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"Destinée" est une nouvelle écrite par Fabrice Balester, qui a été primée et publiée dans un collectif de nouvelles (éditions LPE) à l'occasion du concours Marseille 2013.
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Publié par

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15 janvier 2014

Nombre de lectures

113

Langue

Français

  
     
 Nouvelle « Destinée » Par Fabrice Balester Concours Marseille 2013 (220 candidats – 13 lauréats)
 © Concours Marseille 2013 
 
La nouvelleeDéestinfait partie des13nouvelles primées et publiées dans le recueil de nouvellesMarseille 2013(parution mai 2013)   IuIl  emenxact jat oùadsittne spmet nueisnoM ,t fub èrsszeamsiev ,une ur, ue aépoqn  urjoe,ntù  oért adipiuq tûf xeur furet un bopsroit fanilts esat enaiavs l  .sima sem ed tneur ee joce lstene ixm noadsntu é vainement… Croyez-moi, Monsieur, je ne ressemblais pas à Pretty Woman, ni à Laetitia Casta, ni à cette catégorie de filles épinglées sur les murs afin que la mode puisse expérimenter les effets d’une robe fourreau ou d’un décolleté sur le mental des garçons. J’étais juste Gina, un chat maigre qui avait bien du mal à accepter sa personnalité odieuse et trop vite dégrossie. Souvenirs : L’air torride s’était mis à brasser des odeurs vulgaires, renouvelées par le mouvement tournoyant du mistral. Je venais d’entrevoir un visage aux chairs un peu enfoncées autour des arêtes du nez et des orbites… Je me sens coincée dans mes propos car je n’ai été choisie qu’au milieu de cette histoire. Alors plutôt que de vous laisser croire que c’est du « flan », que je cherche à vous faire avaler des couleuvres, je préfère laisser le soin à un autre de vous faire regarder les choses en face, en espérant qu’il ne vous dira pas trop de mal de moi.  C’était la pleine chaleur sur la ville provinciale. Le soleil passait ses rayons dorés entre les lamelles du store et Hector Foxberger était content de son sort, lové dans son petit studio. Il pensait, en regardant des revues sportives africaines, à cette salle omnisport de l‘Alcazar et aux lumières qui s’étaient éteintes brusquement sur un combat de boxe. Depuis toujours, hiver comme été, il marchait à l’économie, se la coulait douce, sans ambition, sans talent particulier et vivant avec un vice qu’il ne cherchait même pas à se dissimuler : la paresse. A bientôt cinquante ans il n’éprouvait jamais l’amère sensation de regarder le gâchis de sa vie. Et pour joindre les deux bouts, il jouait le rôle de correspondant de Presse, affecté à la rubrique des sports de quartiers, dans un journal régional. Il aimait bien écrire sur de petits sujets tranquilles, sans trop fouiller les mots, même si ses textes s’avéraient souvent étroits d’épaules. De toute façon ce n’était pas bien grave, la presse régionale se satisfaisait d’expressions rabâchées, de phrases courtes et de métaphores approximatives. Le petit plaisir d’Hector consistait à légender minutieusement les photos. « Un travail sain et sans fatigue neuronale» jugeait-il. Côté cœur c’était un peu la même chanson. Il se souvenait avoir vécu un amour bref et intense avec une copine de lycée lorsqu’il avait seize ans. Depuis, il ne débouclait sa ceinture que pour baiser des ventres tarifés ou des filles de hasard, conduits dans le furtif des hôtels lors de ses virées nocturnes.
Bouba était d’origine africaine. Il s’entraînait d’arrache-pied contre son ombre, soucieux de se préparer une carrière prometteuse de futur champion de boxe. Dans un match, il devait poser sa silhouette puissante et musclée au centre du ring, frapper, observer, frapper de nouveau, par petites touches en donnant l’impression de vouloir dégrossir un travail, de se créer une brèche, avant de démolir définitivement son adversaire. Futur géant ou faux champion ? S’était interrogé Hector Foxberger lors d’un reportage. Jusqu’au jour où la réponse était tombée cinglante comme le couperet du KO terrible qui avait poussé le jeune boxeur à la belle apparence à raccrocher les gants prématurément. Ainsi l’auréole semblait avoir été fabriquée de toute pièce par son entraîneur. D’ailleurs il se souvenait encore parfaitement de ces courts instants, aux vestiaires, quand il s’était penché sur le boxeur. Du vrai comique. Celui-ci avait levé les gants, une, deux, esquive de la tête, rotation, sans vraiment réaliser qu’il se trouvait aux vestiaires étendu sur une table. Avait-il entendu la voix sifflante de son entraîneur ricaner : « c’était tout à l’heure imbécile qu’il fallait lever ta garde. » En tout cas Bouba avait paru se désintéresser de son manager, pour accrocher son œil unique ouvert et un sourire ou plutôt un rictus dans sa direction. Mais leur amitié n’avait pas vraiment commencé ce jour-là. C’est plus tard, un soir sur un coin de trottoir de la rue Destinée, devant le studio de Gina. Elle était là, deux touches d’ombre sur ses paupières. Une harmonie de violine, de noir, de marron, elle paraissait avoir l’amour dans ses yeux. Gina était une une prostituée qu’ils fréquentaient en commun dans ce quartier de transit. Bouba disait qu’il avait un cheval de braise dans le ventre et qu’elle contrôlait bien ses va-et-vient, qu’elle ne quittait jamais ses bas et n’en avait rien à faire qu’il les file dans son emportement. Au début, il était là par désespoir et maintenant par plaisir. De son côté, Hector Foxberger aimait bien les gestes de Gina. Ses doigts délicats pour le guider, sa patience aussi, et quand elle sentait que sa chaleur augmentait, elle lâchait une plainte de courtoisie pour l’aider à conclure. Des miettes de plaisir. Quand l’obscurité les protégeait l’un de l’autre, noyait les formes de leurs corps, ils consacraient aussi un peu de temps à la conversation. Elle devenait quelqu’un en rêve ou presque. Les passes en studio ça ne se voit presque pas. Ce n’est que du confort. Et puis les draps de Gina étaient les plus beaux, les plus mouillés, ceux dans lesquels elle enroulait ses rêves. Dans cinq ans, elle raccrocherait. L’amour tirelire :finish! Elle oublierait. Elle achèterait un petit magasin. Un prénatal. C’était dit. Elle imaginait déjà les layettes. Rien que du rose et du bleu. Elle mènerait une vie simple et épouserait Bouba pour avoir des enfants au teint café au lait. Aux yeux de Bouba, Hector Foxberger était auréolé d’une sorte de gloire sportive. Ainsi lui avait-il confié un de ses trésors des plus secret : quelques revues sportives africaines où il était parfois question de lui. Il y avait même sa photo. Sur le moment Hector ne s’était pas trop attardé sur le fait qu’on voyait le boxeur, le plus souvent les quatre fers en l’air. Par paresse, bien sûr, il pensait que c’était des choses qui arrivaient à tout le monde même aux gamins et aux vieillards les jours de verglas. Et finalement son
étonnement mesuré n’avait trouvé une explication qu’à la longue, lorsque feuilletant les revues à temps perdu, il y avait découvert des insertions du genre :  « Bouba, un combat de trop »… « Le gong ne doit plus sonner que pour la retraite »… « Arrêtez la boucherie » Dès lors, Hector s’était bien gardé de faire allusion aux revues, d’autant que Bouba, de son côté, n’en parlait jamais. Et les jours continuaient à couler harmonieusement, sous le climat exquis d’une affection réciproque et grandissante et d’un partage équilibré du corps de Gina. Et justement, plus tard, c’était il y a trois mois, un jour qu’Hector venait de quitter le ventre de Gina, celle-ci avait soupiré « c’est la première fois que j’aime ». Elle parlait de Bouba, assurait qu’elle ne lui prêtait plus son corps, mais qu’elle éprouvait des sentiments vrai de vrai. Que les mots ne lui faisaient plus peur et elle évoqua leur amitié pour lui révéler que son boxeur ne savait pas lire, à l’exception du nom des champions cyclistes où il excellait ce qui bien entendu avait toujours trompé tout le monde. Elle voyait en Hector un ami capable de pallier progressivement à cette lourde lacune. Celui-ci était réticent. Il n’imaginait pas un ex-boxeur inculte vouloir apprendre à lire, puis s’instruire plus tard de quelques strophes de l’Enéide. Il accepta néanmoins sans chaleur et Gina se chargea de convaincre Bouba. Ils commencèrent au rythme de la paresse d’Hector et des lents progrès de son élève. Pour l’encourager Hector ne cessait de lui répéter que la lecture était un ring, qu’il devait boxer le langage en isolant les syllabes, en scandant les noms de ses cyclistes favoris. Bien des courses de vélo plus tard, les choses avaient changé. Il faut dire que finalement, à la grande surprise d’Hector, Bouba avait la tête vive malgré les coups reçus et qu’il avait fait des progrès à la fois honorables et réguliers. Et ainsi, Hector ne vit le gouffre qu’en le surplombant. C'est à dire trop tard. Lorsque son jeune élève lui demanda incidemment, négligemment, de lui rendre les fameuses revues prêtées deux ans plus tôt. Hector resta immobile. En contemplant le visage de son ami, marqué par l’innocence, Hector comprit qu’il risquait d’introduire dans son esprit le ver ravageur de la désillusion alors il répondit :je les ai perdues. L’estime que Bouba avait pour Hector s’écroula et ils cessèrent peu à peu de se voir. Le soleil venait de modifier sa trajectoire. Il irisait maintenant sur la rose rouge qui ornait le lustre du studio. Il devait être seize heures. L’habitude. La paresse. L’esprit d’Hector était ailleurs, accompagné de la petite phrase de Gina : « Au moins, maintenant, vous pourrez vous écrire. »
 
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