Variétés historiques et littéraires, Tome VIILe Canard qui mange cinq de ses frères, et qui est mangé à son tour par un colonel.1789Le Canard qui mange cinq de ses frères,1et qui est mangé à son tour par un colonel .J’ai connu très particulièrement, mon cher oncle, un colonel au service de Hollande,fort gourmand, et même un peu goulu ; ce brave militaire avoit imaginé une manièrepeu commune de manger des canards excellens, et voici quelle etoit sa methode :Ce fier Batave faisoit chercher six canetons, que l’on plaçoit dans un endroit où ilspouvoient barboter à leur aise, et trouver de quoi s’empifrer comme des chanoines.Lorsque le gourmand s’appercevoit que sa troupe choisie commençoit à avoir unedemarche lourde et embarrassée, il examinoit avec soin celui qui avoit le mieuxprofité, et, quand il voyoit qu’il y en avoit un qui avoit un ventre qui touchoit presqueà terre, il lui attachoit un ruban rouge à la patte. Le cuisinier savoit ce que celavouloit dire, et, en consequence, le lendemain, il prenoit un des cinq compagnons,le tuoit, le plumoit, le coupoit par morceaux, et le faisoit manger par celui qui avoitété honoré du cordon. Cet honnête frère auroit fort bien expedié dans un jour toutela chambrée ; mais comme ce n’etoit pas tout à fait pour lui faire fête qu’on lenourrissoit de cette façon, on avoit soin de lui menager sa bonne fortune, etordinairement ce n’etoit que le neuf ou le dixième jour qu’il avaloit le dernier.Le mangeur avoit son tour ; ...
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