142
pages
Français
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2014
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CE QUE FEMME VEUT…
Kathy Dorl
© Éditions Hélène Jacob, 2013. Collection Littérature sentimentale . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-025-1
À Jean-Marc, Kevin et Andreas,
sans lesquels j’aurais pu finir l’écriture de ce livre il y a longtemps
À Sylvain
1.
« Les amis sont les croûtons éparpillés dans le bol d’une salade Caesar » @Jean-Robert
Il fait déjà très chaud sur New York en cette matinée de printemps 2008. L’air est étouffant et l’été s’annonce caniculaire. Lola ne renonce pas pour autant à son jogging matinal, devenu incontournable depuis que Zoé l’a convaincue de s’adonner à cette pratique quotidienne lorsqu’elles étaient à Paris.
Enfin, plutôt forcée que convaincue : possédant un double de ses clés d’appartement que Lola lui avait confié, elle venait la virer de son lit à 7 heures tous les matins, week-ends inclus. Les supplications étouffées de Lola sous les oreillers n’étaient que de faibles boucliers face à une Zoé plus que décidée à en découdre si nécessaire. Lola finissait par s’incliner devant l’irréductible. Encore allongée sur son lit, elle enfilait son survêtement et se retrouvait cinq minutes plus tard au pied de son immeuble, le cerveau embrumé et la bouche pâteuse face à une Zoé-Zébulon sautillant d’un pied sur l’autre, impatiente de se mettre enfin en route.
La ténacité de Zoé a été payante : Lola éprouve depuis le besoin de courir au minimum une demi-heure par jour ; un plein d’endorphines pour compenser les montées d’adrénaline de son job.
Lorsqu’elle quitte l’appartement, John, le concierge, lui fait un petit signe de la main :
Good morning Miss ! Have a great day !
You too John !
Comme tous les matins, le voiturier est débordé. Il s’époumone à coups de sifflet en faisant de grands signes pour arrêter les taxis qui déboulent à grande vitesse dans l’avenue. De grosses gouttes de sueur perlent sous sa casquette. Il tient la portière à un couple qui se rend à l’aéroport JFK avec une montagne de valises, tout en gardant un œil sur un businessman qui semble se disputer un autre taxi avec un touriste. Un sosie de Cher, en manteau de fourrure malgré la chaleur, s’impatiente en tapant du Stiletto par terre. Au bout d’une laisse dorée, un Chihuahua aux oreilles teintées de rose semble terrorisé par l’agitation ambiante, mais plus encore par le talon effilé de sa maîtresse qui a manqué de peu de l’empaler vivant.
Lola se dirige en trottinant vers l’entrée de Central Park qui se trouve à deux rues de son building. Elle a l’impression culpabilisante d’être la seule dans tout Manhattan à ne pas être pressée aujourd’hui. « Qu’ont-ils tous de si urgent à faire pendant que moi, la frenchie expatriée temporairement, je fais mon jogging ? Dois-je m’inquiéter ? Devrais-je remonter dans mon studio pour commencer mon rapport ? » Malgré cette pointe de stress, Lola se ravise : il lui faut justement sa dose d’endorphines ! Elle accélère le pas et pénètre dans l’immense parc.
Lola adore la turbulente vie new-yorkaise : son effervescence, ses odeurs. Une ruche qui ne dort jamais avec ses abeilles : les bourdonnants yellow cabs , ces légendaires taxis jaunes qui, du matin au soir et du soir au matin, inlassablement, arpentent les rues de Manhattan. Une fourmilière de piétons, toutes nationalités confondues, l’oreille greffée à leur Smartphone. Broadway, Harlem, Chinatown, Little Italy : le monde entier en quelques stations de métro.
Le deux-pièces – enfin, le palace – qu’elle occupe au Sheffield est mis à sa disposition par la filiale du groupe L.B. Cosmetics qui l’emploie. Elle n’aurait, de sa vie, jamais les moyens de se payer un appartement sur Central Park avec cuisine high-tech, salle de bains gigantesque, et tous les avantages offerts par le Sheffield : spa, piscine, sauna, fitness. Lola n’ose même pas estimer le montant des frais d’entretien et de gestion que les propriétaires doivent acquitter tous les mois. Le double de son loyer parisien ? Le triple ? Dans tous les cas, elle se sent privilégiée et a bien l’intention d’en profiter pendant son séjour.
Son iPod crachant Jump , de Van Halen, elle commence à longer le Réservoir, le plus grand plan d’eau du parc. Le vendeur ambulant de hot-dogs, bagels et muffins est déjà à sa place habituelle. Lola se promet de s’y arrêter au retour ; elle n’a pas particulièrement faim, mais il faut qu’elle mange. Elle a perdu quelques kilos depuis son arrivée, il y a trois semaines. Le stress du travail la fait fondre comme neige au soleil. Grande et mince, elle ne peut pas se permettre de frôler la maigreur, en tout cas pas en ce moment.
À peine essoufflée, elle se jette sur un banc face au Réservoir pour renouer un lacet de ses Nike. Elle enlève sa casquette et ses écouteurs et passe la main dans ses cheveux bruns, épais et bouclés aux reflets cuivrés. Un écureuil peu craintif s’approche en quête d’une gâterie. Ce n’est pas plus mal que je mette le jogging entre parenthèses ces prochaines semaines, ça va m’aider à prendre du poids , songe Lola. Puis, s’adressant à l’écureuil :
Désolée, bonhomme, j’ai rien pour toi, mais je penserai à prendre des biscuits la prochaine fois.
Elle s’apprête à reprendre sa course quand son BlackBerry se met à vibrer. Le prénom de Zoé s’affiche sur l’écran.
Hey, sweetie, what's up ? J’te dérange ?
Hello, Zoé ! Pas du tout ! Je fais mon jogging, je suis à Central Park.
Waouh ! Tu continues, bravo ! T’as couru combien de temps ?
Dix minutes, je crois, mais je n’ai pas fini !
Que dix minutes ? dit-elle sans avoir pris la peine de l’écouter. Hum, tu sais qu’il en faut au moins trente pour que tu commences à perdre des toxines ? Là, tu te promènes ! Au moins une demi-heure, Lola ! Et c’est un minimum pour les fumeurs !
Je te rappelle que je ne fume pas ! rectifie Lola en bougonnant.
C’est pas grave, un mental tonique dans un corps tonique, Lola. Allez zou ! Tu reprends, j’te rappelle dans une demi-heure pour vérifier.
Zoé, tu pourrais convaincre un sumo en pleine compétition de sortir du cercle rien qu’avec un battement de cils, mais avec moi, ça ne marche plus ! Quand j’en aurai assez, je m’arrêterai, voilà tout. Et tu sais qu’en ce moment, il faut que je prenne du poids, alors un peu de cardio, okay, mais je veux garder ma sueur et les toxines qui vont avec.
Lola entend Zoé rire, puis redevenir sérieuse.
Alors c’est bon, tu es prête, Lola ? C’est décidé ? Tu es vraiment sûre ?
Oui, c’est tellement décidé que mes examens cliniques et hormonaux sont normaux et que le rendez-vous est pris.
C’est pour quand ?
Après-demain, en début d’après-midi.
Pendant un bref moment, Lola n’entend plus que les pages de l’agenda de Zoé tourner à vive allure.
J’ai fini ma collection hier, j’ai deux ou trois rendez-vous, mais je vais me débrouiller : je serai à New York après-demain en fin de matinée, je réserve un vol Delta de suite.
Ce n’est pas nécessaire, Zoé, tout ira bien, assure Lola.
Kestudis ? Ce n’est pas toi qui disais à l’instant que personne ne me résiste ? Miami-JFK, ce n’est pas la mer à boire : je ne veux pas que tu sois seule ! Je serai donc là, that's all ! Kisses !
Et comme bien souvent, Lola continue d’argumenter dans le vide, Zoé ayant déjà raccroché.
Lola est toujours épatée de la réactivité de Zoé face aux événements. Elle serait capable de retrouver ceux qu’elle aime au fin fond d’une ruelle bien glauque de Bangkok s’il le fallait. C’est son plus précieux soutien depuis son arrivée à New York ; la solitude lui pèse un peu et il lui reste encore un long mois de mission à faire ici pour LBC. Un long mois d’inspections, d’écoulement de marchandises, de négociations avec les grands comptes : Macys, Saks Fifth Avenue. L.B. Cosmetics compte également sur Lola pour convaincre la responsable cosmétiques et parfums de Bloomingdale’s. La pression est énorme, d’autant plus que cette responsable est la copie parfaite de Miranda Priestly, la boss tyrannique du Diable s’habille en Prada . Lola n’a droit qu’à un seul essai pour éventuellement prétendre à une promotion à son retour sur Paris. Et cette promo, il faut qu’elle l’obtienne !
Zoé est une fonceuse, elle a le don de réussir tout ce qu’elle entreprend. Conseillère de mode pour différents couturiers de prêt-à-porter en free-lance, son portefeuille clients était déjà bien rempli quand Lola potassait encore ses cours à la fac. Grande et élancée, elle avait fait un peu de mannequinat à ses débuts. Avec sa coupe à la garçonne blonde, son regard bleu incisif sur les nouvelles collections, son culot et sa forte présence la rendent incontournable dans la mode. Actuellement sur Miami, e