« Je dois maintenant te dire ces choses sans âge (…) et cet étonnement de l’être devant le torrent primitif du monde je dois te dire ce que nous sommes parmi les autres » Avec Ma langue traîne déjà dans vos corps, son quatrième recueil qui paraît aujourd’hui aux Écrits des Forges, Alexandre Faustino déclare fermement, après un titre provocateur, que « même la haine aura peur/ même la foi nous respectera tant nous serons beaux ». Le poète parle de la beauté que dégage l’amour, celui qui est capable d’installer sa clarté dans un monde qui en a bien besoin : « nous irons dans les fêtes les plus tristes », où soutient-il, « personne ne voudra plus trahir personne nous vendrons nos perles et on donnera le soya de nos âmes tout de nous sauf tes yeux que j’enfermerai dans mon cœur » Puis, l’arrivée d’un enfant a le pouvoir de concrétiser cet amour en « offrant sa vérité » qu’elle oppose fermement « aux paysages successifs de l’ordinaire » : « un enfant s’agenouille dans le noir j’entends le pas de mondes fragiles » Ainsi s’ouvre la promesse de l’extraordinaire, par cet enfant qui porte la poésie en soi: « D’un grand cri solaire ton visage humide jeté sur un lit d’images »
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Extrait
ALEXANDRE FAUSTINO
Malanguetraîne déjàdansvoscorps
MA LANGUE TRAÎNE DÉjÀ DANS VOS CORPS
Les Écrits des Forges, fondés par Gatien Lapointe en 1971, bénéficient de l’appui financier du Conseil des Arts du Canada et de la Société de Développement des Entreprises Culturelles du Québec (SODEC). Les Écrits des Forges reconnaissent également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition.
Illustration de couverture :Portrait VII – Le devoir de résistance De la sérieDe violence et d’intimidation www.deviolence.tumblr.com
Dépôt légal : deuxième trimestre 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada ISBN : Écrits des Forges :978-2-89645-236-1
En Europe : Écrits des Forges 47, avenue Mathurin Moreau 75019 Paris (France)
ALEXANDRE FAUSTINO
MA LANGUE TRAÎNE DÉJÀ DANS VOS CORPS
Pour ma fille, Ophélie
Voici que vient la nuit où je m’épuise. Je sais pourtant n’être pas seul. JEAN-PHILIPPERAICHE
Tout découvrir. D’un coup. De moi. De nous. De l’ailleurs en moi. De l’origine en nous. CLAUDEBEAUSOLEIL
Je dois maintenant te dire ces choses sans âge ces crépuscules devinant leurs fins te dire les spectres puissants de la lumière et cet étonnement de l’être devant le torrent primitif du monde je dois te dire ce que nous sommes parmi les autres
je dois te dire que les malades sont beaux te dire d’écouter les plus fragiles de donner au lieu de prendre te dire les silences arrachés à un ami les avions égrainant les yeux fermés du ciel
le brouillard de mort parcourant la cagoule des uns étouffant le sourire des autres te dire les eaux noires boueuses qui habitent parfois l’homme se livrant à ses désirs rampants à des détresses universelles ravalant ses corps ses machettes ses miroirs
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te dire aussi le visage dévoré de la bonté comme ceux qui partent mais qui ne reviennent jamais qui ont toujours du manger dans les poches et de l’obscur dans l’œil
je dois te dire les mères en robe de chambre deux taches à la place des yeux qui n’ont plus de mots pour désinfecter l’âme de beaux sans-cœur qui n’ont plus de routes à offrir un peu de ténèbres dans les baisers du matin te dire que les enfants c’est beau mais c’est de l’ouvrage surtout te dire de toujours parler aux inconnus ce sont les plus seuls nous sommes tous des étrangers