101
pages
Français
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2015
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Ebook
2015
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Publié par
Date de parution
06 juillet 2015
Nombre de lectures
328
EAN13
9782370113375
Langue
Français
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Date de parution
06 juillet 2015
Nombre de lectures
328
EAN13
9782370113375
Langue
Français
Seul au monde quand on s’appelle Alexis Tatou
Yannick Billaut
© Éditions Hélène Jacob, 2015. Collection Aventures . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-337-5
Merci infiniment au talentueux Clément Brunneval pour sa photo de couverture.
Merci énormément à Martine Crépieux pour la traduction russe et à George Popescu pour celle en roumain.
Et un merci particulier à Aline pour son aide si précieuse…
À Hippolyte et Séraphin
1 – Mercredi soir chez Hortense
Alexis se dit qu’en plaçant « cobza » en vertical, il pourrait doubler son « Z » et tripler son « C ». Il effectua son calcul de tête. Avec les trois points du « B », ça lui faisait 34. Il compta une seconde fois, pour être sûr.
Bon. C’est pour aujourd’hui ou pour demain, Alexis ?
34. C’est bien ça. Avec fierté, il plaça les lettres de son mot sur le plateau.
… Non. « Colza » c’est avec un « L ».
Mais c’est pas « colza », mamie. C’est « cobza ».
« Cobza » ?!? C’est pas français ça, « cobza ».
Si, mamie. C’est français.
« Colza » oui. Mais « cobza », ça n’existe pas.
Je t’assure que ça existe.
Mais c’est quoi ça, « cobza » ?
Un instrument de musique. Bulgare, je crois. Ou roumain.
…
Donc, ça fait 34 avec « Z » compte double et « C » triple.
Essaie quoi ?
Non, je dis « et "C" triple » !
Ah… bon, si tu veux.
La grosse horloge de la cuisine avait sonné 22 heures. Alexis se leva.
Je vais y aller, mamie.
Oui d’accord. Tu veux manger quoi dimanche ?
Comme tu veux. Tu peux faire ta blanquette.
Ah oui, c’est bien, la blanquette. Ça fait un moment…
J’amènerai du jambon de pays pour l’apéro.
Ou un risotto, oui. C’est bon aussi un risotto.
Non, mamie. Pour l’apéro ! Je prendrai du jambon de pays !
Ah… bon, si tu veux.
Il l’embrassa avec affection et veilla à ce qu’elle tire correctement le verrou de la porte après son départ.
La soirée du mercredi s’achevait ainsi. Comme toutes les soirées du mercredi. Le dîner et le Scrabble chez mamie Hortense.
Alexis Tatou n’avait plus que sa mamie Hortense. Alors le mercredi soir et le dimanche midi, toutes les semaines, il passait la voir et partageait le repas avec elle. Toutes les semaines. Depuis… longtemps.
Alexis Tatou aimait bien les milieux de semaine. Peut-être parce que la seconde moitié lui faisait du bien. Le jeudi soir, à la maison, il s’organisait ce qu’il avait appelé sa soirée « lecture au bois ». Été comme hiver, après le souper, il se calait dans le fauteuil près de la cheminée et lisait d’une traite un livre qu’il s’était scrupuleusement choisi. C’était ainsi, tous les jeudis. Le vendredi soir, il le passait en compagnie de Cyril et François, deux collègues de travail, pour leur traditionnelle partie de fléchettes au Django, petit café-brasserie du centre-ville de Montignan. Car Alexis Tatou habitait Montignan. Il travaillait chez Popy, entreprise de fabrication de pop-corn. Il était responsable du calibrage. Autrement dit, il passait toutes ses journées à vérifier le calibre réglementaire des grains de maïs. Le petit grain de maïs, le trop gros, le cabossé, le brunâtre, le fêlé, il le retirait systématiquement de la chaîne de fabrication. Il le faisait avec conscience et beaucoup d’application. Il faisait cela depuis… longtemps.
Le dimanche midi, il déjeunait donc chez mamie Hortense. Hortense, 86 ans, avait gardé toute sa pétillance, toute sa malice, toute son énergie et toute sa tête. Avec le temps, elle était un peu plus dure de la feuille, mais elle compensait ce petit souci par un entrain légendaire. Et elle aimait, par-dessus tout, les visites de son petit-fils Alexis.
Ledit Alexis qui, à l’approche de la quarantaine, s’était remis au sport depuis deux ans. Il avait choisi la natation parce que « la nage, disait-il, c’est un sport complet ».
Ainsi, tous les lundis à 18 h 30, il se rendait à la piscine pour son heure de natation habituelle. Tous les lundis. Chaque semaine.
Alexis Tatou avait réglé sa vie comme ça. Du lundi au dimanche. Un vrai métronome. Il ne se disait ni heureux ni malheureux. À vrai dire, il ne se posait jamais la question. Cyril et François avaient bien tenté de l’ouvrir à d’autres choses. Internet et le chat , les soirées dansantes, les rencontres féminines, les matchs de foot au stade. Rien n’y faisait. Il se contentait de son programme hebdomadaire et il se disait que l’amour arriverait bien un jour s’il devait arriver.
En attendant, ses journées défilaient, semblables les unes aux autres. Il les enfilait comme on enfile les perles à un collier. Et Cyril et François espéraient qu’un jour Alexis s’arrêterait et finirait par constater la longueur inhabituelle de son collier…
2 – Lecture au bois
Alexis avait terminé ses œufs au plat. Il avait commencé son repas par un velouté de potiron et châtaignes. Il se réservait la mousse au chocolat pour tout à l’heure. En attendant, en ce jeudi soir juste après les infos, comme à son habitude, il s’installa dans son vieux fauteuil club près de la cheminée.
Ce soir-là, il s’était choisi un livre de Véronique Olmi, Cet été-là . Il avait parcouru la quatrième de couverture et l’idée de se plonger dans une ambiance d’été parmi ces couples visiblement bousculés dans leur existence le temps d’un week-end de juillet l’avait séduit.
Il avait enfilé sa robe de chambre, s’était installé confortablement et avait entamé le premier chapitre. Le téléphone sonna. Un coup. Puis deux. Alexis hésita. Qui pouvait bien appeler à cette heure, hormis le bureau pour un nouveau problème de machine ? Cette idée le chagrina. Il s’était préparé à sa soirée lecture et voilà qu’il lui faudrait à nouveau sauter dans son pantalon pour reprogrammer cette satanée machine de triage. Trois fois en un mois. Trois fois le jeudi. Comme si le logiciel de cette chaîne de fabrication s’était juré de lui pourrir ses soirées lecture au bois. Voilà, c’était ça : « Un logiciel de pourriture de soirée lecture ». Mais comme le boulot, c’est le boulot, Alexis décrocha.
Allô ?
Allô, Monsieur Tatou ?
Oui, c’est moi.
Bonsoir, Monsieur Tatou. Je me présente : Justin, conseiller des cuisines Lapendrie. Dans le cadre de notre démarche promotionnelle, je voulais vous faire profiter d’une offre exceptionnelle valable sur nos modèles « Honfleur » et « Chamonix », issus de la gamme classée « Prestige » de notre catalogue. Cette offre est réservée aux cent premiers clients et vous avez eu le privilège d’être tiré au sort. À ce titre, vous bénéficiez d’une remise de 50 % à valoir sur ces deux produits, offre valable un mois « satisfait ou remboursé » avec, en prime, la pose gratuite réalisée par un artisan agréé de votre choix. Avouez, Monsieur Tatou, que cette offre est vraiment intéressante, vous ne pensez pas ?
Ben…
Vous possédez une cuisine, Monsieur Tatou ?
Ben oui quand même…
De quand date-t-elle ?
Ouh… je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé la question.
Si vous ne le savez pas, on peut donc considérer qu’elle a sans doute plus de dix ans. Quinze peut-être ? Davantage ?
Peut-être, oui…
Alors, Monsieur Tatou, laissez-moi vous annoncer un avantage supplémentaire à cette offre qui ne vous laissera pas indifférent, j’en suis sûr. Les cuisines Lapendrie ne vous accordent pas une garantie de dix ans comme habituellement, mais une garantie exceptionnelle de quinze ans ! Rendez-vous compte, Monsieur Tatou, l’assurance et la tranquillité dont vous allez bénéficier en choisissant…
Alexis avait du mal à se concentrer. Les propos du vendeur sonnaient comme une ritournelle, alternant les graves et les aigus, sur un rythme plutôt rapide et légèrement saccadé. Qui plus est, le vendeur avait un accent et Alexis Tatou ne comprenait pas toujours le discours de ce monsieur. Certains mots lui échappaient. Comment s’était-il présenté, ce vendeur ? Valentin ? Non, pas Valentin. Justin. Voilà, Justin. Justin avec un accent plutôt africain. Mais où se trouvaient donc les cuisines Lapendrie ? Au Sénégal ? En Côte