Méléagre, d'après William Gager. Une tragédie élisabéthaine des origines

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Adaptation et commentaire d'une tragédie néolatine inédite en Français, l'un des premiers chefs-d’œuvre du Théâtre élisabéthain, portant sur le mythe de Méléagre.
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15 mai 2017

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49

EAN13

9782955946015

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Français

PHILIPPE GUILLAUT
MELEAGRE, D'APRES WILLIAM GAGER
UNE TRAGEDIE ELISABETHAINE DES ORIGINES
Collection Reviviscences
Verdegasi Nitiobrigensis MMXVII
1
Illustration de couverture :lettrine du Vitarum Illustrium aliquot virorum, Tome II, de Paolo Giovio, Bâle, 1577.
Ce livre électronique est placé sous Licence Creative Commons – Paternité, pas d'utilisation commerciale, pas de modification.
ISBN 978-2-9559460-1-5
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William Gager(1555-1622), juriste formé à Westminster School puis au collège Christ Church de l’Université d’Oxford, devient dans les années 1580 le principal animateur de la scène universitaire anglaise. Ses pièces, toutes écrites en Latin, sont représentées devant les plus hauts dignitaires de la Cour, dont la Reine elle-même, et touchent largement et durablement le public lettré de l’Angleterre élisabéthaine. Il jouera également un rôle de premier plan dans la défense du théâtre en butte aux critiques des Puritains.Méléagre, inspiré desMétamorphosesd’Ovide, fut représenté pour la première fois en 1582.
Philippe Guillaut, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, major de l’agrégation de Lettres classiques, après des travaux de recherche en Sorbonne sous la direction de Philippe Sellier et de Pierre Brunel, a enseigné notamment aux universités de Bordeaux III–Montaigne et Bordeaux IV– Montesquieu. Lauréat du prix Infini 2010, il a également publié des textes de fiction aux éditions Calmann-Lévy, Argemmios, Griffe d’encre et Parchemins & Traverses.
Dans cette adaptation, les allusions mythologiques ont été simplifiées, les tirades rhétoriques condensées, les didascalies amplifiées, et les parties lyriques entièrement réécrites.
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Itaque cum isti assidua ferarum insectatione atque esu, nihil aliud assequantur, nisi ut ipsi propemodum in feras degenerent, tamen interea regiam vitam agere se putant.
A force de poursuivre les bêtes fauves et de s'en nourrir, les chasseurs finissent par leur ressembler; ils n'en croient pas moins mener la vie des rois.
Erasme,Eloge de la Folie, XXXIX
Toute chose n’est que la limite de laflammeà laquelle elle doit son existence.
Auguste Rodin
L’improbabilité de nos amours nous sauvera de la colère déterminée des Dieux.
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Wajdi Mouawad,Forêts, 8
Dramatis Personae Entreparleurs
Mégère, Furie infernale
Œnée, roi d’Etolie
Althée, la reine, son épouse
Méléagre, leur fils
Philémon, ami de Méléagre
Atalante, fille du roi d’Arcadie, chasseresse
Plexippe et Toxée, frères d’Althée
Thésée, prince athénien, vainqueur du Labyrinthe
Un vieux Conseiller d’ Œnée
Un Déchiffreur-de-Signes, sacrificateur et interprète des dieux
Une vieille Nourrice, servante d’Althée
Un Messager
Les Chasseurs
Un Chœur
Les Mères
La scène est à Calydon, capitale du royaume d’Etolie, sur l’acropole, entre le Palais royal et l’autel sacrificiel de Diane. Dans le lointain se déploient la campagne, les montagnes et les forêts sauvages.
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Acte I
(A la lisière des mondes, aux confins de la mort)
Mégère, la Furie de l’enfer
(voix et présence spectrales, écumante et vaticinante)
Pays de la nuit sans limite… lac noir du silence… tanières mornes d’ombres mortes… j’en sors. J’ai grimpé jusqu’ici, dans votre joli petit monde d’en-haut, comme vous dites… Comment j’ai fait ? Une poussée de haine !... Oui, je boue de haine, je suinte de fureur, et quand je vois cet endroit, la rage m’étouffe, me monte à la bouche !… Ici, en Etolie, c’estŒnéeroi. Il est bouffi d’orgueil et le de pouvoir. Son sceptre, il le tient comme un hochet ! Il a les rênes bien en main, pour ça oui ! Celle qui couche avec lui, elle s’appelle Althée, c’est la reine… et Méléagre, c’est ce qui est sorti de ces deux-là… pas vraiment à la hauteur, mais bon… Pour venir les fracasser, j’ai dû forcer les portes de la Ténèbre suprême. Diane me l’a demandé. La déesse sauvage. Elle est en colère. Elle a bien raison ! Cette famille royale, vous allez voir, elle va s’effondrer. Vous n’attendrez pas. Ce sera coup sur coup… le neveu va régler leur compte à ses oncles tarés… leur sœur au neveu… la mère à son fils… meilleure comme sœur que
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comme mère, mais sœur pourrie, quand même… C’est là, juste là, ça vient : atrocités, chantages, meurtres, folie. Le feu est prêt. Déjà, Méléagre, tu es dans la lueur de ta mort… la bûche, on l’a sortie de sa cachette… elle va flamber, pour la seconde fois, elle va s’allumer à la rage de ta mère ! Là, devant moi, il danse, ce feu enragé ! Et toi dedans, dévoré ! Oui, le jour et l’heure sont arrivés, enfin ! Tu vas t’ouvrir le ventre avec un poignard, Althée ! Tu vas rendre des comptes amers à Diane, Œnée, pour toi, la pire des fins : du plus haut de ta citadelle, un plongeon tête la première ! Je mènerai la danse. Je lâcherai les furies sur vous… elles vous harcèleront… vous irez où je voudrai : au chaos absolu ! (Comme revenant de sa vision)Hein ? Althée, tu n’es pas encore salie par le crime, le crime le plus ignoble qui soit ? Cette famille, elle est encore en vie, elle se croit innocente ? Ça ne gémit pas, ça ne hurle pas encore dans toute la ville ? Maintenant, place aux hurlements ! J’y vais : en route pour le désastre intégral !(Elle recouvre tout, s’évanouit)
Méléagre, Philémon
Philémon Eh, Méléagre : dis donc, ça fait presque une semaine que toute la ville fait la fête à nos invités, la Cour va de plaisir en plaisir, on danse, on batifole, on se régale. Mais toi, tu passes au milieu de cette liesse générale, et tu te tais, tu pleurniches ? Quand il y a du monde, tu prends un
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air détaché, mais en privé, quelle tête tu tires ! Tu pourrais prendre un minimum sur toi, vu tu rang, vu ta position politique ! Mais non. Tu es tout fermé, tout enfoncé dans tes pensées, tu te mets complètement à l’écart. Tu ne dors plus, tu ne manges plus. Tu aimerais bien me cacher ça, mais tu sais, tes humeurs noires se voient comme le nez au milieu de la figure ! Pourquoi tu ne me parles pas ? Qu’est-ce que tu as ? Dis-le moi !
Méléagre Laisse-moi à mon malheur, Philémon. S’il-te-plaît.
Philémon Malheur ? Quel malheur ? D’où est-ce qu’il sortirait ? Tes deux parents vont bien, la situation politique est excellente… Non non, aucune raison. Si malheur il y a, c’est toi qui l’as inventé ! Alors, si c’est ce que tu veux, ne te gêne pas !
Méléagre Pour tout dire, je suis d’accord avec toi sur presque toute la ligne. Mais ça n’avance à rien. J’ai peur. Une vraie torture : c’est ce sanglier enragé. Anormalement enragé. Il s’approche anormalement de la ville. Je ne comprends pas pourquoi, et j’ai peur : qu’est-ce que ça veut dire ?
Philémon C’est pour ça, tes jérémiades ? Des craintes de poule mouillée ? Redeviens toi-même, Méléagre ! Secoue-moi ce brouillard, souris ! Ça te va mieux. Ce sale sanglier, c’est une plaie qu’on ne connaissait pas encore, dans le
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pays ? Eh bien, on va arranger ça ! On va l’envoyer paître, peut-être bien d’ailleurs que ça te rapportera des lauriers qu’on ne connaissait pas encore : tiens, je te vois bien parader avec des jolis trophées de chasse, tête et peau de sanglier !
Méléagre Je ne demande pas mieux. Mais pour l’instant, c’est lui qui parade, c’est lui qui aligne les trophées.
Philémon Tu es quelqu’un de courageux, Méléagre. Je ne comprends toujours pas d’où te vient cette véritable panique. A mon avis, il y a une autre raison, plus sérieuse. Mais quand bien même : tu as vu quelle équipe on a constituée : des vrais héros ! Des jeunes ! Les jumeaux, par exemple, Castor le cavalier, et Pollux le boxeur. Et bien sûr Thésée, avec son ami inséparable. Et aussi la fille du roi d’Arcadie, tu vois qui je veux dire : Atalante. Une vraie coureuse des bois, avec un sacré palmarès derrière elle. Ou je les connais mal, tous ces chefs de meute, ou notre bandit de grand chemin, qui se drape pour l’instant dans sa peau de porc, ne va pas tarder à payer cher ce qu’il a fait subir à notre pays !
Méléagre Tu te trompes. Tu crois qu’il n’y en a qu’un, mais il a un jumeau. Le premier, Diane, la déesse archère, l’a lancé depuis le sommet du Mont Maudit. Le second, aussi sanguinaire que le premier, c’est depuis l’Arcadie que nous l’a envoyé Apollon, le dieu au carquois, son frère. Il
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est aussi implacable que sa jumelle. Le premier ravage nos champs et nos récoltes, jusqu’aux portes de la ville. Mais l’autre, il s’approche encore plus. Il nous harcèle, il nous obsède ! Il est entré ! Il est dedans ! Dedans, il se déchaîne, il saccage tout comme un sauvage, il brûle ! Et tiens-toi bien : même un fils de roi est incapable de lui résister.
Philémon Qu’est-ce que tu me chantes avec ton deuxième sanglier ? Arrête les devinettes. Dans tous les cas, je garderai le secret.
Méléagre Excuse-moi, mais… Quand on a déjà du mal à se tenir soi-même, alors, les proches…
Philémon Qu’est-ce que tu me reproches ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que tu me caches ça ? J’ai toujours su tenir ma langue, hier comme aujourd’hui !
Méléagre Une bonne fois pour toutes : ne cherche pas à savoir. Il te suffit de savoir que j’en meurs, de ce malheur. Ne va pas plus loin.
Philémon Ah ? Tu refuses encore ? Mais tu vas parler : je vais de ce pas au palais royal, je vais ramener ton père, lui, il aura l’autorité pour t’extraire ces secrets que tu t’enfouis au
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fin fond de la cervelle ! Tu crois que je vais te laisser t’étouffer dans tes soupirs ?
Méléagre(le retenant) Attends. Pas besoin. Je vais cracher le morceau tout seul.
Philémon Pas trop tôt ! Parle. Ouvre-toi !
Méléagre Là, c’est dans la poitrine… je n’avais jamais ressenti ça avant… une vapeur brûlante, en-dedans. La brûlure de l’amour. Imagine un sanglier hirsute qui me court et me laboure sauvagement sous la peau… il me ravage les veines et les entrailles, au plus profond, il me fouit, le féroce, et m’arrache tout là-dedans !(amer)J’ai honte… ça me broie, ça m’étouffe, je suis incapable de le supporter… Tu vois, comme on dit, le premier feu d’amour d’un jeune homme, la première rougeur qui allume mon front. Maintenant, si tu tiens à mon amitié, il va falloir que tu montres tes muscles. Ce que je vais t’avouer, ce n’est pas pour une loyauté faiblarde. Voilà : Atalante. Oui, c’est Atalante, la fille sauvage qui me torture.
Philémon Ah ? C’est ça, ton sanglier ? Ta grande terreur ? D’accord, cette fille d’Arcadie est vraiment très sauvage, tu n’as pas tort, une sauvageonne du Mont Maudit ferait difficilement mieux ! Je ne vois pas qui pourrait domestiquer la bête. Rien qu’au mot de mari, elle
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