Note du Quai d'Orsay sur le livre de P. Conesa

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&HQWUH G¶$QDO\VH GH 3UpYLVLRQ et de Stratégie Rédacteur : Louis Blin ------ CAPS / 349Paris, le 4 novembre 2016 NOTE DE LECTURE A/s : L¶antisaoudisme, paresseux prêt-à-penser. Note de lecture du livre de Pierre Conesa,'U 6DRXG HW 0U 'MLKDG /D GLSORPDWLH UHOLJLHXVH GH O¶$UDELHsaoudite, Robert Laffont, 2016 (301 p). %DVp VXU OH SUpVXSSRVp TXH F¶HVW OD UDGLFDOLVDWLRQ GH O¶LVODP TXL PqQH DX WHUURULVPH FH OLYUH IDLW GH O¶$UDELH VDRXGLWH HW GH VD GLSORPDWLH ± qui serait religieusepar nature± ledeus ex machina G¶XQH PHQDFH PRQGLDOH 9pULWDEOHantisaoudien, il ne contient aucune pamphlet analyse du wahhabisme ou du salafisme comme phénomène social, car il les essentialise FRPPH LQVWUXPHQWV DX VHUYLFH G¶XQH SROLWLTXH PDFKLDYpOLTXH &RQVWHOOp G¶HUUHXUV HW GH contrDGLFWLRQV FH OLYUH YHUVDQW SDUIRLV GDQV O¶LVODPRSKRELHproXYH SDU O¶DEVXUGH TXH Oa thèse du wahhabisme comme explication du djihadisme ne résisteSDV j O¶DQDO\VH SXLVTX¶LO SDVVH en revue tous les arguments sur lesquels elles sont fondées.(Q VH WURPSDQW G¶HQQHPL HW HQ DQWDJRQLVDQW O¶LVODP O¶DXWHXU IDLW OH MHX GHV GMLKDGLVWHVà son corps défendant. 1. Un pamphlet antisaoudien Ce livre est unprocès à charge dont le verdict est donné dans le titre± O¶$UDELH saoudite comme démon masqué±et le dessin de couverture±Daech est son avatar.
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30 juin 2017

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Centre d’Analyse, de Prévisionet de StratégieRédacteur : Louis Blin------CAPS / 349 Paris, le 4 novembre 2016 NOTE DE LECTURE A/s : Lantisaoudisme, paresseux prêt-à-penser. Note de lecture du livre de Pierre Conesa,Dr. Saoud et Mr. Djihad. La diplomatie religieuse de l’Arabiesaoudite, Robert Laffont, 2016 (301 p).Basé sur le présupposé que c’est la radicalisation de l’islam qui mène au terrorisme, ce livre fait de l’Arabie saoudite et de sa diplomatie –qui serait religieusepar nature ledeus ex machinad’une menace mondiale. Véritableantisaoudien, il ne contient aucune pamphlet analyse du wahhabisme ou du salafisme comme phénomène social, car il les essentialise comme instruments au service d’une politique machiavélique. Constellé d’erreurs et de contradictions, ce livre versant parfois dans l’islamophobieprouve par l’absurde que la thèse du wahhabisme comme explication du djihadisme ne résistepas à l’analyse, puisqu’il passe en revue tous les arguments sur lesquels elles sont fondées.En se trompant d’ennemi et en antagonisant l’islam, l’auteur fait le jeu des djihadistesà son corps défendant. 1.Un pamphlet antisaoudien Ce livre est unprocès à charge dont le verdict est donné dans le titrel’Arabie saoudite comme démon masquéet le dessin de couvertureDaech est son avatar. Le sous-titre précise l’identité de l’ennemi, sa diplomatie religieuse. On s’attend donc à ce que l’auteur en précise les contours. Il s’en garde bien, préférant user d’une fausse tautologie de nature à tromper le lecteur non averti :l’Arabie aélaboré une diplomatie religieuse « inscrite dans son ADN »prosélytisme wahhabite, p. 27 et 258), (le donc la diplomatie de l’Arabie ne saurait avoir d’autre ressort quereligieux. L’auteur veut démontrer à partir d’exemples que la « diplomatie religieuse » saoudienne « explique la floraison de basculements vers le djihadisme » (24), Daech étant « un sous-produit local » du wahhabisme (54). Pour que fonctionne son propos, l’auteur assène dès l’abord comme uneune idée reçue évidence pourtant démontée par des auteurs comme Olivier Roy, Farhad Khosrokhavar et bien d’autresToute radicalisation violente est basée sur une radicalisation idéologique » (21).: « Mais son propos relève de la croyance populaire et nonde l’analyse.A ces confusions de départ non avouéess’ajoute unetactique systématique : rester confus, brouiller les pistes, ce qui permet de pratiquerl’amalgame et d’accréditer l’idée
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d’un ennemi menaçant car mystérieux et fuyant(une « diplomatie sans visage », p. 23). Le lecteur néophyte ressort de la lecture de l’ouvrage avec la conviction que les ennemis« quasi planétaires » (conclusion) cités tour à tour par l’auteuravancent masqués et complotent contre l’Occident, surtout l’Europe qui doit se mobiliser pour ne pas devenir un «sanctuaire pour les salafistes » (201, 259). Là où le wahhabisme ne sévit pas encore, il est encore dans une phase de « crypto-salafisme » (191, 197), en vertu du principe de la «taqiya, élément important de l’idéologie du wahhabisme» (192), alors que ce concept est en réalité chiite.C’est, en fait, l’auteur qui obscurcit son propos enne définissant pasles catégories qu’il brocarde, bienqu’il sache discerner les salafistes djihadistes des salafistes quiétistes quand il le veut. L’auteur dénigreautant l’Arabie saouditeque le wahhabisme, tout en les essentialisant.salafisme ou le wahhabisme Le , interchangeables pour l’auteur, ontnotamment pour caractéristique «la haine de l’autre quel qu’il soitLe système» (21). « saoudien est héritier du système communiste par son idéologie totalitaire inoxydable » (22). C’est «le régime le plus intolérant de la planète » (23). Le wahhabisme est « misanthrope, belliqueux » (53) et « affectionne le djihad mondial » (68). Plutôt que d’avoir été aboli, l’esclavage serait «sont bafoués dansmodernisé » (62) en Arabie. « Les citoyens saoudiens leurs droits les plus élémentaires » (63). « Abd al-Wahhab qualifiait déjà de djihad les razzias des tribus » (67), ce qui revient à faire des wahhabites des voleurs de grand chemin. « Les oulémas wahhabites sont les plus violents des salafistes quiétistes » (69). « Le programme de « déradicalisation des djihadistes » façon saoudienne consiste à transformer un salafiste djihadiste en wahhabite haineux contre les « autres » mais légitimiste » (70).L’Arabie «sait accueillir les dictateurs: Idi Amin Dada, dont le régime n’avait fait «que » 300.000 victimes (mais il s’est converti à l’islam)» (77). «En 2002, L. Murawiec décrit l’Arabie comme le mal absolu, (ce qui est) sa vraie nature » (126). Ce pays est « la machine à cash des terroristes » (134). Au Royaume-Uni,les écoles placées sous l’égide de l’ambassade saoudienne « donnent des cours sur la façon de tuer les apostats, les polythéistes et les homosexuels » (208). Sous la plumede l’auteur,tous les wahhabites et les salafistes sont des djihadistes en puissance, ce qui implique qu’il n’existe pas desalafisme quiétiste.Les Saoudiens deviennent des « Saoudo-wahhabites » (79), ce qui revient à instiller dans l’esprit du lecteur que ces ennemis aux noms changeants sont tous des crypto-terroristes.C’est ce qu’il appelle le « risque saoudien » (26).La diabolisationde l’Arabie saouditedébouche sur une saoudophobie raciste,puisquec’est, finalement, une question de gènes. Parti sur cette base, il lui suffit de répertorier tous les épiphénomènes de radicalisme islamique pour alimenter son réquisitoire. 2.Un fatras incohérent Le gros du livre est formé d’un collage d’extraits de rapports divers non sourcés, dont on devine aisément que beaucoup sont traduits del’américain, aveu implicite des référencesde l’auteur. Cette structure ajoute à la confusion quiémerge de l’ensemble: une accumulation peu cohérente de chiffres, de sigles et de noms de personnes dont on ne sait rien d’autre qu’une citation ou une action hors detout contexte. Le propos d’ensemble est un calque du simplisme russe en la matière,l’islam radical (le djihadisme terroriste) est synonyme de wahhabisme,donc le « salafo-wahhabisme » est de nature terroriste. Par conséquent, la « diplomatie religieuse » saoudiennel’est aussi et commeune diplomatie est par nature étatique,l’Etat saoudienestun terroriste de l’ombre.Sa puissance et celle de sa diplomatie expliquent celle du djihadisme et, réciproquement, ce dernier alimentel’influencede l’Arabie.La duplicité est la marque de cette «diplomatie de l’intolérance» (143). Adepte
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del’amalgame, Conesa prévient que « la conjonction de la diplomatie religieuse et de la mutation des idéologies tiers-mondistes ont créé une bombe planétaire dont les sous-munitions peuvent éclater n’importe où et n’importe quand» (78). Nous avons affaire à « des milliers d’organisations militantesdans la sphère d’influence de l’Arabie » (169).Cette thèse se heurte à des contradictionset incohérences dont l’auteurparaît dupe : Pourquoi un saoudo-wahhabisme si puissant éprouve-t-ille besoin d’avancer -masqué ?L’avalanche de données rassemblées par l’auteur sur les méfaits du radicalisme islamique qui, sur la base de ce qui précède, deviennent autant d’éléments à charge dans son procès contre l’Arabie saoudite, tendrait plutôt à prouver le contraire. La prétendue opacité de la « diplomatie religieuse » saoudienne vise plutôt à mettre en relief la perspicacité d’un auteur dévoué ausalut des victimes potentielles du « Dr. Saoud» et s’apparente donc à un argument publicitaire auprès du néophyte. L’auteur concède que le wahhabisme est quiétiste à l’intérieur des frontières de -l’Arabie, ce qui mine sa thèse selon lequel il est intrinsèquement violent, mais affirme qu’il exporte le terrorismelargement contribué à faire naître: il a « l’Etat islamique » (25). Pourquoil’Arabie saoudite réprime-t-elle férocement les djihadistes à l’intérieur tout en les soutenant partout ailleurs, alors même qu’al-Qaïda, puis Daech l’ont érigée en ennemi numéro un (« la menace de Daech est mortelle pourl’Arabie saoudite», 243) ?L’auteur observe que «les idéologies wahhabites et salafistes sont aujourd’hui impossibles à distinguer, ce qui ne les empêche pas de se combattre » (54), sans relever la contradiction. Comment une Arabie « nain géopolitique » (19, 35), habitée par des « bédouins -pour qui le temps s’est en quelque sorte arrêté avec le Prophète» (27), est-elle parvenue à bâtir un « système planétaire » (25) insidieux et dangereux (« le royaume le plus puissant et le plus secret au monde », avertit la quatrième de couverture) ? Pourquoi s’acharner sur les salafistes saoudiens, alors que selon les chiffres -(non sourcés et farfelus)livrés par l’auteuren introduction, ce sont l’Inde et le Bangladesh qui fournissent les plus forts contingents de salafistes ? Si le wahhabisme connaît une fortune telle qu’il représente le danger mondial -dénoncé dans le livre, pourquoi reste-t-il si minoritaire chez les musulmans après plus de deux siècles d’existence (3,7% du total selon l’auteur)? Il «n’a que peu mordu dans le reste du monde arabo-musulman » (35), concède-t-il. L’Arabie saoudite aurait refusé de signer les conventions internationales sur les -réfugiés pour pouvoir accueillir « exclusivement des musulmans sunnites » (72) : pourquoi a-t-elle alors fait venir des millions de travailleurs immigrés chrétiens, au point que ceux-ci y forment la seconde communauté chrétienne du monde arabe après l’Egypte? Si l’Arabie saoudite a donné la priorité à la lutte contre les chiites (et non -contre l’Iran donc,108 et chapitre 4), pourquoi près de 10% de sa population est-elle composée de chiites ?
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Si la Ligue islamique mondiale est l’un des principaux bras de la diplomatie -religieuse saoudienne, pourquoi est-elle « proche des Frères musulmans » (116) ? Si le succès du wahhabisme en Afrique subsaharienne «s’explique en grande -partie par son rôle social en faveur des petites élites déclassées » (173), par le fait «qu’avec les mosquées apparaissent des châteaux d’eau, des puits et des cliniques» (175) et par une « rupture de ses adeptes avec les normes sociales et familiales des générations antérieures » (181), comment conclure que «l’action diplomatique des wahhabites a précédé celles des djihadistes » (177) ? « Réceptacle de toutes les frustrations, le salafisme et ses extensions djihadistes jouent en un sens le rôle d’idéologie révolutionnaire au Nord-Nigéria, au Nord-Cameroun et au Niger » (182) : quel rôle joue làl’Arabie? Pourquoi pas ailleurs ? En Asie centrale, note l’auteur, «le discours wahhabite s’est construit en -opposition à un islam traditionnel. Il a une forte capacité mobilisatrice sur la jeunesse frappée par le recul économique et préoccupée par des questions identitaires » (189), si bien «qu’il est difficile de déterminer la responsabilité directe de la diplomatie saoudienne » (199).L’auteur enchaîne pourtant avec l’assertion du président tchétchène Kadyrov pour qui « les wahhabites sont non seulement des ennemis de l’islam mais de toute l’humanité». L’auteurmine enfin son proposquand il constate en fin d’ouvragestricte« la -séparation du politique et du religieux instaurée par la dynastie saoudienne et les muftis wahhabites » (234), mais aussi que «les formes les plus virulentes de l’action salafiste en Europe sont dorénavant propagées par des leaders qui n’ont plus de background wahhabite » (231). 3.Le véritable ennemiest l’islamL’auteur ne se contente pas de hurler avec les loups contre l’Arabie.Il récuse bien sûrl’islamophobie qui transparaît de son propos, de la mêmemanière que le racisme est rarement avoué, mais le diable sort parfois de la boîte.L’ennemi est-il le salafisme ou l’islam?L’auteur affirme que le califat de Daech« symbolise la oumma » (25). Le terrorisme a contaminé les Frères musulmans (« dans l’activité terroriste, les Frères musulmans comme les salafistes légitiment la violence », 67). Il attire tous les musulmans : « Le projet de l’EI recouvre le besoin identitaire des communautés musulmanes des différents pays » (76). Comme on l’a vu, l’ennemi avance caché, pour un auteur qui définit lataqiyacomme «l’art de la dissimulation pour le plus grand bien de l’islam», instillant dès lors le soupçon sur cette religion en tant que telle. Le lecteur ne s’étonnera alors pas qu’en Belgique «la mise en place d’une identité musulmane (débouche sur) la floraison de quartiers ghetto » (202) type Molenbeek, en vertu de «l’action religieuse de Riyad dont le seul souci est de ghettoïser la population musulmane partout où cela est possible » (221) età l’instar du Royaume Uni où existeraient « vingt-cinqSharia Zones, quartiers signalés par des panneaux à l’entrée comme des espaces gérés par les règles de la charia » (209) ! Pourl’auteur, «en Arabie saoudite ou en Egypte, la réislamisation s’est traduite par des condamnations à fondement religieux » (67). La religion musulmane devient sous sa plume «l’idéologie islamique» (122) et le djihadisme «l’islam djihadiste» (138), glissement dangereux, d’autant plus que l’auteur y inclut le Hamas et le Hezbollah. Ses accusations
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contre les turpitudes des pèlerins à La Mecque ne dépareraient pas les rapports des administrateurs coloniaux français (90, 134).Au Pakistan, l’Arabie finance des «madrasas responsables de la formation des djihadistes » (146), comme si le djihadisme était enseigné en école coranique. Comment s’étonner alors qu’un mufti bulgare soit «obligé de recourir, pour ses cours de religion, à des documents préconisant le « suicide » (168), pourtant proscrit par l’islam ?L’antipathie profonde envers les Saoudiens gagne l’ensemble des musulmans.On passede manière insidieuse de la saoudophobie à l’islamophobie.L’islam étant la variable explicative des crises,les conflits dans le monde musulman deviennent des guerres de religionL: « ’Algérie a connu une des pires guerres religieuses durant la décennie 1990 » (155), entre «l’islam traditionnelSalafiya» et la « djihadiste» d’inspiration wahhabite… Les autres pays « en guerre religieuse ouverte » sont «la Syrie, l’Irak, le Yémen, le Bahreïn, le Liban, l’Afghanistan et le Pakistan» auxquels pourraient «s’ajouter les pays d’Asie centrale ex-soviétique, zone en déshérence après l’effondrement du communisme» (222) !En fait, c’est l’ensemble du monde arabo-musulman qui « est entré dans une guerre de religion » dont nous devons nous préserver (257). La vision du monde devient religieuse : « L’Afrique subsaharienne est grossièrement coupée en trois: un nord musulman, un sud chrétien et une région orientale partagée entre les deux » (170). Les régimes iranien et syrien sont les seuls à échapper à la vindictede l’auteur: « Les grands équilibres ne peuvent plus être gérés sans l’Iran» (250) ; « les capitales occidentales veulent déférer Bachar al-Assad devant la Cour pénale internationale alors que, pour l’opinion publique arabe, le principal responsable des malheurs du Moyen-Orient est G. W. Bush » (256). Enfaisant de l’Iran un rempart face à l’hydre saoudienne, l’auteur dévoile l’un des ressorts de son combat.L’enseignementqu’il tire de son procès pour notre pays ouvre, enfin, la porte à toutes les dérives : « La France est un pays dans lequel les droits de l’homme sont mieux protégés que la population! » (217)Basé surl’incompréhension de la différence entre wahhabisme et salafisme et la méconnaissancede l’Arabie saoudite,donc de l’objet de son étude, le dénigrement pratiqué par l’auteur d’un bout à l’autre de l’ouvrage débouche sur un appel dangereux à la mobilisation contre unenvahisseur dont la plupart des lecteurs retiendrontqu’il estcertes saoudien, mais aussi musulman. Commentaire
Outre la théorie ducomplot, l’auteur utilise un second thème classique de l’extrême-droite: se dresser contre l’alliance d’un ennemi extérieur (le saoudo-wahhabo-salafisme remplaçant le communisme) et d’un ennemi intérieur (les apprentis terroristes musulmans en France). L’ennemi réel bien que non désigné est l’islam, soupçonné d’entraîner vers la radicalisation violente, mais aussi toutes les religions, « pourries par la radicalisation » (19). Dans la lignée des autres polémistes laïcistes pour qui le djihadisme représente une aubaine,Conesa rejoue icicontre l’islam le drame éculé de l’anticléricalisme. Son pamphlet répond alors à une valeur sûre du débat franco-français, nombrilisme qui contribue à expliquer son succèschez ceux qui ne connaissent pas l’Arabie saoudite.Ce livre ne contient aucune analyse du wahhabisme ou du salafisme comme phénomène social, car il les essentialise comme instruments au service d’une politique machiavélique. La raison de cette démarche biaisée est quel’auteur n’appréhende la religion que sous l’angle politique, alors que le salafisme quiétiste en général etle wahhabisme en particulier récusent tout engagement politique.L’admettre reviendrait à vider de tout contenu la thèse du salafisme quiétiste vecteur du djihadisme. Ce serait pourtant la seule façon de passer à l’étude de son impact social, désastreux pour ses adeptes.En se
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trompant d’ennemi pour charger le bouc émissaire saoudien, l’auteurfait nuit à la compréhension dudjihadisme qu’il prétend combattre, mais aussi du salafisme quiétiste, dangereux pour son caractère antidémocratique et non comme voie vers la radicalisation violente. Ce livre a pour principal intérêt deprouver par l’absurde que les thèses des pourfendeurs du saoudo-wahhabisme comme explication du djihadisme ne résistent pas à l’analyse, puisqu’il passe en revue tous les arguments sur lesquels elles sont fondées. En accumulant les bévues par ignorance ou par conviction complotiste, l’auteur dessert sa propre cause. Plus important, il illustre sans s’en rendre compte le fait quederrière la détestation de l’Arabie saouditedu wahhabisme et se cache celle de l’islam.est pris qui croyait Tel prendre : qui donc est ici Dr. Jekyll et Mr. Hyde ?
Justin VAÏSSE ANNEXE Le livre contient une accumulation impressionnante d’erreurs, parmilesquelles : Les Saoudiens fournissent son premier contingent étranger à Daech (p. 17, ce -sont en fait les Tunisiens) à cause de leur « extraordinaire empathie pour le djihad » (255). L’aide de l’Arabie à l’étranger «est conçue comme une entreprise de -wahhabisation» (20), procès d’intention énoncé comme une évidence, qui permet à l’auteur de chiffrer le coût de sa diplomatie religieuse à un montant farfelu équivalent à celui de ses achats d’armes. «Les Anglais placent le frère de Faysal sur le trône d’Irak » (36): c’est Faysal -lui-même qui a régné sur ce pays; l’auteur prend Hussein pourle frère de Faysal, alors que c’est son père.signature du pacte du Quincy garantit la protection militaire de la« La -dynastie » par les Etats-Unis. Ce pacte était unaccord oral et non écrit et n’a donc pas été signé. Les wahhabites lisent le Coran «à l’exclusion de tout apport postérieur et en -particulier des écoles juridiques de l’islam» (55) : le wahhabisme est pourtant une émanation de l’une de ces quatre écoles.« Selon la loi saoudienne, aucun mécréant ne peut être enterré sur le territoire -saoudien » (62) : un cimetière de non-musulmans existe à Djeddah. Le cheikh égyptien al-Qaradawi n’est pas un «salafiste « quiétiste » installé au -Qatar » (70), mais un frère musulman bien connu. «Les pays du Conseil de coopération du Golfe ont refusé d’accueillir des -réfugiés syriens » (72): si l’Arabie n’accueille aucun réfugié en général, suivant la
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définition donnée par les Nations-Unies car elle n’a pas signé la convention de 1951 sur les réfugiés, elle a accueilli environ 500 000 Syriens depuis le début des hostilités dans leur pays. «Jamais le Royaume n’a envisagé de transformer des musulmans en -« Saoudiens » (74) : les patronymes des Saoudiens attestent de la diversité de leurs origines, liée au cosmopolitisme séculaire des villes saintes. Le califede l’EI al-Baghdadi a repris « le titre ronflant de « Ibrahim al--muminim (Commandeur des croyants) » (76) : le titre exact est Amir al-muminin (n et non m), Ibrahim étant le prénom de l’intéressé. « Le principe chiite de la velayât-e faqîh est la base de la contestation du -pouvoir au sein de la famille Al-Saoud » (87), assertion totalement hors de propos. charia à« La King Abd al-Aziz University à Djeddah intègre le Collège de la -La Mecque ; elle devient alors la al-Qura University » (95): l’université Umm al-Qura de La Mecque est indépendante. «L’Organisation de la coopération islamique mondiale est devenue -Organisation de la conférence islamique » (98): c’est le contraire. «La littérature de l’Association mondiale de la jeunesse musulmane (WAMY) -comprendrait des documents incitant au djihad armé », leitmotiv post 11 septembre aussi souvent colporté que démenti. Les princes Salman et Sultan sont présentés comme les frères du souverain -saoudien (127), alors que le premier est roi et le second est mort en 2011. La partie classifiée du rapport officiel américain sur les attentats du 11 -septembre « montre la participation officielle du gouvernement saoudien dans leur financement » (132) : sa publication a prouvé le contraire cette année. « La chute finale du communisme soviétique athée a démontré la puissance des -armées musulmanes unies » (138) : sans commentaires. Les Almoravides marocains sont classés dans l’Afrique subsaharienne (171). -«L’ordre tijaniyya soufi qui honore les membres de la famille du Prophète -comme de purs dévots est assez proche du chiisme » (179) : là aussi sans commentaires.
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