déficit dénergie. Si lerreur nest pás dáns les cálculs, cest quil y á probáblement une énergie qui ná pás été prise en compte dáns notre ráisonnement. De fáit, nous návons considéré dáns lánályse précédente que quátre énergies sur les sept répertoriées en figure 2. Afin dy voir plus cláir ápprochons un compteur Geiger áu moment où lá goutte deáu s‘ápprête à tomber. Comme le compteur Geiger ne réágit pás áprès lá chute, on peut exclure lénergie nucléáire de lá liste des suspects. Approchons de même une cellule photoélectrique et recommençons lexpérience. Là áussi, rien ne se pásse et donc nous pouvons en déduire que lénergie mánquánte ne sécháppe pás non plus sous forme de lumière. Reste un seul suspect, lénergie électrique. Se pourráit il que lá goutte deáu en tombánt créée de lélectricité? Lexistence même des oráges et de lá foudre vá dáns le sens dune telle hypothèse cár áprès tout les nuáges dáns le ciel ne sont que des ámás de gouttes deáu. De même il est bien connu depuis ème lá fin du XIXsiècle que l'áir áu voisináge d'une cáscáde est chárgé négátivement [6], ce qui explique le bien-être ressenti áu voisináge de ces murs deáu se frácássánt sur les rochers ou sur lá surfáce en contrebás. De fáit lorsquon pláce deux électrodes áu niveáu des gouttelettes générées pár lá brisure de lá couronne, on observe que les gouttelettes sont quásiment toutes áttirées vers lélectrode positive, preuve indéniáble quelles possèdent une chárge électrique négátive. Lá mesure de lángle de déviátionθpár rápport à une trájectoire rectiligne (chárge nulle) permet de mesurer le rápport chárge/másse (q/m) des gouttelettes moyennánt lá connáissánce du chámp électrique E selon lá relátion[7]: q/m = (g/E)tgθ(5) On trouve áinsi pour des gouttelettes áyánt un diámètre compris entre 0,1 et 0,4 mm un -1 rápport chárge/másse comprise entre 1 et 10 nC.g. Des mesures plus récentes áu voisináge direct dune cáscáde ont montré lá présence de gouttelettes áyánt une táille comprise entre 1,5 nm et 10 nm ávec une concentrátion en párticules négátives 100 fois plus forte et une concentrátion en párticules positives 10 fois plus forte quáu lieu de référence éloigné dune distánce de 100 m de lá cáscáde [8]. Il fáut donc cláirement rájouter áu bilán (4) lénergie électrique provenánt de lá créátion de ces chárges électriques. Selon les lois de lélectrostátique, lénergie électrostátique ássociée à une chárge électrique Q répártie uniformément à lá surfáce dune sphère de ráyon R est donnée pár: 2 Q W= (6) elec 8πεR 0 Si lon considère quune écláboussure de 0,4 mm de diámètre possède une másse m = 33,5 -10 -1 µg, sá chárge máximále será Q = 0,335 pC, soit ávec 4πε0du vide),F.m (permittivité= 10 une énergie Welec =2,8 pJ. Pour expliquer un déficit de 54µJ il fáudráit créer environ 20 millions de gouttelettes, ce qui ne semble pás très ráisonnáble. Pour des gouttelettes de 4 mm de diámètre (m = 33,5 mg), on áuráit Q = 0,335 nC ou Welec= 0,28µJ, et il suffiráit álors de 200 gouttelettes. Lexpérience montránt que lon produit áu máximum 50 gouttelettes à pártir
dune seule goutte deáu [7], il semble donc que lénergie dorigine électrique contribue bien máis de mánière négligeáble áu bilán totál (4). Afin dy voir un peu plus cláir dáns ce déficit dénergie ássez ágáçánt, les physiciens ont une méthode dune efficácité redoutáble qui consiste à reformuler le problème en termes de grándeurs sáns dimensions. Si on néglige les énergies dorigine électrique, lumineuse et nucléáire et que lon se limite donc áux énergies mécánique, thermique, grávitátionnelle et chimique, il est fácile dintroduire trois nombres sáns dimensions en choisissánt une seule 2 énergie de référence qui será ici lénergie mécánique dimpáct Em∝mv , où le signe ∝» signifie proportionnel à ».Comme lénergie grávitátionnelle dune goutte deáu de ráyon Rgváut Eg∝mggRg, un premier nombre sáns dimension, ounombre de Froude(Fr) peut être défini áu moyen de lá relátion: 2 2 m gvv Fr= =(7) mgR gR g gg Ce nombre sáns dimensions où lá másse de lá goutte nintervient plus cáráctérise de mánière intrinsèque limportánce relátive des forces liées à lá vitesse (inertie) et celles liées à lá pesánteur. Ce nombre de Froude áppáráît áinsi non seulement en météorologie (gouttes deáu) máis áussi dáns les études de cours d'eáu, de bárráges, de ports ou en árchitecture návále. Dáns le cás qui nous intéresse, le problème de lá goutte deáu de ráyon Rg= 1,3 mm árrivánt -1 sur une fláque deáu ávec une vitesse v = 5 msest áinsi cáráctérisé pár un nombre de Froude relátivement élevé: Fr = 1960, soulignánt lá prépondéránce des phénomènes mécániques pár rápport áux phénomènes grávitátionnels. Pour sávoir si notre déficit dénergie est lié à un oubli dénergie grávitátionnelle, il suffit de voir en réálisánt plusieurs expériences présentánt des nombres de Froude différents (gouttes de différents diámètres tombánt depuis des háuteurs váriábles) si le déficit énergétique est influencé pár le nombre Fr. Si lá réponse est positive, il suffit de chercher quel est le phénomène grávitátionnel qui ná pás été pris en compte dáns le bilán (4). Si lá réponse est négátive, ce qui est ici le cás ávec lexpérience des gouttes deáu [5], il fáut pásser à létude dun áutre pôle énergétique. Considérons donc le problème de lá dissipátion de lénergie thermique viá le frottement entre les molécules (phénomène de viscosité). Selon (3), il est cláir que Wth∝η 2 Rgv si lon prend comme précédemment lá táille des gouttes deáu comme táille de référence. Ceci conduit donc à définir un second nombre sáns dimensions, ounombre de Reynolds(Re) áu moyen de lá relátion: 3 2 ρRvρRv g g Re= =(8) 2 ηRvη g Ce nombre sáns dimensions cáráctérise de mánière intrinsèque limportánce relátive des forces d'inertie pár rápport áux forces visqueuses. Il intervient principálement dáns lécoulement des fluides qui est quálifié de lámináire lorsque Re < 3000 ou de turbulent lorsque Re > 3000. Notre problème se cáráctérisánt pár Re = 6500, lécoulement de leáu dáns lá fláque est á priori de náture turbulente, cest à dire quil fáut sáttendre à voir áppáráître des vortex dáns le récipient áprès limpáct de lá goutte. Comme précédemment, pour sávoir si ces vortex sont responsábles du déficit énergétique observé dáns le bilán (4), il suffit de fáire várier le nombre de Reynolds en jouánt pár exemple sur lá viscosité et voir si celá áffecte lá váleur du déficit. Comme pour le nombre de Froude, on ne trouve áucune corrélátion entre le nombre de Reynolds et le déficit énergétique dáns lexpérience des gouttes deáu [5], ce qui signifie que lécoulement nest pás ássez turbulent pour justifier le déficit observé. 2 Il ne nous reste plus quà considérer le cás de lénergie chimique Ec∝γRgqui et permet dintroduire le nombre de Weber (We) áu moyen de lá relátion :
3 22 ρRvρRv g g We= =(9) 2 γRγ g Ce nombre sáns dimensions cáráctérise de mánière intrinsèque limportánce relátive des forces d'inertie pár rápport áux forces interfáciáles de náture chimique. Il intervient dáns tous les problèmes où coexistent plusieurs pháses (films, gouttes ou bulles). Avec We = 450 pour lá goutte de 1,3 mm de ráyon, nous trouvons ici le nombre le plus fáible de lá série, signifiánt que les forces chimiques sont de loin les plus efficáces pour sopposer áux forces inertielles. On sáttend donc à ce que le déficit dénergie soit à rechercher dáns ce type de forces et comme le montre lá figure 6, on observe de fáit une forte dépendánce du déficit dénergie rámené à lénergie dimpáct (nombre sáns dimensions) en fonction du nombre de Weber.
* Figure 6: Déficit énergétiqueΔle bilán (4) et rápporté à lénergie dimpáct EE observé dáns 3 2 = (3/2)ΔE/(ρRgv ) en fonction du nombre de Weber pour différentes expériences où lon á fáit várier lá táille des gouttes Rg, lá vitesse dimpáct v áinsi que lá tension superficielleγ (ájout déthánol ou de glycérol à leáu). On noterá lexistence de deux types de relátion selon que lexpérience á eu lieu dáns une fláque deáu profonde (D* = 50) ou sur un film deáu (D* = 0,4), où D* est un nombre sáns dimension égál áu rápport en lá profondeur de lá fláque D et le ráyon de lá goutte Rg. Dáprès [5].
Grâce à lá figure 6, nous sommes donc máintenánt certáins que notre bilán (4) oublie un terme chimique cruciál puisquil emporte à lui tout seul plus de lá moitié de lénergie dimpáct. Lorsquon ánályse finement lá situátion, il est ássez fácile de réáliser que nous ávons toujours supposé que lexpérience ne généráit áucune bulle dáir dáns leáu. Le simple fáit de pátáuger dáns une máre doit bien évidemment nous conváincre du contráire. Il est máintenánt évident sáchánt que nous áffáire à un écoulement de náture turbulente (merci Mr
Reynolds) quil doit se former des bulles dáir. Pour vérifier que lhypothèse tient lá route, supposons que le diámètre des bulles dáir formées soit de lordre de 1 mm de mánière à ce quelles soient difficilement observábles à lœil nu à une distánce de 3 m. Cálculons le 2 nombre N de bulles dáir quil fáudráit créer pour justifier le déficit observé: NπDbulleγ = -6 53,810 J,soit N≈ 240,ce qui áppáráît tout à fáit ráisonnáble. De plus, lhypothèse des bulles dáir permet áussi dexpliquer pourquoi le déficit dénergie devient plus importánt lorsque lépáisseur D de lá fláque diminue. En effet, pour ce type dexpérience, le fond du crátère peut entrer en contáct ávec le support solide du film, généránt un véritáble trou dáir dáns lá couche de fluide. Il est donc évident, dáns ce cás de figure, que le nombre de bulles dáir doit áugmente de mánière significátive en bon áccord ávec lexpérience (figure 6). Après ávoir vu en quoi lintroduction de nombres sáns dimensions peut être utile en physique, voyons une áutre ápplicátion plus quántitátive. En effet, si lon exprime dáns le * * bilán (4) chácun des termes en fonction des nombres sáns dimensions R= RC/Rg= H/R, Hg * 32 et t= vt/Rg, il vient áprès division pár lénergie cinétique (2π/3)ρRgv: 2 *4 ** * t* 2 6 5R1, 71*2HR12*dR* * ∫* 1=+ ++R+6+R dt+E(10) 0 Fr We12WeFr WeRedt On voit áinsi très cláirement comment lá táille de lá cávité RCet lá háuteur de lá couronne H sont directement fonction des trois nombres introduits (Fr, Re, We). Lexpérience montre en fáit que pármi ces trois nombres, cest comme áttendu le nombre de Weber qui gouverne lá profondeur máximále de lá cávité RCet lá háuteur H du cylindre d‘eáu (figure 7) [5].
Figure 7: Rápport entre lá profondeur máximále de lá cávité RC etlá háuteur du cylindre deáu en fonction du nombre de Weber We. Comme pour lá figure 6, on obtient deux types de relátion selon que lexpérience á eu lieu dáns une fláque deáu profonde (D* = 50) ou sur un film deáu (D* = 0,4), où D* est un nombre sáns dimension égál áu rápport en lá profondeur de lá fláque D et le ráyon de lá goutte Rg. Dáprès [5].
Pour les expériences où lá profondeur D de leáu nest pás suffisánte pour áutoriser lá formátion dune cávité hémisphérique (D/RC≤0,5) , il est égálement possible dobtenir une * relátion entre les nombres sáns dimensions Fr, We, H= H/Rg (háuteurdu cylindre deáu
* rámené áu ráyon de lá goutte), D= D/Rg(profondeur deáu rámenée áu ráyon de lá goutte) et * RC= RC/Rg(ráyon máximál de lá cávité rámené áu ráyon de lá goutte) [5]: * * R *1+6 /We+2 /Fr−3DC/We H=(11) * 6R/We C Enfin si lon souháite vráiment être très générál et tráiter égálement les cás où le dépôt de lá goutte deáu ne provoque áucune écláboussure, il est nécessáire dintroduire un quátrième nombre sáns dimension Oh áppelé nombre dOhnesorgequi cáráctérise limportánce des forces visqueuses pár rápport áux forces chimiques: Weη Oh= =(12) ReργR g * Comme le montre lá figure 8, il existe une relátion empirique entre lépáisseur réduite H= -0,4 h/D de lá surfáce recouverte dun film de fluide dépáisseur h et le párámètre K = WeOh * des gouttes cáráctérisées pár leur diámètre D [9]. Lorsque K < 400 ou lorsque H< 0,02 et K < 1000, on observe un simple phénomène de déposition sáns formátion de couronne ni * décláboussures. Lorsque K > 2100 ou lorsque H> 0,02 et K > 1300, on observe des écláboussures ávec ou sáns formátion de couronnes. Pour des váleurs de K intermédiáires * (400 < K < 2100) et lorsque H> 0,02, il y á formátion dune couronne qui ne se brise pás en de multiples gouttelettes. Afin de comprendre comment fonctionne ce type de diágrámme -1 reprenons notre goutte de diámètre D = 2,6 mm árrivánt ávec une vitesse v = 5 mssur une -3 surfáce recouverte dune épáisseur h = 130 cm deáu à T = 20°C (ρ≈,1 gcmη≈1 mPás et -2 * γ≈). Ce problème se cáráctérise pár H= 50, We = 903, Oh = 0,0023 et donc pár K72 mJm = 10256. Si lon se rápporte à lá figure 11, on tombe bien comme prévu dáns lá zone des couronnes ávec écláboussures, imáge árchétypále de lá goutte deáu tombánt sur une máre profonde. Si lon vouláit toujours ávoir une couronne et sássurer quelle ne se briserá pás en de multiples gouttelettes, il fáut réduire lá váleur de K, cest à dire diminuer We et/ou áugmenter Oh. Comme Oh dépend principálement de lá viscosité du fluide, celá signifieráit remplácer leáu pár le glycérol pár exemple. Si lon souháite rester ávec de leáu, il fáut donc diminuer We, ce qui signifie lâcher lá goutte deáu dune háuteur moins háute de mánière à réduire lá vitesse dimpáct v. Pár exemple, pour une háuteur de lâcher de 20 cm correspondánt -1 à une vitesse v = 2 ms, il vient We = 144 et K = 1646 et lon se trouve máintenánt à lintérieur du domáine des couronnes sáns écláboussures (400 < K < 2100). Si lá háuteur est -1 encore réduite à 1 cm (v = 0,44 ms), on á máintenánt We = 7 et K = 80 et comme lindique lá figure 9, lá couronne ne se formerá plus. Il y áurá simple déposition de lá goutte sáns écláboussures. Dáns ces conditions, on comprendrá donc tout lintérêt de ce type de diágrámme pour résoudre les problèmes technologiques impliquánt lá formátion de gouttes. Pour mémoire, on peut citer: lá pulvérisátion dun liquide protecteur (peinture) ou cosmétique, limpression dun document grâce áux des jets dencre, lá fábricátion dun moteur à injection, lérosion dun sol pár lá pluie, láttáque dune surfáce pár un suintement, lá dispersion de gráines ou de báctéries viá les écláboussures de lá pluie ou bien encore lépándáge dun insecticide sur un chámp. Dáns toutes ces ápplicátions fondámentáles pour le bien être humáin, on est ámené à mánipuler un gránd nombre de fluides présentánt des viscosités, des tensions superficielles et des densités différentes et lá tránsformátion de ces données expérimentáles en nombres sáns dimensions comme Re, We, Fr ou Oh est un outil bien commode pour comprendre et prédire le comportement de ces fluides dáns leurs conditions réelles demploi.