Un conte d'hiver de Claude-Catherine Suri et Serge Bonnafont à l'occasion du nouvel an et une explication surprenante et merveilleuse sur l'origine des chiffres.
Il était une fois, dans une contrée lointaine nichée au beau milieu des confins du Rêve, un pays de neige tout rond, peuplé de petits Êtres qui se ressemblaient comme des gouttes d'eau. Avec une bouche, un nez et deux yeux perçants, ils étaient tout pareils à nos enfants sauf qu'ils n’entendaient pas. C’était pourtant d’intarissables ba-vards.
Mais comment se comprendre quand personne ne sait lire sur les lèvres ? C’est tout simple, on écrit dans l’air. Tout bêtement.
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Pour parler, ces petits Êtres dessinaient devant eux, d’un doigt agile, des lettres qui formaient des mots de toutes les couleurs et voletaient en scintillant. Le dessin des lettres et la couleur des phrases volantes étaient propres à chacun. Ainsi, l’on savait tout de suite qui avait parlé rien qu’en regardant en l’air. Cette écriture tremblée, c’était le plus âgé des habitants. Ces mots im-peccablement tracés, c’était la maîtresse d’école. Ce gribouillis illisible, c’était le docteur Dites Trentre-Trois et ces lettres prétentieuses et chantournées, c’était la belle Clarisse qui se prenait pour une reine.
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Le seul inconvénient de ce système, c’était qu’il fallait plus de temps pour écrire que pour parler. Chaque phrase restait en l’air environ une minute, puis une à une, les lettres s’effaçaient doucement en émettant de très jolies couleurs scintillantes comme des feux d’ar-tifice. Tant que la phrase n’avait pas disparu, il était inutile d’en dessiner une autre, sinon toutes deux se mélangeaient dans le plus affreux désordre et il s’en-suivait un charabia qui faisait rigoler tout le monde.
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Par exemple, si la petite maîtresse d’école, fâchée contre ses élèves indisciplinés comme Clément et Laurine qui aimaient faire les fous en classe, criait :
- Taisez-vous, petits sacripants !!!
et sans même attendre la dissolution des mots, aboyait :