Adieu Vieille Europe

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Adieu Vielle Europe On s'est bien foutu de ma gueule… Ah ça j'en aurai mangé de la chronique de voyageur, les mers chaudes à l'encre de Chine ! Faut dire aussi il y'a de quoi rêver, Thessiger, Lawrence, Conrad… Baudelaire avait raison ça donne envie de voir du pays. ça m'en aura fait sabré de la bouteille d'encre. Mais aujourd'hui où sont ils mes buffles dans la rizière ? Les sampans, les boutres et mes jonques chinoises ? Les épais drapeaux français, délavés par les moussons d'Asie, et les vents d'Afrique ? Mes congaïs à la peau brune, imberbe et élastique ? Il a raison le Pierre! On s'est bien foutu de ma gueule... Et pendant que certains fument l'opium, avec quelques rois païens, Moi, pigeon par le père, je réchauffe le pavé luisant de la capitale. Usant mes froques sur les bancs des universités, et ma tolérance dans les transports en commun. Le visage vérolé, le corps difforme, le sexe mesquin. Parfois, porté par un nouveau songe, un vent iodé d'un océan qui n'existe plus, qu'aux yeux des géographes. Souvent, révolté par le deuil d'un vieux rêve, d'une aventure avortée. Morte, de sa belle mort comme ils disent. Tous ceux là parlent comme si ils pouvaient comprendre, comme si ils avaient été à ma place, mais je refuse que mon histoire s'achève comme la leur, je vais quand même pas claquer comme ça ! Pas comme eux ! Pas comme lui.
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Publié le

13 janvier 2014

Nombre de lectures

161

Langue

Français

Adieu Vielle Europe
On s'est bien foutu de ma gueule
Ah ça j'en aurai mangé de la chronique de voyageur, les mers chaudes à
l'encre de Chine !
Faut dire aussi il y'a de quoi rêver, Thessiger, Lawrence, Conrad
Baudelaire avait raison ça donne envie de voir du pays.
ça m'en aura fait sabré de la bouteille d'encre.
Mais aujourd'hui où sont ils mes buffles dans la rizière ? Les sampans, les
boutres et mes jonques chinoises ? Les épais drapeaux français, délavés par
les moussons d'Asie, et les vent s d'Afrique ? Mes congaïs à la peau brune,
imberbe et élastique ?
Il a raison le Pierre! On s'est bien foutu de ma gueule...
Et pendant que certains fument l'opium, avec quelques rois païens, Moi,
pigeon par le père, je réchauffe le pavé luisant de la cap itale.
Usant mes froques sur les bancs des universités, et ma tolérance dans les
transports en commun.
Le visage vérolé, le corps difforme, le sexe mesquin.
Parfois, porté par un nouveau songe, un vent iodé d'un océan qui n'existe
plus, qu'aux yeux des géographes. Souvent, révol té par le deuil d'un vieux
rêve, d'une aventure avortée.
Morte, de sa belle mort comme ils disent.
Tous ceux là parlent comme si ils pouvaient comprendre, comme si ils
avaient été à ma place, mais je refuse que mon histoire s'achè ve comme la
leur, je vais quand même pas claquer comme ça ! Pas comme eux ! Pas
comme lui.
Je suis là, tout penaud dans ma misère, fumant pour me donner une
contenance, seul dans les200m2que m'a laissé le vieux, dans le même
fauteuil où il s'est pissé d essus pour la dernière fois.
Lui aussi il s'est bien fait avoir, à croire que c'est héréditaire.
Mais le plus tragique c'était sa capacité à rationaliser son échec, comme si la
médiocrité était un choix de vie.
Un vrai franciscain de la classe moyenne le père.
Il aura claqué comme il a vécu dans l'indifférence et l'urine, repu de faux
libre arbitre et de satisfaction.
Ça, il était fière que son gamin, qu'il avait eu sans contrac ter de crédit sur10
ans, fasse ses études à la capitale .
Ça avait libéré tous ses fantasmes, du bateau à l'hôtel particulier rive droite.
Et moi grande gueule mais pas mauvais fils, fidèle aux instincts familiaux je
me persuadais que à défaut d'être la meilleure option c'était la seule valable.
Quel fils d'abruti j'étais !
On l'a enterré dans le purin ancestral de sa Bourgogne natale, entre deux
anonymes, à200mètres de là où il s'est pissé dessus pour la première fois.
Et puis il y'a eu la messe et son cortège de malheurs, j'ai encore beaucoup
de mal a m'agenouiller devant un cad avre en pagne, mais soucieux de
mériter ma sortie pour bonne conduite j'ai du me plier a l'exercice de
l'oraison funèbre.
Qui comme les mariages, ne sont qu'un raison de plus de sortir de
l'alcoolimat.
Alors forcément un mort c'est chiant, outre la paperas se, on a plus le droit
de rire en publique, de sourire aux filles électrisée par l'érotisme morbide
d'un jeune homme qui hérite, ou autres entorses au bon gout funéraire.
Mais un drame familial ça coupe, ça mélange, ça redistribue.
Aujourd'hui la représentation est finie, tout le monde s'en fout et c'est bon.
Je pourrai bien crever de la lèpre au Ceylan que personne ne viendra me
faire chier à m'envoyer des confitures.
Pourvu que je ne gagne pas trop d'argent et je serais entièrement affranchi
des attentes d'autrui, je suis seul à bord.
Mon tour ! Je choisis le cap.
Bien sûr, je pourrai continuer dans cette voie , la quête de la reconnaissance,
la réussite sociale, voir et être vu, le pavillon, la grosse et tout ce qui va avec,
le rêve américain en somme.
Ou alorsça peut être à mon tour de me foutre de leur gueule et aller boire
le vitriol à la source, répondre à l'appel du vide.
Après tout j'ai signé comme les autres. J'aspire à autre chose !
Fini le cul de jatte qui murmurel'invitation au voyage.
Je suis des leurs, un candidat à l'Aventure, adieu vielle Europe, que le
Diable t'emporte !
Je gueule, je m'insurge, mais je suis bien loin de la Terre de feu.
Paris15ème, pas exactement la porte des Indes et pourtant, je n'y arrive pas.
Ils ont beau tous m'exaspérer, j'ai beau avoir peine à freiner mes envies de
guerre civile, j'ai finit par me complaire dans notre merde.
Jai assimilé nos codes j'ai apprit à oublier.
Malgré la peur grandissante de devenir à23ans, le "petit épicier de
Montrouge", dont parlait Monfreid.
Malgré les regards méprisants des cloportes sans histoire, exécuteurs de la
sanction sociale et pourfendeurs de l'anormé.
Malgré tout ça, voilà5jour pour jour, que mon sac est prêt, là, dansans
l'entrée. Sinistre anniversaire.
Du Kessel, un peu de Batouta, beaucoup de Kipling.
Une gourde d'arak syrien, une cartouche de gauloises et un vieux moleskine
trouvé marché Brassens.
Le reste est accessoire, nous ne sommes pas des touristes.
Nous autres, rêvons dans une autre langue, marcho ns plus loin, et plus
lentement.
Enfin nous je me console, mais comme moi, ma musette prend la
poussière.
Je me revois encore le jour où j'ai choisit de prendre plus de livres que de
vivres.
La première fois que j'ai regardé ma carte en me demandant où il ferait bon
vendre âme et armes ?
Ispahan ? Djibouti ? Sanaa ?
Passe ton bac d'abord.
Alors tout piteux j'ai fais mon deuil, doucement, comme tout le monde, et
gentiment j'ai commencé à pourrir, à l'image du vieux. En silence, le bide
remplit et la vessie vide.
Mais aujourd'hui ? Aujourdhui j'ai les couilles pleines et personne pour me
dire d'arrêter de me pogner. Alors quoi.
La peur ? C'est probable.
Il faut se l'avouer ça parait contre tout instinct de survie, choisir l'aventure
au confort. Le héros peu pragmatique, est pareil à ces fous que les hindous
vénèrent pour avoir vu à travers les yeux des dieux.
Comme dit Antoine après quelques verres, les hommes de proie ne sont pas
faits pour vivre confinés dans des tiroirs, qu'ils soient haussmanniens ou
non.
Nous rêvons, morbides et pernicieux, d'aller là où le consommateur
rationnel n'a qu'un seul projet, s'enfuir et survivre.
Mais nous, nous savons qu e l'homme sensé ne vit que d'actions insensées.
C'est surement de là que vient le doute. On nose pas tellement vérifier.
Du coup on s'excuse. Un gigot dans le four, Une santé fragile, un père à
contenter, tout les prétextes sont bon et rendent la frontièr e entre vivre et
exister infiniment difficile à traverser.
Il faudrait oublier tout ce que l'on m'a apprit, la peur du contacte physique,
le dégout de la prise de risque, le ridicule du viril, la criminalité du bon sens.
Je devrais réapprendre à respirer, la tête haute et les épaules fortes, me lever
de ce fauteuil et partir vite.
Enfin, faudrait d'abord que je trouve le courage de sortir de cette piaule.
Je suis tellement loin dans la connerie, je me dis que se serait con de tout
gâcher.
Jai déjà le diplôme et la baraque, encore deux tours et c'est le jackpot.
Comprenez qu'abandonner toute ma misère d'un seul coup, j'aimerai mieux ,
d'abord en parler avec mon assureur.
Je ne pourrai pas me lever de ce fauteuil tant que j'aurai peur de ne plus le
retrouver.
L'aventuriste ne devient aventurier que lorsqu'il est prêt à perdre, lorsque la
cravate de chanvre devient le plus flamboyant des grands uniformes.
LAventure, est peut-être un sacerdoce mais pas une vocation, celui qui se
veut l'acteur et l'auteur de sa propre odyssée abandonne derrière lui, les
attributs de sa vie civile, en sacrifice à ses nouveaux Dieux.
Il s'engage à peindre dans toutes les nuances de sa sueur, de son sang et de
ses rêves, les Djinns trompeurs et magnifiques des déserts méso potamiens.
Du coup on hésite, on tricote et on s'endort, la tête dans le four et le gaz
ouvert, pour les plus courageux.
Il faudrait savoir perdre.
Loin des honneurs primés par le Nombre, l'aventuriste se contrefout de
l'armistice, de ses vaches, de sa ro mbière qu'est toute seule, rien a foutre
pourvu que sa vie serve son idée.
Ses valeurs sont bien différentes il ne croit qu'en quelques veaux d'or.
Moi aussi j'ai des principes, du moins j'essaye d'en avoir, de me fondre dans
le personnage.
C'est un rôle ingrat qui se joue à plusieurs.
Faut pouvoir se donner la réplique.
Pourtant, j'ai l'impression que tout le monde s'en tape de son aventure.
Tu les vois dans leur costards trop grands, savourer leurs petites victoires
dans leur coin, ils en oublieraient leur conditions ces cons là.
Aujourdhui y'avait de la daube à la cantine ! Jai même pas eu à payer le
parking ! Peut être que ce soir la Madeleine voudra bien prendre par le
cul
Faut bien remplir les pavillons de campagnes.
Mais un aventurier solitaire, sans complice ni camarade, n'est plus qu'un
opportuniste.
Tout autour du héros n'est qu'atmosphère, les femmes sont une vapeur, les
personnages autre que le sien une décoration. Mais l'amitié franche et
dévouée, teintée d'admiration réciproque, celle qui se lit pleinement dans
une cigarette offerte, une main tendu, un plan d'évasion.
Une amitié sans distinction de grade ou d'âge, mais marquée par une
reconnaissance mutuelle, qui s'explique en quelques mots ou qui ne
s'explique pas du tout.
Pas un simple camarade de beuverie.
C'est trop facile les amitiés de comptoirs, c'est d'ailleurs bien pour ça qu'on
a inventé l'alcool.
On partage sa crasse, on s'échange sa fièvre et puis on se finit, on dégueule
en choeur, on crache en canon.
Jen ai eu des codétenus, on nétait pas là pour les mêmes raisons, mais on y
était.
Mais aussi unique que je me croire être, je ne peut pas être le seul.
Où sont ceux qui ont le sang chaud dans les veines ? Les grands nomades,
les jeunes appelés ? Ou n'est -ce qu'un chapitre de plus ? Une connerie de
jeunesse, comme ils disent aussi.
Mais je me plante, je le fais exprès, moi aussi je rationalise, je me fous de ma
propre gueule.
Ecoutez moi jacter, "les grand nomades"
Mes pairs ne sont pas les héros de la noblesse d'épée, je le sais très bien.
Je n'ai rien en commun avec un Perceval ou un Bayard, je suis plus proche
de la grenouille que du boeuf.
Soyons honnête rien qu'une minute, je reconnais mes frères, les
aventuristes résignés, les Don Quichottes cancéreux, les avortés .
J'en ai vu qui m'auraient fait chialer tellement ils étaient beaux, tellement ils
étaient grands.
Il était là lui aussi, bien humble comme il faut, avec sa gentille misère et sa
trogne rougeaude, l'oeil vitreux et profondément triste, profondément seul.
Il avait trouvé refuge dans les verrues et le calva, tout piteux dans son
honnête travail et ses loques vertes fluo.
Je sais, j'ai tout vu, j'étais sortit me planquer pour cloper en paix.
ça faisait bien deux heures qu'il balayait la merde des rats de com pagnies
des vielles, qui avaient décidées de se faire empailler rue de l'Albonie. Faut
bien manger.
Lui ça se voyait pas, ça se sentait. On s'était tellement foutu de sa gueule, il
ne rirait jamais plus.
Et puis d'un coup il a arrêté de balayer, il a posé ses mains sur son balai et il
l'a regardée passer devant lui.
En petite robe, très courte et très bleue, le corps qui ondule sur le pont Bir -
Hakeim.
Qu'on se le dise elle était vraiment pas mal, un petit morceau d'infini a elle
toute seule.
Mais lui, ça l'a élevé, pendant de longues minutes il est sorti de sa misère, il
a quitté sa lourdeur et ses artères bouchées, il ne clignait même plus des
yeux.
Il s'imaginait parcourir ces cuisses blanches avec ses doigts jaunes, becter
cette chaire ferme avec ses dents rongées, lécher ce corps parfumé avec sa
langue véreuse.
Et probablement lui bouffer sa candeur à grand coup de verge.
Il aurait voulu qu'elle vienne d'el le même, le sortir de lui avec c es hanches.
Le tout avec l'humilité d'un balayeur suintant, qui fantasme sur une fausse
bourgeoise estivale, sans bander, sans grogner, juste en rêvant, en
s'imaginant.
Et puis comme nous, en rêveur diurne qu'il était, il a ramassé son balais et a
continué sa vie, son oeuvre.
Ce n'était pas pour lui et il le savait.
Je me suis sentit moins seul, réconforté, surtout que ce nest pas le premier
que je repère!
Nous sommes un vrai mal, une peste magnifique, il y'en a plein d'autres!
Le caissier ! Parlons en du caissier ! Brave parmi les braves.
Il coule sous la musique d e supérette programmée pour nous inciter à
lachat, mais lui il n'achète pas, il ne vend pas non plus dailleurs.
Lui même sent bien qu'il n'est pas à sa place, alors , un effort doit être fait
pour adoucir le tableau, faire couleur locale.
Derrière lui, placé en décor de fond, les bouteilles d'alcools lui rappellent
qu'elles seront toujours là pour lui.
Il faut qu'il soit assis un peu trop bas, le dos vouté et le nez qui coule , à
cause du rayon surgelé.
Les yeux cernés par la lumière crue, écarquillés sur la laideur d'autrui.
Quest ce qui le retient lui ? Il aspire quand même pas à des jours meilleurs,
faut pas déconner.
Mais comme nous, il reste, il rempile.
Dans le doute il préfère rester planqué là, au milieu des odeurs de
cellophanes et des promotions sur les capotes, il ne bouge pas, il encaisse.
Il le sait qu'il est au tout au bout du dépit ! Il passe des journées entières à y
penser, entre deux rouleaux de papier cul.
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