ALAN TURING ET LE JEU DE L'IMITATION

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Niveau: Secondaire, Lycée, Première
ALAN TURING ET LE JEU DE L'IMITATION Patrick Goutefangea Avec le « jeu de l'imitation », Turing imagine une méthode pour décider si une machine « peut penser ». Il montre que la défini- tion théorique de la machine qu'il a lui-même donnée en 1936- 1937 n'interdit pas l'hypothèse qu'une machine conforme à cette définition puisse l'emporter au jeu. Ce faisant, il n'aborde ni un problème technique, ni un problème de logique théorique, mais s'avance sur le terrain d'une philosophie que l'on qualifiera de « continentale » : pour l'emporter au jeu, la machine doit s'ex- primer à la première personne et être pour son adversaire un semblable. La machine victorieuse doit être élevée à la pleine dignité du sujet de la philosophie classique. E n 1950, Turing, dans Les Ordinateurs et l'Intelligence1, examinela question « Les machines peuvent-elles penser ? », et propose d'y répondre, de manière assez déconcertante, en substituant à la question pro- prement dite une expérience alors impossible à mener : le célèbre « jeu de l'imi- tation ». En soi, le seul fait que Turing, connu comme mathématicien et auteur d'une définition logique largement acceptée de la notion de machine, consacre un texte à une question telle que celle de la « pensée » des machines, mériterait sans doute un examen : y a-t-il, dans sa démarche antérieure, un problème théo- rique qui débouche sur cette question ? La notion logique de machine élaborée à la fin des années trente

  • question philosophique de la pensée

  • jeu de l'imitation

  • démarche

  • certitude métaphysique

  • ques- tion de la machine

  • pensée

  • pleine dignité du sujet de la philosophie classique


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ALAN TURING ET LE JEU DE L’IMITATION Patrick Goutefangea
Varia
Avec le « jeu de l’imitation », Turing imagine une méthode pour décider si une machine « peut penser ». Il montre que la défini-tion théorique de la machine qu’il a lui-même donnée en 1936-1937 n’interdit pas l’hypothèse qu’une machine conforme à cette définition puisse l’emporter au jeu. Ce faisant, il n’aborde ni un problème technique, ni un problème de logique théorique, mais s’avance sur le terrain d’une philosophie que l’on qualifiera de « continentale » : pour l’emporter au jeu, la machine doit s’ex-primer à la première personne et être pour son adversaire un semblable. La machine victorieuse doit être élevée à la pleine dignité du sujet de la philosophie classique. E lna1q9u5e0s,tiTounri«nLg,esdamnasch L i e n s es O r p d e i u n v at e e n u t r -s e l e l t e s l ’I p n e t n e s ll e i r g ? en », c e e 1 t,perxoapmoisnee d’y répondre, de manière assez déconcertante, en substituant à la question pro-prement dite une expérience alors impossible à mener : le célèbre « jeu de l’imi-tation ». En soi, le seul fait que Turing, connu comme mathématicien et auteur d’une définition logique largement acceptée de la notion de machine, consacre un texte à une question telle que celle de la « pensée » des machines, mériterait sans doute un examen : y a-t-il, dans sa démarche antérieure, un problème théo-rique qui débouche sur cette question ? La notion logique de machine élaborée à la fin des années trente – la « machine de Turing » – porte-t-elle l’exigence d’une réflexion de cet ordre ? Nous en ferions volontiers l’hypothèse, mais nous laissons à d’autres, plus qualifiés, le soin de le vérifier. C’est à la curieuse méthode pré-conisée par Turing que nous nous intéresserons ici, pour au moins tenter de mon-
1. Turing Alan Mathison, « Computing Machinery and Intelligence », Mind , octobre 1950, n° 59, p. 433-460. In Collected Works of A. M. Turing , Londres, North-Holland, 1993, vol. 3, Mechanical Intelligence . Nous ren-voyons à la traduction française de Patrice Blanchard. In Girard Jean-Yves, La Machine de Turing , Paris, Seuil, 1995.
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trer que c est bien, à propos des machines, la question philosophique de la pensée qui est abordée, dans ce qu’elle a de redoutable, voire pour certains de suspect. Cela nous conduira à examiner notamment un passage peu commenté du texte de Turing : celui consacré à l’hypothèse des « machines qui apprennent ». Turing avait ébauché le principe du jeu de l’imitation, quelques mois avant de composer Les Ordinateurs et l’Intelligence , dans un texte intitulé Intelligent Machinery 2 rédigé à l’intention du National Physical Laboratory, l organisme de recherche britannique auquel il était alors rattaché. Supposons, proposait-il, un assez médiocre joueur d’échecs, C, opposé à deux adversaires, B et A, de force à peu près égale à la sienne, et dont l’un, par exemple B, serait une « machine de Turing ». On sait qu’une « machine de Turing » est une machine logique, « à états discrets », définie par une table d’instructions, et dont Turing avait montré, en 1936-1937 3 , qu’elle pouvait, non seulement calculer n’im-porte quel nombre calculable par un calculateur humain, mais encore imi-ter le comportement de n’importe quelle autre machine discrète dont la configuration lui était fournie en entrée. La « machine de Turing », parce qu’elle est programmable, peut être une « machine universelle ». Turing s’était lui-même essayé à concevoir sur le papier une machine de ce type jouant médio-crement aux échecs 4 . Or, notait-il, le joueur C opposé à la machine B et à un autre joueur humain A aurait de toute évidence les plus grandes difficultés à décider lequel de ses adversaires est la machine 5 . Cet exemple servait de modèle au jeu décrit peu après dans Les Ordinateurs et l’Intelligence . Le jeu de l’imitation oppose un homme A à deux autres protagonistes : B – une femme – et C – un homme ou une femme ; chacun des trois joueurs est isolé des deux autres ; C, en posant des questions à A et B, doit détermi-ner qui est l’homme, qui est la femme. L’homme A doit s’efforcer de tromper C, en se faisant passer pour la femme B, laquelle doit aider C. Les trois pro-tagonistes communiquent par l’intermédiaire d’un téléscripteur ; ils ne peu-vent donc utiliser au cours du jeu de caractéristiques telles que l’apparence extérieure, la voix ou les performances physiques. Seul ce qui relève de l’échange linguistique est pris en compte. Quelles sont les chances respectives de A d’un côté, de B et C de l’autre ? Les trois protagonistes du jeu sont, par hypothèse, des individus humains quelconques ; nous pouvons donc considérer qu’ils sont grosso modo de la même force. En conséquence, C, puisqu’il est aidé par B, doit avoir à peu près deux fois plus de chances de l’emporter que A. Inversement, celui-ci doit s’im-poser dans un tiers des cas, ou encore, C doit se tromper environ une fois sur trois. Tel est du moins le résultat qui doit prévaloir, à mesure que le nombre
2. Turing A. M., Intelligent Machinery in Collected Works of A. M. Turing , Mechanical Intelligence , op. cit. 3. « On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblems », Proceedings of the London Mathematical Society , 1937, vol. 42. In Collected Works of A. M. Turing , op. cit. , vol. 2, Mathematical Logic . Publié en français in Girard Jean-Yves, La Machine de Turing , trad. Julien Basch, op. cit. 4. Voir Hodges Andrew, Alan Turing ou l’Énigme de l’intelligence , trad. Nathalie Zimmermann, Paris, Payot, 1988, p. 186 et suiv. 5. « Il n’est pas difficile de concevoir une « machine de papier » qui ne jouera pas trop mal aux échecs. Prenons maintenant trois hommes comme sujets de l’expérience, A, B, C. A et C sont des joueurs d’échecs assez limités, B est l’opérateur qui fait fonctionner la machine de papier […] une partie est jouée entre C et, soit A, soit la machine de papier. C pourrait trouver extrêmement difficile de dire contre lequel il joue. » Intelligent Machinery , op. cit. , p.127. C’est nous qui traduisons.
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