Hubert KrainsLa Cité mercantileLa Société nouvelle, année 5, tome 2, 1889À EUGÈNE DEMOLDER.Les maisons se succédaient, uniformes, le long des rues. Si elles différaient enproportions, nulle cependant ne s’enjolivait d’aucun ornement d’architecture, maisles plus cossues avaient des portes sciées dans le meilleur chêne, des serruresouvragées par les artisans les plus experts ; de fins rideaux de mousseline aumilieu desquels on avait brodé des lions debout sur une patte, tirant la langue,projetant la queue, rectifiaient l’éblouissante lumière des après-midi d’été ; delourdes draperies caressaient de leurs franges soyeuses les personnes quipénétraient dans les salons ; de monumentales pendules en marbre, en biscuit, encuivre repoussé, se carraient sur les cheminées entre deux candélabres dont lesbougies se garrottaient de bobèches ; les portraits des chefs de famille — laplupart agrémentés d’une décoration — s’étalaient aux murs, glorieusement, dansdes cadres dorés qu’un voile de gaze abritait des mouches ; et l’hiver, despaillassons et des bourrelets, fermant toutes les issues, protégeaient les genscontre les morsures du froid.Les étalages regorgeaient de marchandises. Chez les épiciers, parmil’entassement des denrées ordinaires, des boîtes en fer blanc, rondes,hermétiquement closes, bombaient des étiquettes où l’on apercevait sous unpalmier, à côté d’une signature terminée par un paraphe bizarrement tortillé, unnègre, le torse et les jambes nus, ...
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