On n'apprendra certainement rien au lecteur enrappelant que les sciences économiques etsociales sont une construction scolaire qui fait l'hypothèse de la fécondité d'une approche croisée d'objets sociaux Par exemple le marché ou bien le travail ne seront pas étudiés seulement partir des problématiques et avec les outils conceptuels de l'économie mais aussi en mobilisant les points de vue de la sociologie Il ne s'agit donc pas comme en histoire géographie ou en SVT de juxtaposition de sciences ou de disciplines distinctes notamment quant leurs objets En SES il y a un souci ambitieux souvent mal atteint mais normalement toujours présent d'intégration de

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On n'apprendra certainement rien au lecteur enrappelant que les sciences économiques etsociales sont une construction scolaire, qui fait l'hypothèse de la fécondité d'une approche croisée « d'objets » sociaux. Par exemple, le marché ou bien le travail ne seront pas étudiés seulement à partir des problématiques et avec les outils conceptuels de l'économie, mais aussi en mobilisant les points de vue de la sociologie. Il ne s'agit donc pas, comme en histoire- géographie ou en SVT, de juxtaposition de sciences ou de disciplines distinctes, notamment quant à leurs objets. En SES, il y a un souci – ambitieux, souvent mal atteint, mais normalement toujours présent – d'intégration de PR AT IQ UE S [ P R A TI Q U ES ] 36 [i d e e s 1 38 / 1 2. 20 04 L'argumentation Le texte qui suit s'appuie sur un travail de recherche pluridisciplinaire sur l'argumentation conduit à l'INRP au cours des années scolaires 2001-2002 et 2002-20031. Suite au démantèlement de l'INRP, le rapport de recherche ne sera probablement jamais publié. Cette recherche comportait différents volets : écrit/oral, comparaison seconde/terminale et, surtout, une comparaison des « modèles » d'argumentation selon les disciplines. Nous retenons ici la question de l'argumentation à l'écrit, en SES, en classe de seconde.

  • pays pauvre

  • lycée truffaut

  • pra- tiques en matière d'apprentissage de l'argumentation

  • discipline intellectuelle

  • —— ——

  • argumentation


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O
n n’apprendra certainement rien au lecteur en
rappelant que les sciences économiques et
sociales sont une construction scolaire, qui fait
l’hypothèse de la fécondité d’une approche croisée
« d’objets » sociaux. Par exemple, le marché ou bien le
travail ne seront pas étudiés seulement à partir des
problématiques et avec les outils conceptuels de
l’économie, mais aussi en mobilisant les points de vue
de la sociologie. Il ne s’agit donc pas, comme en histoire-
géographie ou en SVT, de juxtaposition de sciences ou
de disciplines distinctes, notamment quant à leurs objets.
En SES, il y a un souci – ambitieux, souvent mal atteint,
mais normalement toujours présent – d’intégration de
PRATIQUES
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PRATIQUES
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L’argumentation
Le texte qui suit s’appuie sur un travail de recherche
pluridisciplinaire sur l’argumentation conduit à l’INRP
au cours des années scolaires 2001-2002 et 2002-2003
1
.
Suite au démantèlement de l’INRP, le rapport de recherche
ne sera probablement jamais publié.
Cette recherche comportait différents volets : écrit/oral,
comparaison seconde/terminale et, surtout, une comparaison
des « modèles » d’argumentation selon les disciplines.
Nous retenons ici la question de l’argumentation à l’écrit,
en SES, en classe de seconde. Notre objectif, en livrant
quelques éléments de ce travail de recherche, est d’aider
nos collègues, professeurs de SES, à mieux guider leurs
élèves dans l’apprentissage de l’argumentation.
On s’intéressera d’abord aux attentes en matière d’argu-
mentation telles que les laissent deviner programmes et
Instructions officielles
, puis à l’étude de quelques pratiques
d’argumentation en classe de seconde, non sans avoir proposé
une décomposition des éléments de l’argumentation,
dans un domaine où, à lire la littérature sur ce sujet, la
diversité, si ce n’est la confusion, prévaut.
Gérard Grosse,
professeur de SES
au lycée Racine de Paris (75),
et Adeline Richet,
professeur de SES
au lycée Michelet de Vanves (92).
36
[
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dees
13
——
——
————
1.
Concernant les SES,
en plus des auteurs
de cet article, faisaient
partie du groupe de
recherche Gisèle Jean
(lycée Jean-Moulin,
Montmorillon)
et Delphine Orthlieb
(lycée Truffaut, Beauvais).
Les observations
et analyses sur
lesquelles s’appuie
cet article sont aussi
les leurs, même si
nous prenons
à notre compte
les insuffisances.
différentes sciences sociales: l’économie, la sociologie
et, en mineur, la science politique.
D’une façon générale, les sciences sociales cherchent
à comprendre par interprétation (Max Weber). Elles
s’intéressent aux actions et interactions sociales portées
par des « raisons », dans un contexte normatif et
institutionnel donné. Leur régime de scientificité est
différent de celui des sciences de la nature, en parti-
culier en ce que, même quand l’analyse met au jour
des relations assez stables entre variables, celles-ci ne
sont généralement pas universelles mais changeantes,
dans le temps et dans l’espace.
[
Les attentes
UN REGISTRE ARGUMENTAIRE PARTICULIER
Plusieurs conséquences importantes du point de vue
de l’argumentation découlent des orientations de la
discipline:
– le contexte est toujours important et doit être spécifié.
Par exemple, la confection d’un repas n’a pas la même
« signification » sociale et économique selon qu’elle est
réalisée au sein du ménage, pour la consommation de
la famille ou des invités, ou bien réalisée par un restau-
rateur. Les interactions sociales sont différentes, elles
obéissent à des systèmes normatifs différents ; l’éco-
nomie prend en compte différemment les deux
opérations: seul le deuxième cas est considéré comme
productif, c’est-à-dire créateur de « valeur ajoutée » ;
– une action sociale est le plus souvent susceptible
d’une pluralité d’interprétations. Par exemple, les aban-
dons d’études, plus précoces pour les élèves de milieu
populaire, sont-ils le résultat d’un calcul rationnel en
termes de coûts-avantages ou sont-ils le produit des
dispositions incorporées des agents ? Si les interpré-
tations sont multiples, leur confrontation est nécessaire.
Le régime de vérité des sciences de la société n’obéit
pas à l’hypothèse de falsifiabilité poperienne: « le plus ou
le moins vrai que distingue une analyse sociologique
n’est pas le tout ou rien de la falsification ou de la
corroboration dans une science expérimentale
2
». Ainsi
donc, en matière de compréhension des faits sociaux, la
« mise en débat » semble indispensable, au sens où la
science offre des moyens de connaissance mais ne peut
trancher ; des choix subsistent. D’autant que ce qui,
parfois, est en débat, c’est la question même de
savoir s’il peut y avoir débat ! On l’a vu, par exemple,
avec la question des retraites. Pour certains économistes,
l’évolution démographique et les contraintes de la
compétitivité imposent nécessairement une réforme
fondée sur l’allongement de la durée de cotisation et
la diminution des pensions ; pour d’autres, une alter-
native est possible à condition d’infléchir la répartition de
la valeur ajoutée et d’utiliser les gains de productivité
au financement des retraites;
– les faits qui sont portés à l’étude sont généralement
insérés dans un réseau d’interdépendances. Par exemple,
la décision d’investissement d’une entreprise résulte de
multiples déterminants: niveau des profits, niveau des
taux d’intérêt réels, demande anticipée, etc. Chacun de
ces éléments dépend lui-même de multiples déter-
minations. Par exemple, le niveau des profits dépend,
entre autres, du partage de la valeur ajoutée, donc du
rapport de force social dans l’entreprise et aussi global;
il dépend aussi de la capacité de l’entreprise à faire
jouer un « pouvoir de marché », par exemple au moyen
d’innovations de produits, etc. La quête des explications
ou des « raisons » peut être sans fin.
Certes, les sciences sociales de référence sont distinctes
et ont développé des programmes de recherche et des
épistémologies parfois éloignées, et l’économie fonc-
tionne plus selon la logique du « modèle », la sociologie
selon celle de « l’enquête » (Passeron, 1991). Dans le
premier cas, la recherche de « lois » indépendantes du
contexte et la formalisation de relations entre agents
visent à rapprocher l’économie, cette science sociale
particulière, des sciences de la nature et de la matière.
Néanmoins, cet effort de modélisation trouve des limites
(Walliser, 2001). D’une part, parce que la validation par
confrontation aux données est souvent délicate. D’autre
part, en raison de la « complexité du champ écono-
mique », c’est-à-dire de la variété des interdépendances.
L’ARGUMENTATION
DANS LES
INSTRUCTIONS OFFICIELLES
:
UNE PLACE MODESTE
Une étude attentive des programmes et des
Instruc-
tions officielles
, en particulier celles qui concernent le
baccalauréat, conduit à quelques conclusions que nous
résumons ici.
La lecture du programme de seconde
3
et de ses
indications complémentaires permet de noter qu’une
[
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————
2.
Passeron J.-C.,
Le Raisonnement
sociologique – la preuve
et le contexte
, Paris,
Odile Jacob, 2002
(coll. « UTLS n° 2 »).
3.
BO
, HS n° 6,
29 août 2002.
en SES :
attentes et manières de faire
distinction y est opérée entre initiation à la démarche
sociologique (à partir du thème de la famille) et
initiation au raisonnement économique (en s’appuyant
sur l’étude de l’effet des investissements sur l’emploi),
ce qui suppose donc des « modèles » argumentatifs
différents.
Il convient aussi de sensibiliser les élèves à des questions
nouvelles, de leur faire opérer des distinctions qu’ils
ne faisaient pas jusqu’alors (famille/parenté, actif/
inactif/chômeur, pour ne citer que quelques exemples).
Or les concepts qu’ils vont découvrir au cours de cette
activité ont un caractère « idéal-typique ». Cela signifie
que, contrairement aux concepts des modèles scienti-
fiques, ces concepts sont des « semi-noms propres
4
»,
des notions qui ne sont pas dissociables d’une série
d’exemples qui permettent de comprendre le cadre
dans lequel elles s’inscrivent. Ainsi, contrairement à
la définition de l’atome ou d’une droite, celle de la
production ou encore de la consommation mérite d’être
précisée et suscite quoi qu’il en soit des discussions
possibles: pourquoi ne pas considérer l’activité domes-
tique comme production économique et à ce titre
comptabilisée dans le produit intérieur brut?
Mais, surtout, on peut remarquer que ce programme
de seconde incite, d’une part, à bâtir des raisonnements,
à reconstituer des enchaînements et, d’autre part, à
favoriser le questionnement et la diversité des inter-
prétations. Donc, au final, à solliciter les deux aspects
de l’argumentation : l’argumentation comme adminis-
tration de la preuve: il faut argumenter pour prouver et
convaincre ; et l’argumentation comme débat, contro-
verse: il faut argumenter pour persuader. N’est-ce pas,
finalement, parce qu’en sciences sociales ces deux
aspects sont intimement liés? La preuve est rarement
irréfutable mais le plus souvent contextualisée, suscep-
tible de mise en débat: il faut non seulement prouver en
apportant des preuves, mais persuader que ces preuves
sont valides.
Si en classe de seconde le programme propose explici-
tement d’initier les élèves aux démarches des sciences
sociales, par la suite le programme de sciences éco-
nomiques et sociales de la classe de première ES
5
présente un point de vue plus limité. La production
d’argumentations est rangée du côté des « outils »,
des méthodes de travail à mobiliser au service des
« objectifs intermédiaires », répondant eux-mêmes aux
objectifs généraux de la discipline. Argumenter n’est pas
un objectif mais un moyen. L’argumentation n’est pas
saisie en tant que processus mais comme produit,
puisqu’il s’agit de produire des argumentations.
Cela se retrouve avec les
Instructions officielles
pour le
baccalauréat. Si comprendre (restituer) l’argumentation
d’un auteur (économiste ou sociologue) ou produire
soi-même une argumentation sont des compétences
attendues des élèves et évaluées, la vision de l’argu-
mentation qui se dégage est assez peu explicitée: mise
en forme logique et cohérente d’éléments (dont la
nature reste à déterminer); mise en ordre qui peut être
parfois formalisée par la construction d’un schéma
d’implication logique. Il s’agit donc surtout d’établir et
de schématiser des relations de causalité. Finalement,
on est plutôt du côté de « l’explication », entendue en un
sens « faible », que de la « compréhension ».
Aussi, même s’il est question de réflexion critique, les
Instructions officielles
interprètent l’argumentation de
façon instrumentale: raisonnements et enchaînements,
plutôt que mise en débat. La dimension rhétorique de
l’argumentation y est donc peu présente.
Nous allons étudier de plus près ce qu’il en est dans
les pratiques d’enseignement et les activités proposées
aux élèves. Mais, auparavant, nous allons essayer de
préciser le vocabulaire que nous emploierons.
LES OPÉRATIONS DE L’ARGUMENTATION
En cherchant à porter un regard un peu analytique, il
semble possible de décomposer les opérations argu-
mentatives en distinguant d’une part les différents
niveaux de l’argumentation et d’autre part la nature des
arguments mobilisés.
Le « grain » de l’argumentation
On peut s’intéresser à l’argumentation dans son
ensemble, ce que l’on peut appeler la « trame argumen-
tative », en se situant alors au niveau macro.
Au niveau intermédiaire, il est possible de repérer des
moments d’argumentation, des « séquences argumenta-
tives ». Voici un exemple de « séquence argumentative »:
dans une copie de seconde dont le sujet porte sur les
effets du progrès technique sur l’emploi, un élève, après
avoir affirmé que le progrès technique peut avoir des
effets positifs sur l’emploi, propose le raisonnement
suivant : « Il permet une augmentation de l’emploi,
car les machines sont fabriquées par des personnes.
Ceci compense plus ou moins la substitution des
machines au travail. De plus il permet une hausse de
la productivité, donc une diminution des facteurs de
production, donc une diminution des prix qui entraîne
une augmentation du pouvoir d’achat et donc une
augmentation du niveau de vie et en définitive une
augmentation de l’emploi, car l’entreprise fait alors plus
de profit. »
Enfin, au niveau « micro », élémentaire, on peut repérer les
« arguments » eux-mêmes, éléments de preuve utilisés.
La nature de l’argumentation
L’argumentation peut être interrogée d’un autre point
de vue, évoqué ici pour mémoire, mais qui ne sera pas
exploité dans le texte qui suit, celui de la « nature » de
l’argumentation. De quoi s’agit-il?
De la diversité des arguments utilisés: exemples, don-
nées, références à auteur ou théorie, raisonnements. Il
s’agit là d’un aspect plutôt quantitatif.
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4.
Nous empruntons
cette expression
à J.-C. Passeron.
5.
BO
n° 28
du 12 juillet 2001.
De l’échelle de complexité de l’argumentation: simple
opposition (pour/contre); dialectique (pour/contre/néan-
moins) ; complexe (argument 1/contre-argument ou
nuance; argument 2/contre-argument ou nuance, etc.).
L’aspect est plutôt qualitatif.
Du modèle d’argumentation enfin, au sens de modèle
d’administration de la preuve. Deux modèles sont en
théorie possibles. Un modèle « déductif-démonstratif »,
d’une part. Il vise à convaincre et prend la forme d’un
chaînage d’inférence, proche de la logique naturelle de
Grize
6
. Dans les textes des élèves, les « donc » ou les
termes indiquant des liens de causalité (« entraîne »,
« conduit », « permet », etc.) permettent de saisir ce
modèle. Un modèle « persuasif », d’autre part. On doit
dans ce cas plutôt s’attendre à des arguments d’autorité
ou en valeur
7
. Assez fréquent à l’oral, il occupe une
place plus restreinte en SES à l’écrit, sans être absent
néanmoins : débats sur la justice sociale, l’opposition
égalité/équité, l’opposition liberté/solidarité, etc.
Dans le premier cas, l’argumentation privilégie l’admi-
nistration de la preuve, dans l’autre elle insiste sur la
mise en débat.
[
Manières de faire
Nous allons maintenant regarder de plus près les pra-
tiques en matière d’apprentissage de l’argumentation.
APPRENDRE À ARGUMENTER
EN CLASSE DE SECONDE
Dès la classe de seconde, les professeurs de SES pour-
suivent une double finalité : former les élèves aux
démarches des sciences sociales, à leur vocabulaire, aux
raisonnements mis en œuvre pour conduire une argu-
mentation dans ces disciplines, en même temps qu’ils
cherchent à développer leur aptitude à mener des rai-
sonnements cohérents, sur des sujets économiques et
sociaux, à les former à une discipline intellectuelle et, ce
faisant, à développer leur capacité à faire des choix
« raisonnés » en tant que futurs citoyens.
Aussi, la démarche attendue est de l’ordre heuristique
plutôt que rhétorique. En effet, les questions sociales
sont souvent sous-tendues par des jugements de
valeur, des points de vue qui ne sont pas toujours
généralisables et recevables. L’argumentation ne vise
donc pas à faire reconnaître la pertinence d’un point
de vue particulier, mais plutôt à établir une généra-
lisation en partant éventuellement d’un cas particulier. En
classe de seconde, la démarche argumentative cherche
à faire construire des connaissances en défendant
des points de vue cohérents, points de vue qui peuvent
être contradictoires mais à partir desquels il faudra
aboutir à une conclusion valide, pour le faire admettre. La
thèse doit être étayée par des arguments recevables,
c’est-à-dire non erronés mais surtout adaptés au point
de vue défendu. L’élève est conduit à mener un travail
de justification.
Cependant, l’argumentation peut aussi prendre la forme
de la délibération – par exemple doit-on être « pour ou
contre la concentration dans l’édition », ou bien « le
progrès technique est-il source de chômage? ». Ou plus
modestement la forme argument/contre-argument,
conclusion. Cette activité exige donc de l’élève qu’il
sélectionne les « bons arguments »: à l’oral, par exemple,
l’erreur est rapidement sanctionnée par le maître… mais
surtout par les élèves.
[
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——
————
6.
Grize J.-B.,
Logique naturelle
et communication
,
Paris, Puf, 1996.
7.
Perelman définit
l’argumentation comme
« les techniques
discursives permettant
de provoquer
ou d’accroître l’adhésion
aux thèses
que l’on présente à leur
assentiment ». Ainsi,
selon cet auteur, pour
étudier l’argumentation il
faut dissocier les aspects
du raisonnement relatifs
à la vérité et ceux qui
sont relatifs à l’adhésion,
c’est-à-dire aux valeurs.
Dans son
Traité de
l’argumentation
, il établit
donc une distinction
entre argumentation
heuristique
et argumentation
rhétorique
(Perelman C.
et Olbrechts-Tyteca L.,
Traité de
l’argumentation
,
2 vol. Paris, Puf, 1958).
À l’écrit, cela suppose que l’élève soit capable de se
saisir d’arguments opposés, comme ci-dessous, en
réponse à la question : « Quels sont les effets positifs
et négatifs du progrès technique sur l’emploi, le niveau
de vie, les conditions de travail? »
« Le progrès technique a beaucoup d’effets bénéfiques.
D’abord les machines remplacent souvent des métiers
répétitifs, peu payés et sans réel intérêt. Le progrès tech-
nique à long terme augmente le niveau de vie des familles:
le progrès technique déclenche une baisse des prix donc
une augmentation du pouvoir d’achat. Le progrès tech-
nique crée des emplois et en rend plus agréable d’autres
(par exemple le pistolet à peinture a dû grandement faci-
liter le travail du peintre et a augmenté la productivité donc
à long terme son salaire). Dans chaque entreprise, quand
on achète une machine on embauche des techniciens
pour la faire fonctionner et on fait fonctionner l’entreprise
à laquelle on achète la machine.
Malheureusement le progrès technique détruit beaucoup
d’emplois, surtout les emplois peu qualifiés pour en créer
beaucoup moins qu’il n’en détruit. Le progrès technique
augmente la productivité, donc si une entreprise produit
plus (plus un bien est rare plus il est cher) donc le produit
que vend l’entreprise vaut moins cher, ce qui entraîne une
hausse du pouvoir d’achat. Un autre problème avec le
progrès technique est qu’il vaut cher, donc une entreprise
qui veut rester compétitive sans pour autant dépenser des
millions chaque année en machines exporte ses usines
dans des pays pauvres où elle va exploiter ses ouvriers.
Donc, elle va complètement détruire des emplois dans
les pays développés pour abuser des lois sociales des
pays en voie de développement.
Le progrès technique est donc à double tranchant :
– il crée des emplois qualifiés et bien rémunérés ;
– il détruit des emplois peu qualifiés et envoie une
classe sociale au chômage.
8
»
L’argumentation ici est bien présentée sous la forme
d’une controverse. De plus, la dimension temporelle
(effets à court et long terme) et les interdépendances
sont prises en compte. On trouve à la fois la trame
(l’enchaînement), la dimension contradictoire et la
pertinence des arguments.
L’argumentation représente sans doute une difficulté
particulière en SES où l’interprétation occupe une place
centrale dans la démarche et où il faut à la fois partir
de problèmes sociaux, comprendre les points de vue,
les raisons des acteurs sociaux concernés et fournir des
explications valables aux interactions qui se déroulent
dans un contexte particulier.
EN SES, QUE FAUT-IL ENTENDRE
PAR ARGUMENTS RECEVABLES?
Répondre à cette question est difficile, dans la mesure
où, contrairement aux sciences de la nature, les sciences
sociales ne peuvent recourir à la méthode expérimentale
et aboutir à un résultat « irréfutable ». Ainsi ont-elles tout
d’abord, comme caractéristique commune, d’être des
sciences de l’observation.
Le recours aux statistiques peut ainsi fournir des
éléments de preuve qu’il convient de bien interpréter.
Ainsi l’étude de données chiffrées fait l’objet d’un appren-
tissage spécifique : « Le traitement de l’information,
l’analyse et l’utilisation de données chiffrées […] doit
être conduite avec rigueur : le professeur […] devra
guider les élèves dans la recherche de l’information,
leur apprendre à s’interroger sur les sources et les
constructions des données, comme à utiliser cette
information dans les productions écrites et orales. »
Le texte ci-dessous illustre comment un élève de
seconde mobilise des données statistiques:
« […] le nombre d’emplois chez les femmes a aug-
menté de 1982 à 1990, passant de 39,4% à 42,2%.
Par ailleurs, les écarts de salaires entre femmes et
hommes se réduisent. En effet, dans les années 1980,
le salaire des hommes dépassait celui des femmes d’un
tiers alors qu’en 1992 la différence n’est que d’un quart.
De plus, on remarque une importante croissance des
femmes cadres depuis les années 1980. Enfin les
femmes représentent 20 % des employeurs et 28 %
des créateurs d’entreprise. […]
9
»
Les raisonnements mettant en relation plusieurs faits
ou plusieurs variables constituent également des
éléments de « preuve » à l’appui de la démonstration
conduite. L’enchaînement des propositions doit reposer
sur des contenus de connaissance précis, en référence
avec les programmes d’étude. La qualité de la « preuve »
est aussi apportée par des inférences nombreuses qui
nuancent, complètent la proposition énoncée. Ainsi
l’objectif en classe est de comprendre comment les
sociologues, économistes, historiens, etc. raisonnent
pour aboutir à une assertion ayant valeur de vérité, et
de tenter de transposer, de faire en sorte que les
élèves s’approprient ces façons de raisonner dans les
discours produits en classe ou à l’écrit, ce qui peut être
traduit dans le langage scolaire par raisonner de façon
« rigoureuse ».
Témoin cet extrait d’un contrôle où une élève cherche
à montrer les effets positifs du progrès technique sur
l’emploi : « Le progrès technique a des effets négatifs
et positifs sur l’emploi, le niveau de vie et les condi-
tions de travail. En effet, le progrès technique entraîne
une augmentation de la productivité, donc une dimi-
nution des prix, donc une augmentation du niveau de
vie et de la demande donc une création d’emplois. »
Cet extrait est suivi d’un schéma qui restitue l’enchaîne-
ment des causalités évoquées au moyen des connecteurs.
Cependant, les raisonnements se construisent diffé-
remment selon l’objet et le champ de référence; on a
vu que le programme de seconde se fixe pour objectif
d’initier à la « démarche sociologique » (cf.
supra
) et
au « raisonnement économique ». Ces formulations
indiquent que le programme ne dissocie pas l’appren-
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——
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8.
Copie d’un élève
du lycée Jean-Moulin,
Montmorillon.
9.
Extrait d’un écrit
d’élève, il s’agissait de
répondre à la question:
« Des différences
existent-elles toujours
entre l’activité féminine
et masculine? »,
dans Décultot Anne,
Du débat oral
à la production
de textes argumentatifs
en seconde SES
,
Mémoire professionnel
PLC2, IUFM de Paris,
année 1997-1998.
tissage de contenus des modalités de leur construction.
Dans le même temps, les items proposés ne se
différencient pas strictement par champ disciplinaire :
un même objet, par exemple la consommation, peut
être abordé sous l’angle économique, sociologique,
politique… Ainsi l’élève doit être capable d’adapter son
argumentation en fonction du contexte.
Une étude des manuels montre qu’ils traduisent ces
deux objectifs. Dans la partie plus sociologique (la
famille), il est plus fréquemment demandé à l’élève
d’expliquer, d’interpréter et de donner son point de vue
(donc d’interpréter), alors que dans les chapitres éco-
nomiques, par exemple sur l’investissement, les raison-
nements hypothético-déductifs avec enchaînement de
plusieurs variables sont plus fréquents, sans que cela
exclut la mise en débat.
QU’ENTEND-ON PAR RAISONNEMENT?
L’argumentation qui suppose la mise en relation de
plusieurs éléments en faveur d’une thèse est enfin une
« procédure qui comporte des éléments rationnels; elle
a ainsi des rapports avec le raisonnement et la
logique
10
».
Cela nous conduit à avancer et préciser ce qu’il faut
entendre par raisonnement dans la mesure où cette
activité occupe une place importante dans les cours
de SES.
Le raisonnement, est une activité « discursive » « par
laquelle on passe de certaines propositions posées
comme prémisses à une proposition nouvelle en vertu
du lien logique qui se déroule dans la conscience du
sujet selon l’ordre du temps
11
» ; il s’agit d’établir une
relation entre plusieurs propositions en respectant une
certaine logique avec pour objectif de proposer un argu-
ment valide, recevable. La logique dont il est question
n’est pas la logique formelle des mathématiciens, elle
renvoie plutôt à la notion de cohérence du propos tenu,
à l’articulation des idées émises qui doit être sensée,
dans le contexte concerné. Ainsi la démarche n’est pas
formelle
12
, elle porte sur des objets de connaissance
précis, et la conclusion à laquelle l’émetteur du raison-
nement aboutit n’est pas universelle ; elle est située,
elle se conçoit dans le cadre de l’étude effectuée. Cette
activité s’appuie sur « une logique naturelle » telle qu’elle
est développée dans la vie courante. En effet, les élèves
sont habitués à raisonner dans diverses situations
sociales. Qu’il s’agisse de se faire payer une nouvelle
paire de chaussures de sport, d’obtenir l’autorisation
d’une sortie tardive, de vanter les mérites de leur équipe
favorite, les élèves argumentent et doivent convaincre
grâce à des raisonnements. Ils témoignent ainsi qu’ils
maîtrisent les rudiments d’une « logique naturelle
13
».
Il convient ainsi, par l’activité déployée dans le cadre
scolaire de s’appuyer sur les compétences déjà acquises
des élèves afin de les conduire à tenir des raisonne-
ments plus rigoureux, notamment en utilisant le
vocabulaire des sciences sociales. Les professeurs cher-
chent à ce que les élèves dépassent leur expérience
personnelle pour tenir des propos plus généraux, et en
utilisant des concepts déjà élaborés. Pour autant, même
s’il est toujours exigé des élèves des raisonnements
« rigoureux », ce qualificatif recouvre des attentes
assez diverses: correction du vocabulaire scientifique,
adéquation des assertions et des preuves, continuité
du discours, etc. De fait, il est demandé qu’ils organisent
de façon cohérente leurs idées, de façon à produire une
proposition qui ait du sens et qui soit valide dans le
domaine de référence, ici les sciences sociales. Il n’est
pas question directement de reproduire ou de faire
reproduire par les élèves des raisonnements scienti-
fiques tels qu’ils sont élaborés par les chercheurs mais
de leur permettre de saisir, par tâtonnement, par la
formulation de propositions construites, ce que peut
être une approche scientifique des faits économiques et
sociaux et en quoi le discours qu’ils émettent est distinct
du « sens commun ».
Le mot raisonnement revêt donc une double signification
14
:
d’un côté il désigne les activités ou démarches qui consis-
tent à raisonner, de l’autre il désigne les produits, les résul-
tats du point de vue du contenu exprimé mais aussi de la
façon dont ce point de vue est émis. Cette double activité,
réalisée par l’auteur du document ou par le professeur,
doit à son tour être effectuée par l’élève.
Cet exercice de la pensée représente une activité qui
occupe une place centrale dans le cours de SES. En
effet, le travail sur document proposé aux élèves n’est
pas une simple reprise du texte ou une lecture de don-
nées chiffrées. Au contraire, l’élève doit chercher dans le
texte des éléments qui peuvent s’insérer dans un rai-
sonnement qui parvient à justifier ou réfuter une pro-
position. Ce travail représente en SES le « maillage » du
cours. Il prépare l’élève, chemin faisant, à réaliser une
argumentation de plus grande envergure (débat argu-
menté, dissertation en première et en terminale…), à
combiner des « séquences argumentatives » pour en
faire une « trame argumentative ». En même temps, il
permet à l’enseignant de vérifier, pas à pas, que les
élèves comprennent le contenu des documents,
les points de vue des auteurs quand une opinion se
dégage d’un texte. Il s’agit, au sens où l’entend Vigotsky,
d’accompagner les élèves dans l’élaboration d’une
pensée plus abstraite.
En ce sens, le travail demandé en SES en classe de
seconde ne se réduit pas à une simple « alphabéti-
sation », à une simple initiation à la lecture et à l’inter-
prétation de documents. Se mettent en place aussi des
types de raisonnement, inductifs et parfois déductifs,
des confrontations d’arguments. Cet apprentissage est
aussi pratiqué dans d’autres matières, mais de façon
moins systématique. Il permet aux élèves ayant suivi
l’option d’acquérir les prémisses d’une manière de
penser qui fera souvent défaut aux autres.
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——
————
10.
Oléron P.,
L’Argumentation
,
Paris, Puf, 1983
(coll. « Que sais-je? »).
11.
Blanché R.,
art. « Raisonnement »,
Encyclopædia
Universalis
.
12.
Grize J.-B.,
« Les deux faces
de l’argumentation »
dans L’
Argumentation,
preuve et persuasion
,
De Fornel M. et
Passeron J.-C. (dir),
Paris, Éditions
de l’EHESS, 2002
(coll. « Enquête »),
p.13 à 27.
13.
Grize J.-B.,
Logique naturelle et
communication, op.cit.
14.
Oléron P.,
Le Raisonnement
,
Paris, Puf, 1977.
LES RAISONNEMENTS DEMANDÉS
DANS LES MANUELS
Les manuels donnent à leur tour une indication sur les
attentes, les manières de faire en matière d’argumen-
tation en classe de seconde. Une façon de faire assez
systématique peut être mise en évidence: une propo-
sition très générale est d’abord avancée, par exemple: les
facteurs de variation de la population active sont à la
fois démographiques et sociaux. À partir de cette asser-
tion et à l’aide de documents appropriés, des raisonne-
ments « plus petits » seront tenus par les élèves, seuls,
à l’écrit ou à l’oral, en classe avec l’aide du professeur. Et
ces raisonnements qui impliquent de présenter les faits
dans un certain ordre pour aboutir à une conclusion
doivent être distingués des exercices, eux aussi assez
systématiques de compréhension, de clarification de
certaines notions. Ils constituent ce que nous avons
appelé ci-dessus un « maillage » du cours.
La forme du raisonnement demandé peut être celle du
syllogisme (déductif); le syllogisme rigoureux suppose
que la conclusion est contenue dans les prémisses,
comme l’illustre le syllogisme suivant : consommer,
c’est utiliser un bien qui disparaît dans l’acte de consom-
mation, or les biens proviennent de l’activité des
hommes. La consommation suppose donc une
production préalable.
C’est un travail de ce type qui est demandé au lycée M
dans un contrôle. La question posée était: « Présentez
le lien entre la réduction de l’autoconsommation et la
féminisation de la population active ». Voici la réponse
d’un élève : « 1) La féminisation de la population
active a augmenté car de plus en plus de femmes
travaillent, 2) elles occupent un plus grand rôle dans la
société aujourd’hui, cela explique une baisse de temps
considérable dans le foyer donc moins de temps à
consacrer au jardinage, à l’autoconsommation, plus de
travail, moins de temps à manger, consommation de
produits en conserves, plats réchauffés… »
Le lien entre la proposition 1 et la proposition 2 n’est pas
établi (est-ce que ce plus grand rôle découle de leur
présence dans le monde du travail?). Par contre, le connec-
teur « donc » traduit bien la liaison entre les deux
propositions suivantes, mais l’enchaînement logique, « la
séquence argumentative », est écrit en style télégraphique.
Parfois, sont aussi demandés des raisonnements dont les
prémisses sont dans le texte mais dont les conclusions
doivent être trouvées par les élèves. Il y a, dans ce cas,
apport d’une connaissance nouvelle par les élèves.
L’élève résout une énigme, il éclaircit une situation un
peu obscure ou paradoxale, il aboutit à un résultat.
Le questionnement est parfois inversé : la conclusion
est donnée dans le document, l’élève doit retrouver les
prémisses, soit dans le texte, soit dans son cours ou
bien encore dans ses connaissances personnelles.
Les raisonnements demandés peuvent aussi être de
type inductif : des exemples d’investissements ou de
produits (le portable, MacDonalds) conduisent à une
idée générale. L’activité consiste alors à passer de
l’exemple à la proposition générale. Dans ce cas, il s’agit
d’un inductivisme pédagogique
15
: l’exemple permet
d’illustrer la notion à aborder ou bien encore de travailler
à partir d’un contraste, de permettre de comprendre
les hypothèses retenues pour l’analyse du fait étudié,
contrairement à la méthode inductive qui consiste à
trouver une loi à partir de plusieurs constatations.
Enfin, dans certains cas, c’est le document qui contient
un raisonnement bien structuré ; le travail demandé
à l’élève est alors de s’approprier le raisonnement
produit: il doit justifier, ou simplement retrouver, expliciter
le raisonnement tenu par l’auteur.
Ces diverses modalités semblent indiquer que l’objec-
tif poursuivi est à la fois didactique et pédagogique.
Mettre à jour ces pratiques peut aider à montrer
comment le raisonnement représente un objectif
d’apprentissage en SES dès la classe de seconde.
Ainsi, par ce travail un peu systématique et répété
16
,
l’objectif n’est pas seulement de faire acquérir des
connaissances nouvelles par les élèves, en faisant en
sorte qu’ils intègrent les modes de raisonnements de
la discipline concernée. C’est aussi leur capacité à se
forger une opinion, à prendre du recul par rapport aux
contenus des divers documents présentés qui est
valorisé. Mais cette opinion doit reposer sur des
prémisses correctes et aboutir à une conclusion valide.
La validité du raisonnement n’est pas indépendante de
la validité de propositions que l’inférence met en jeu.
Tout le travail en classe, avec les élèves, mais surtout à
l’écrit, consiste à faire tenir des propositions justes et à
les mettre en cohérence.
La succession des activités de raisonnement menées
en classe conduit ainsi les élèves de seconde à construire
des argumentations nuancées avec cependant plus ou
moins de finesse dans l’organisation des arguments.
Cette différence peut être illustrée en présentant le
« squelette » de deux réponses à un devoir déjà
évoqué
17
.
Rappelons le sujet: « Des différences existent-elles tou-
jours entre l’activité masculine et l’activité féminine? »
Copie n° 1: « Depuis quelques années, l’activité féminine
a évolué, mais existe-t-il encore des différences avec
l’activité masculine? […]
D’une part, je pense qu’il n’y a pas de différence entre
l’activité masculine et l’activité féminine car […]
D’autre part, je pense qu’il y a des différences entre
l’activité masculine et l’activité féminine. En général
[…] »
Copie n° 2 : « L’activité féminine a évolué et tend à
rejoindre le modèle de l’activité masculine.
En effet, on peut voir que […]
D’autre part […]
Par ailleurs, […]
De plus, […]
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15.
Comme le souligne
Luc Simula, « Qu’est-ce
qui est enseigné? » dans
Cahiers pédagogiques
— Enseigner l’économie
,
novembre 1992,
n° 308.
16.
J.-C. Passeron
explique que l’on crée
ainsi une habitude
du raisonnement,
par ces façons de faire
un peu répétitives.
Il utilise le terme de
« chaînes
argumentatives »,
dans « Logique
et schématique dans
l’argumentation
des sciences sociales »,
Revue européenne
des sciences sociales
,
tome XXXV, 1997,
n° 107, p. 169-196.
17.
Décultot Anne,
op.cit.
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
C
HATEL
E.,
et alii
,
Enseigner les sciences économiques et sociales
,
Paris, INRP, 1990.
P
ASSERON
J.-C.,
Le Raisonnement sociologique
, Paris, Nathan, 1991.
T
OULMIN
S.,
Les Usages de l’argumentation
, Paris, Puf, 1993.
W
ALLISER
B.,
« La science économique », dans Berthelot J.-M.
(dir),
Épistémologie des sciences sociales
, Paris, Puf, 2001.
Enfin […]
Cependant, […]
Malgré la réduction de l’écart […] »
Alors que la copie n° 1 oppose arguments « pour » et
arguments « contre », la copie n° 2 cherche à opposer
arguments et contre-arguments, où l’argument initial est
repris, éventuellement partiellement accepté, mais
discuté, critiqué, nuancé. On est alors plus proche
d’un modèle argumentatif qui, à l’écrit, reproduit le
cheminement d’un débat oral.
Au cours de cette année d’initiation aux SES se met
donc en place un apprentissage à l’argumentation par la
répétition de « séquences argumentatives ». Les élèves
sont conduits à mobiliser des arguments, en particulier
des données statistiques et des « petits raisonnements ».
L’étude d’un échantillon de devoirs de seconde en
témoigne: les élèves doivent répondre à une question
en convaincant par le recours à des raisonnements. La
diversité des arguments est assez limitée
18
. Les exemples
sont peu nombreux, et les raisonnements sont les
arguments les plus souvent mobilisés. Par ailleurs, les
devoirs sont inégaux en matière de complexité de
l’argumentation, la plupart ne dépassant pas la simple
opposition.
Néanmoins, en ce qui concerne la construction de
séquences argumentatives, et parfois leur enchaîne-
ment, des manières de faire qui correspondent aux
attentes de l’argumentation en SES sont déjà en place,
à des degrés certes divers, dès la seconde.
[
Des arguments
à l’argumentation
En SES, l’argumentation ne se situe pas
a priori
dans le
registre de la démonstration au sens rigoureux que
lui donnent les mathématiciens. L’argumentation, néan-
moins, n’y est pas principalement rhétorique, mais plutôt
heuristique. La valeur « scientifique » des arguments
compte donc tout autant, et même plus, que la qualité
de leur mise en forme. Cette dernière ne peut toute-
fois pas être négligée, car il faut bien persuader le lecteur
de la justesse de l’argumentation développée. Cette
remarque nous conduit à relativiser cette opposition
introduite par Perelman.
Les arguments recevables sont de natures diverses et
leur degré de recevabilité n’est pas fixé
a priori
mais
résulte du contexte. La validité des arguments (données
ou raisonnements) est le plus souvent conditionnelle
et dépend en particulier de l’ampleur des interdépen-
dances prises en compte dans l’analyse ainsi que du
champ privilégié. C’est là, semble-t-il, une des difficultés
majeures de l’argumentation en sciences sociales.
On le sait, les classes de seconde sont très diverses.
Dans celles qui ont servi à nos observations et analyses,
les élèves jouaient le jeu, entraînés par des enseignants
engagés dans la recherche. Dans ce cas, il est possible
de conclure que la démarche argumentative fait l’objet
d’un apprentissage, d’une part à l’oral et d’autre part à
l’écrit, dès la classe de seconde. Cet apprentissage prend
notamment la forme de construction de « schèmes de
raisonnement » qui sont progressivement enrichis pour
conduire à une mise en forme organisée au sein des
devoirs de type dissertation: en simplifiant, on peut dire
que l’on passe de la construction des arguments à celle
de l’argumentation.
Il n’est pas sûr cependant que l’apprentissage de
l’argumentation distingue toujours clairement l’argu-
mentation en tant qu’administration de la preuve et en
tant que « mise en débat ». Mais, dès lors que la valeur
scientifique des arguments compte, il faut, en sciences
sociales, prouver pour convaincre.
Si un véritable apprentissage de l’argumentation se met
en place dès la seconde, on comprend mieux pourquoi
certains élèves, faute d’avoir suivi l’option en seconde,
rencontrent, en première et en terminale, des difficul-
tés à se décentrer, à développer des argumentations
(« schèmes argumentatifs ») adéquates et étayées en
fonction du sujet abordé.
Cependant, en SES, l’argumentation, entendue au sens
de mise en forme d’un débat, est généralement de mise
dans les copies de terminale, plus semble-t-il que dans
les copies de philosophie étudiées par Patrick Rayou
19
qui « paraissent pratiquer davantage la démonstration
que l’argumentation », du fait des incertitudes qui, pour
les
élèves, entourent cette épreuve. Les
élèves hésitent moins à s’engager dans l’exercice périlleux
de l’argumentation. Peut-être parce que le temps
d’apprentissage est plus long, étalé en général sur trois
années. Et que les attentes sont collectivement plus
codifiées.
]
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PRATIQUES
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——
——
————
18.
Un travail conduit
en parallèle sur
des copies de terminale
sur des sujets similaires
(la tertiairisation)
montre l’enrichissement
du « répertoire »
argumentaire entre
ces deux niveaux
de classe… ce qui est
plutôt rassurant!
19.
Rayou Patrick,
La Dissert de philo
,
Rennes, Presses
universitaires, 2002.
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