Né dans les lieux d'exil de la traite esclavagiste transatlantique, l'aspiration à une << communauté de destin>> des peuples d'Afrique a toujours occupé l'horizon des mouvements politiques et sociaux continentaux. Saïd Bouamama tente aujourd'hui d'en actualiser les termes.Sollicitant de nombreux écrits, propos et discours d'acteurs des luttes d'indépendance et de bâtisseurs des États-nations postcoloniaux, il nous donne ainsi à voir toute la richesse et la modernité des problématiques déjà explorées alors. De Cabral jusqu'à Nasser, en passant par Diop ou encore Lumumba, mais aussi Césaire et Fanon, cet ouvrage donne à penser le foisonnement et la richesse des réflexions et pratiques panafricaines. Car c'est l'un des apports significatifs de cette << contribution nord-africaine » que de contester la frontière politiquement tracée entre Afrique dite <<> et Afrique du Nord. Soucieux de surmonter ces fractures, l'auteur revient avec précision et sans concessions sur l'histoire anté-coloniale du continent, en particulier sur les traites esclavagistes dites << traditionnelles » ou «< musulmanes ». De même, il développe une critique rigoureuse des multiples essentialismes (<«< négritude >>, << berbéritude >>, << afrocentrisme >>, << arabitude >>...), pour certains hérités du regard orientaliste posé depuis les anciennes métropoles, qui compromettent le projet émancipateur panafricain.Un projet qui, rappelle l'auteur et pour paraphraser Amilcar Cabral au sujet des indépendances, ne vaut que s'il se traduit en une amélioration réelle des conditions de vie des populations.
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Extrait
POUR UN PANAFRICANISME RÉVOLUTIONNAIRE
POUR UN PANAFRICANISME RÉVOLUTIONNAIRE PISTES POUR UNE ESPÉRANCE POLITIQUE CONTINENTALE UNE CONTRIBUTION NORDAFRICAINE
saïd bouamama
préface d’Amzat boukariyabara
éditions syllepse (paris)
DU MÊME AUTEUR AUX ÉDITIONS SYLLEPSE
Des classes dangereuses à l’ennemi intérieur : capitalisme, immigrations, racisme,2021. « Planter du blanc » : chroniques du (néo)colonialisme français,2019. La Tricontinentale : les peuples du tiers-monde à l’assaut du ciel,2016. Dictionnaire des dominations(avec e coectî Manouchîan), 2012.
chapitre 9 Pour une approche politique africaine des traites esclavagistes
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chapitre 10 Eurocentrisme et afrocentrisme : la fausse alternative
chapitre 11 Panafricanisme libéral ou panafricanisme révolutionnaire ?
Conclusion
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préface L’Afrique du Nord et les enjeux du panafricanisme révolutionnaire
Amzat BoukariYabara
Depuîs une décennîe, Sad Bouamama est ’un des rares mîîtants et chercheurs avec esques j’aî pu construîre avec rîgueur, ranchîse et sîncérîté, un dîaogue crîtîque et constructî autour d’un certaîn nombre de questîons panarîcaînes et înternatîonaîstes. I aut dîre que nos îvres respectîs(Figures de la révolution africaineet! UneAfrica Unite histoire du panafricanisme),pubîés à a même pérîode et chez e même édîteur, La Découverte, sont généraement côte à côte dans toutes es bonnes îbraîrîes et cataogues. Is se compètent, avec d’un côté des portraîts, et de ’autre une trame hîstorîque sur pus de deux sîèces de uttes et de cîrcuatîons. Dans dîférentes vîes, devant dîférents cerces de pubîc ou mîîeux d’étudîants ou de mîîtants, aînsî que derrîère nos écrans, nous avons, ces dernîères années, échangé à de nombreuses reprîses sur Bandung, a Trîcontînentae, e panarîcanîsme et es uttes antî-împérîaîstes. Les retours que j’aî pu avoîr de nos débats ont toujours souîgné a compé-mentarîté de nos înterventîons et ’întérêt qu’î y auraît à consoîder nos échanges par une productîon scîentîfique. Même s’î exîste évîdemment des nuances entre nos anayses et que nos champs ne se recoupent pas orcément sur tout, je consîdère cette préace comme un soutîen înte-ectue et mîîtant à ’œuvre engagée de Sad Bouamama, quî a donc aît e premîer pas en produîsant une contrîbutîon nord-arîcaîne au panarîcanîsme révoutîonnaîre. En efet, e rapport de ’Arîque du Nord au reste de ’Arîque suscîte d’întenses poémîques, notamment sur es réseaux socîaux quî s’em-parent de chaque actuaîté, udîque comme dramatîque, pour semer e doute : en dehors de a Coupe d’Arîque des natîons, es Nord-Arîcaîns
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sont-îs arîcaîns ? Sont-îs en mesure de se présenter comme Arîcaîns orsqu’îs ont ace à des Occîdentaux tout en sachant que ces dernîers es assîmîent de toute açon à des Arabes ? Comment es Nord-Arîcaîns se posîtîonnent-îs réeement dans une hîstoîre du panarîcanîsme quî est apparue parmî es personnes noîres déportées et réduîtes en esca-vage par es Européens dans es Amérîques ? Pour Sad Bouamama, ’Arîque du Nord s’înscrît dans un cadre panarîcaîn quî est bîen ceuî d’une communauté de destîn à ’échee contînentae, communauté nécessaîre au déveoppement hîstorîque et à a sécurîté coectîve de tous es peupes arîcaîns quî, soumîs à des sphères d’înfluence occîdentaes hérîtées du partage de ’Arîque ors de a conérence de Berîn en 1885, doîvent réaîser une dîaectîque entre natîonaîsme et panarîcanîsme. Les dogmes mîs en pace à partîr de 1964 par ’Organîsatîon de ’unîté arîcaîne (OUA) concernant ’întangîbîîté des rontîères et a non-îngérence dans es afaîres înternes des pays sont justement rappeés, aînsî que es débats entre Kwame Nkrumah et Juîus Nyerere au sujet de ’unîficatîon dîrecte ou graduee. Le poînt de vue des dîrîgeants nord-arîcaîns est égaement souîgné, notamment eur reus de consîdérer e Sahara comme une rontîère quî couperaît ’Arîque en deux, et eur voonté de garder eurs dîstances à ’égard de ’Europe et du Proche et Moyen-Orîent. L’Arîque du Nord est une corde géostratégîque suppémentaîre à ’arc du panarîcanîsme. Ager, Le Caîre, Tunîs et Rabat ont été des capîtaes panarîcaînes hébergeant ou soutenant des mouvements de îbératîon actîs, de a Guînée-Bîssau d’Amícar Cabra à ’Arîque du Sud de Neson Mandea en passant par ’Unîon des popuatîons du Cameroun (UPC) de Féîx Moumîé. Syrte a été e îeu de reondatîon de ’Unîon arîcaîne sous ’égîde de Mouammar Kadhafi. Loîn de se îmîter aux tentatîves de boc et de groupe aro-arabe quî ont eu îeu dans e passé, Sad Bouamama examîne es sources du pan-négrîsme, du panarîcanîsme, du panara-bîsme et du pan-berbérîsme. Le rejet de ’essentîaîsme et e constat de ’unîté dans a dîversîté des trajectoîres hîstorîques permettent de reconnecter ’Arîque avec ee-même et de dégager des pîstes pour un projet contînenta panarîcaîn révoutîonnaîre Ce projet aît écho aux recommandatîons de ’hîstorîen et homme poîtîque burkînabè Joseph Kî-Zerbo : Je dîraî qu’î audraît, comme aternatîve, d’abord un pro-jet d’ensembe : quî sommes-nous ? Où vouons-nous aer ?
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préface
Depuîs que nous sommes îndépendants, nous n’avons pas répondu à ces questîons. Qu’est-ce que nous avons réaîsé ? D’où venons-nous ? À partîr de cette pate-orme d’ensembe, î audraît mettre sur pîed une orce de rappe – consîstant en îdées, en ressources humaînes et en organîsatîon – quî 1 puîsse se taîer une pace dans e rapport de orce mondîa . Depuîs pus de deux sîèces, e panarîcanîsme a vu pusîeurs généra-tîons d’hommes et de emmes se ever. Pour paraphraser Frantz Fanon, chaque génératîon a produît es outîs pour réaîser a mîssîon qu’ee s’étaît donnée : însurrectîons, uttes armées, mouvements înteectues, organîsatîons poîtîques, bataîes jurîdîques et bîen d’autres. Cependant, d’une part, a domînatîon escavagîste et coonîae, a prédatîon capî-taîste et néocoonîae, a dîvîsîon împérîaîste et trîbae ont empoî-sonné es terres quî, d’Hatî à Madagascar en passant par e Maroc, e Cameroun ou e Congo, portaîent es graînes d’unîté ensangantées de Jean-Jacques Dessaînes, Mehdî Ben Barka, Ruben Um Nyobè, Patrîce Lumumba et des Magaches massacrés en mars 1947. D’autre part, ’absence d’un répertoîre des uttes, d’un îndex des combats et d’un résumé des optîons reîne encore trop e panarîcanîsme. Et ’Arîque du Nord, quî est paroîs consîdérée comme un reîn, peut, comme toute partîe du contînent, accéérer ’unîté arîcaîne sî ee résout ses propres contradîctîons. Trop d’anges morts d’un côté, trop d’embouteîages de ’autre : î est temps de fluîdîfier a cîrcuatîon et de remettre un code panarîcaîn dans es reatîons întracontînentaes, sans oubîer que ce quî se passe en Arîque ne se îmîte jamaîs à ’Arîque. Sî es mînorîtés noîres et maghrébînes en Europe sont partagées entre, d’une part, des espoîrs d’aîance contre une même orme de domînatîon îdéoogîque (racîsme) quî se ramîfie (négrophobîe, îsamophobîe) et, d’autre part, une mîse en concurrence pour amener des îndîvîdus à se désoîdarîser de eurs groupes respectîs dans ’espoîr d’être cooptés par e système domînant quî pourra aînsî mîeux dîvîser et détourner es uttes coectîves antî-racîstes, es gouvernements d’Arîque subsaharîenne et ceux d’Arîque du Nord ne sont pas oîn d’avoîr es mêmes dîicutés et contradîctîons dans a recherche de eurs întérêts respectîs, îndîvîdues et mutues.
1. Joseph Kî-Zerbo,?,À quand l’Arique La Tour d’Aîgues, L’Aube, 2003, p. 182.
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Prîsonnîers des agendas néoîbéraux quî n’hésîtent pas à récupérer ’étîquette du panarîcanîsme, dans e cas par exempe de a Zone de îbre-échange contînentae arîcaîne (Zeca), tous es pays arîcaîns jouent un rôe dans e système împérîaîste, en servant, es uns, de réservoîrs de matîères premîères stratégîques, es autres, de gardîens des rontîères de ’Europe pour empêcher a jeunesse arîcaîne de courîr après un edorado quî n’est que e résutat du pîage de son propre contînent. Les réactîons autour de a résurgence médîatîsée de ’esca-vage en Lîbye, des îmages de mîgrants traversant es côtures sépa-rant e Maroc de ’encave espagnoe de Meîa, ou encore a dîfusîon vîrae de vîdéos racîstes împîquant ou opposant des personnes noîres et maghrébînes n’arrangent pas es choses. Rîen ne sert de tourner en rond, î aut poser es questîons quî âchent tout en apportant des réponses ondées et réaîstes. Domînée de ’extérîeur, dîvîsée de ’întérîeur, ’Arîque est soumîse à des orces de recoonîsatîon gobae aîsant ace à des résîstances transnatîonaes quî donnent ’espoîr de nouvees et utures révoutîons. L’époque nécessîte un panarîcanîsme de combat et de terraîn s’ap-puyant sur de soîdes réérences théorîques et pratîques quî ne peuvent s’autorîser e uxe d’écarter a questîon de ’Arîque du Nord. Sî jamaîs e débat crîtîque ne parvenaît pas à poser caîrement ’objectî de construîre une unîté dans a utte, comme e préconîsaît Amícar Cabra, sî es réflexîons autour de a contrîbutîon nord-arîcaîne n’en venaîent pas à renorcer a nécessîté pour es Arîcaîns de penser ’unîté comme a base de eur survîe dans un monde de prédateurs, aors a cuture de combat (îdentîtaîre, scîentîfique, mîîtaîre, poîtîque…) quî est à a base du panarîcanîsme rîsqueraît de devenîr une cuture de conflîctuaîtés. L’unîté, déjà peu vîsîbe dans a reatîon entre es peupes et es dîrî-geants et înstîtutîons, sera pîégée dans des postures épîdermîques et romantîques quî reposent davantage sur des convîctîons que sur des arguments. L’état d’îgnorance des causes hîstorîques de a dîvîsîon et de a domînatîon împérîaîste est certaînement ce quî codîfie e mîeux es hostîîtés entretenues entre Arîcaîns cîtoyens d’un même et unîque contînent. La recherche est une réponse quî garde évîdemment une part de subjectîvîté, et Sad Bouamama assume son poînt de vue sîtué. Avec a perspectîve nord-arîcaîne, ce îvre enrîchît e débat autour du panarîcanîsme révoutîonnaîre que nous vouons.