Anton TchekhovSalle 6Le MalheurLa nuit, on avait conduit en prison le directeur de la banque locale, PiotreSémiônovitch, le comptable, son aide et deux membres du Conseild’administration. Le lendemain de l’alerte, le marchand Avdiéiév, membre duComité de surveillance, causait avec des amis dans sa boutique :– Ainsi Dieu l’a voulu ! disait-il. On n’échappe pas au destin… Aujourd’hui nousdégustons tranquillement du caviar, et demain la prison, la besace ou même la[1]mort ; tout arrive. Ne prenons que l’exemple de Piotre Sémiônytch .Il discourait, ayant bu, les yeux à demi fermés, et ses amis, bribotant du caviar,l’écoutaient. Décrivant l’opprobre et l’abandon de Piotre Sémiônytch qui, la veilleencore, était puissant et honoré de tous, Avdiéiév poursuivit en soupirant :– Il est demandé compte au chat des larmes des souris ; il faut qu’il leur en arriveautant, les filous ! Ils savaient voler, les coquins ; maintenant qu’ils répondent.– Prends garde de ne pas attraper toi aussi quelque chose, Ivan Danîlytch, observaun de ses amis.– Moi ! Pourquoi ?– Parce que… Ils ont volé, mais le Comité de surveillance, que faisait-il ? Tu assigné des comptes de gestion ?– Ah ! que c’est facile ! dit en souriant Avdiéiév. Oui, j’en ai signé. On m’apportaitles comptes dans ma boutique et je signais. Est-ce que je comprends ? Donne-moice que tu voudras, je paraphe. Écris que j’ai coupé le cou à quelqu’un et je signe ; jen’ai pas le temps de démêler. Et puis, sans ...
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