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LE FIGARO mercredi 10 février 2016
13ÉTUDES POLITCIQUHESAMPS LIBRES
PASCAL
PERRINEAU La gauche au pouvoir perd ses
bases et ses valeurs de référence
Construite dans les années 1970, l’identité traditionnelle est réduite aux acquêts.
rançois Hollande renoue La fin du deuxième mandat de nistes et écologistes de la dernière élec- contribue à les déstabiliser. Emmanuel
avec des niveaux abyssaux François Mitterrand a été difficile, celle tion présidentielle. La défiance est lo- Macron sur le terrain économique,
d’impopularité : dans le du premier mandat de François vée au cœur même des électorats de Manuel Valls et François Hollande sur le
dernier baromètre du Fi- Hollande l’est encore plus. Le destin in- gauche, seuls 52 % des électeurs de terrain régalien apparaissent comme
garo Magazine, 82 % des certain de la procédure de révision François Hollande, 32 % de ceux de autant de dissolvants de l’identité tra-Fpersonnes interrogées ne lui constitutionnelle engagée imprudem- Jean-Luc Mélenchon et 30 % de ceux ditionnelle de la gauche telle qu’elleProfesseur
font pas confiance « pour résoudre les ment par le président, l’impression que d’Eva Joly déclarent avoir « confiance s’était construite depuis les années 1970des universités
problèmes qui se posent en France ac- les préoccupations tactiques l’empor- dans la gauche pour gouverner ». Cette et l’ouverture de ce qu’on appelle leà Sciences Po,
tuellement », soit 19 points de plus tent régulièrement sur les visions stra- défiance vis-à-vis des premiers rôles de cycle d’Épinay.
chercheur au Cevipof qu’en décembre 2015. Manuel Valls tégiques, la désintégration du dispositif la gauche au pouvoir ouvre des pers- Quarante ans plus tard, il reste un
plonge également dans l’impopularité : gouvernemental qui voit peu à peu pectives à ceux qui espèrent qu’une hy- miroir brisé d’une gauche qui a du mal à
La gauche gouvernante 65 % des Français ne lui accordent pas s’éloigner les alliés et les proches, enfin pothétique primaire à gauche permet- se reconnaître dans ce que la gauche au
est à la peine. Lestée par leur confiance, soit 12 points de plus la fronde parlementaire d’une partie de trait d’accoucher d’un candidat pouvoir est devenue. Peu à peu, les
difl’interminable épisode qu’en décembre dernier. La chute de la gauche socialiste qui s’élargit depuis nouveau capable de susciter les deux férentes composantes du « peuple de
de la « constitutionnalisation » popularité est générale mais particuliè- quelques semaines du terrain économi- ingrédients manquant cruellement à la gauche » ont divergé et ne partagent
de l’état d’urgence et de la rement accentuée au sein des électorats que au terrain régalien et à celui des va- gauche : la confiance et l’unité. plus qu’un maigre viatique de valeurs
déchéance de nationalité, le de gauche. Cette rétraction de la base leurs, sont autant d’éléments qui parti- communes. L’électorat
soLes oppositions minent cettepouvoir exécutif est affaibli par politique de la gauche au pouvoir peu cipent de l’affaiblissement de l’exécutif cialiste évolue de plus en
deux années de reflux électoral commune surprend par son ampleur. au pouvoir. plus vers des positions « li-unité minimale requise pour«
et par la désintégration de son Au pire moment de son déclin de popu- L’accumulation des maladresses et bérales » sur le plan écono-envisager une victoire de seconddispositif gouvernemental larité, à la fin de son second mandat, des fêlures au cœur même du pouvoir mique et social et «
rigoris(perte de ses alliés écologistes, François Mitterrand était à 20 points et de la majorité qui le soutient ne cesse tour en 2017 et peut-être même tes » sur le plan régalien et
de Christiane Taubira, au-dessus du niveau enregistré par de fracturer davantage les électorats de dans le domaine de l’appré-une présence à ce second tour
et de ses proches, d’Arnaud François Hollande aujourd’hui. Manuel la gauche et de signifier la fin électorale » ciation de l’immigration.
Montebourg et de Benoît Valls, qui se situe à une dizaine de de la gauche unie, plurielle ou de l’al- Presque un électeur
socialisHamon). Ce qui laisse présager, points au-dessus de la confiance faible liance populaire pour reprendre les ter- La mission est presque impossible au te sur deux pense qu’il faut que « l’État
selon Pascal Perrineau, d’une de Jean-Marc Ayrault en fin de mandat, mes de l’actuel dirigeant du PS. Seules regard des divergences profondes af- fasse davantage confiance aux
entrefin de mandat pour François est à une dizaine de points en dessous cette « union », cette « pluralité orga- fectant les électeurs de gauche quand il prises et leur donne plus de liberté »,
Hollande encore plus difficile de celle d’un Pierre Mauroy pourtant nisée » ou cette « alliance » pouvaient s’agit d’apprécier le caractère de « gau- une proportion similaire considère que
que celle du second mandat usé en 1983. et peuvent construire les victoires élec- che » ou de « droite » des politiques le système capitaliste n’a pas à « être
de François Mitterrand. Cette faiblesse d’opinion ne fait que torales de second tour. Or, aujourd’hui, mises en œuvre par le pouvoir. Une im- réformé en profondeur » : le
social-liLes composantes de la gauche prolonger la faiblesse électorale du PS les différences, les fractures et les op- mense majorité des sympathisants du béralisme devient peu à peu une réalité
ne partagent plus les mêmes et de ses alliés directs (radicaux et di- positions minent cette unité minimale Front de gauche (79 %) et d’Europe politique et électorale. Plus de 40 % de
appréciations que l’électorat vers gauche) régulièrement enregistrée requise pour pouvoir envisager une Écologie-Les Verts (83 %) considère ces électeurs partagent l’idée qu’il y a «
socialiste sur les politiques dans les scrutins des deux dernières an- victoire de second tour en 2017 et peut- que « d’une manière générale François trop d’immigrés en France » ou que «
économique, sociale, nées : 21,8 % aux départementales de être tout simplement une présence à ce Hollande et Manuel Valls ne mènent pas l’islam représente une menace pour la
régalienne et sur l’immigration 2014, 17,2 % aux européennes de 2014, second tour. une politique de gauche ». Ils sont République ».
menées par le couple 23,4 % aux régionales de 2015. La gau- Les différentes composantes électo- presque 50 % (46 %) à penser de même Ces positions hétérodoxes par
rapHollande-Valls. En somme, che gouvernante semble être réduite rales de la gauche divergent profondé- chez les sympathisants du Parti socia- port aux vieux idéaux de la gauche sont
« la confiance et l’unité sont aux acquêts modestes d’un tout petit ment sur la confiance qu’ils investissent liste. L’appréciation est la même qu’elle beaucoup plus rarement partagées par
les deux éléments qui quart de l’électorat. Ce niveau d’une dans les deux hommes clefs de celle-ci : porte sur les politiques en matière les électeurs de la gauche écologiste ou
manquent à la gauche » selon gauche gouvernante épuisée rappelle François Hollande et Manuel Valls. Ces d’économie et d’emploi ou sur celles en de « la gauche de la gauche ». En
somPascal Perrineau qui décrit celui qui était le sien lors des législatives derniers ont la confiance que de deux matière de lutte contre le terrorisme. Le me, la gauche au pouvoir tremble sur
un édifice profondément de 1993 (24,3 %) deux ans avant sa dé- tiers des électeurs hollandistes de 2012 constat d’une « dérive à droite » tra- ses bases et l’édifice politique de
cellefragilisé. ■ J. A. faite présidentielle de 1995. et de 32 à 49 % des électeurs mélencho- verse tous les électorats de la gauche et ci est profondément fragilisé. ■
1 Les gauches et l'appréciation de l'orientation 2 Les fractures au sein de la gauche
Source : Vague 7 du Baromètre de la confiance politique CEVIPOF (Sciences Po)de la politique menée par F. Hollande et M. Valls ENSEMBLE ÉLECTEURS