Shmuel a 25 ans, il est hypersensible et idéaliste, en outre « corpulent, barbu, timide, émotif, socialiste, asthmatique, cyclothymique, les épaules massives, un cou de taureau, des doigts courts et boudinés : on aurait dit qu'il leur manquait une phalange ». Plaqué par sa petite amie et sans un sou en poche, il vient de décider de planter là ses études, le mémoire qu'il a entrepris sur « Jésus dans la tradition juive », pour occuper le poste d'homme de compagnie, logé, nourri, blanchi, auprès d'un vieil intellectuel invalide. Lui, c'est Gershom Wald, un grand vieillard laid, physiquement diminué mais inlassable dissertateur, érudit, sceptique, caustique. Avec lui cohabite Atalia Abravanel, la femme qui complète le trio. Autour duquel le romancier convoque aussi, au gré des pages et de l'évolution de son intrigue, nombre de fantômes : celui d'un fils disparu, d'un époux mort, d'un père renié. Et surtout, celui de Judas Iscariote, l'apôtre qui, par un baiser, livra Jésus à ses bourreaux — l'incarnation même du traître selon la tradition chrétienne qui fit de son geste son principal argument antisémite.
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