LE POIDS DU SAVOIR

icon

22

pages

icon

Français

icon

Documents

2013

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres

icon

22

pages

icon

Français

icon

Documents

2013

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres

1 Le poids du savoir « Attention, Antoine, restez concentré, c’est l’heure de la dernière question, et dans la configuration actuelle du score, cette question peut encore tout changer. Antoine, vous êtes un candidat brillant, vous menez ce match de main de maître, mais Jean-Laurent n’est jamais loin derrière vous. Toujours 2-3 petits points, maximum 10, mais jamais plus. Antoine, comment vous sentez-vous ? » « Zen…… décontracté…. C’est vrai que l’enjeu est important, mais ce n’est qu’un jeu, il faut le prendre comme tel… et puis, la bataille est rude, parce que Jean-Laurent est fort, très fort…. » « Très fort en effet. Jean-Laurent, vous êtes prêt ? » « Oui, bien sur. Mais de toute façon, si ça ne passe pas, je partirai tout de même très fier, parce qu’Antoine est un vrai champion. » « Très bien, comme vous pouvez le voir, nos deux finalistes sont très fair play, et prêts à en découdre, dans cette dernière question qui je vous le rappelle est décisive, puisque si Jean- Laurent répond le premier, en moins de trois secondes et qu’il donne la bonne réponse, c’est lui qui gagnera ce grand match trimestriel qui comme vous le savez, couronne quatre fois par an LE champion par excellence. Messieurs, êtes-vous prêts ? » Marie-Christine L’Heureux, Lettre d’adieu et autres nouvelles, le poids du savoir 2 Les deux candidats, chacun face à sa caméra, hochent la tête.
Voir icon arrow

Publié le

12 octobre 2013

Nombre de lectures

163

Licence :

Tous droits réservés

Langue

Français

 
 
Le poids du savoir 
1
  « de la heure concentré, c’ est l’Attention, Antoine, restez dernière question, et dans la configuration actuelle du score, cette question peut encore tout changer. Antoine, vous êtes un candidat brillant, vous menez ce match de main de maître, mais Jean- jamais loin derrière estLaurent n’ vous. Toujours 2-3 petits points, maximum 10, mais jamais plus. Antoine, comment vous sentez-vous ? » « . C’ estZen… … décontracté… est important, vrai que l’ enjeu mais ce n’ est qu’ un jeu, il faut le prendre comme tel… et puis, la bataille est rude, parce que Jean-Laurent est fort, fort… très .» « Très fort en effet. Jean-Laurent, vous êtes prêt ? » « Oui, bien sur. Mais de toute façon, si ça ne passe pas, je partirai tout de même très fier, parce qu’ Antoine est un vrai champion. » Très bien, comme vous pouvez le voir, nos deux finalistes sont « trèsfair play, et prêts à en découdre, dans cette dernière question qui je vous le rappelle est décisive, puisque si Jean-Laurent répond le premier, en moins detrois secondes et qu’ il donne la bonne réponse, c’ est lui qui gagnera ce grand match trimestriel qui comme vous le savez, couronne quatre fois par an LE champion par excellence. Messieurs, êtes-vous prêts ? »
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
2
Les deux candidats, chacun face à sa caméra, hochent la tête. Le présentateur, face caméra lui aussi, saisit un carton aux couleurs de l’ émission et fait mine de se concentrer. A l’ écran, divisé en trois cases, on peut voir, de part et d’ autre du présentateur, les deux candidats, tête légèrement baissée, regard dans le vague, écoutant l’ introduction à la dernière question de cette finale trimestrielle. Le présentateur pose sa question, détachant bien tous les mots, mais l’ énonçant, comme à son habitude, avec un débit rapide. Les deux candidats sont tendus. Dans sa cuisine, la mère de famille a tendu l’ oreille. Elle ne peut pas faire autrement, la télévision hurle dans le séjour. C’ est la seule façon qu’ elle ait de suivre le jeu tout en faisant à manger. Cette émission, c’ est SON émission. La seule qu’ elle puisse regarder, ou plutôt, écouter tranquillement, tout en préparant le repas. Cela la surprend un peu, d’ ailleurs, qu’ on la laisse écouter ce programme. La culture, ce n’ est pas vraiment le principal centre d’ intérêt de sa petite nichée. Sa fille préfère les séries adolescentes et larmoyantes, son fils n’ aime que les émissions musicales, quant à son mari, il ne jure que par le foot et le rugby et son sport favori est d’ invectiver l’ arbitre tout au long des matchs. Alors quand, quelques semaines plus tôt, la tribu a cessé de râler au moment de SON émission, elle a d’ abord pensé à une erreur, à de l’ indifférence, puis elle s’ est mise à espérer qu’ elle aurait elle aussi des droits sur le poste de télévision. Et puis elle a décidé de ne plus se poser de question. Au moment où le présentateur pose sa question, le cerveau de la mère de famille se met en route. Elle a déjà répondu juste à 6 des 8 questions posées, et quatre fois, elle l’ a fait plus vite que les deux candidats. Alors là, rien que pour sa satisfaction personnelle, elle se concentre pour répondre au plus vite. Et une
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
3
fois de plus, elle répond un instant avant le challenger, et aussitôt, elle marque un arrêt. « Mais non! C’ est pas ça ! Tu t’ es trompé! »  Le mari, dans le séjour, l’ interroge: « Quoi, qu’ est-ce qu’ il y a maman, tu t’ es trompée? » « Non, pas moi, lui ! Il a confondu. » Au même moment, après un très court instant de flottement, le présentateur a repris la parole et a émis des doutes, lui aussi, sur la réponse du challenger. Silence à dans la salle à manger, silence enl’ écran, silence cuisine, ambiance de plomb durant quelques secondes, puis le couperet tombe. Ah là là ! Jean-Laurent qu’ est! Mais-ce-qui s’ est passé? Cette « victoire, elle était là, à portée de main, et puis paf! C’est la chute, c’ est incroyable!!Antoine, vous l’ aviez, cette réponse, vous ? » Antoine répond, calmement, la même chose que la mère de famille quelques secondes plus tôt, et le présentateur exulte. « Mais oui ! Bien sur était ça! C’!   Et bien voilà, Antoine, vous êtes notre nouveau champion. Devant la France entière, vous venez de remporter… … … …!!!!!! » Roulement de tambour… « La balance !!!!! » Un morceau de décors se déplace et une balance géante s’ avance sur le plateau. Le présentateur accompagne lecandidat gagnant jusqu’ à elle. 
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
4
« Prenez place sur le siègeEt maintenant, Antoine, c’ est à vous. de notre balance géante, et observons ensemble le compteur qui va nous indiquer la somme que notre candidat a gagné ce soir. Je rappelle à nos téléspectateurs que ce compteur va indiquer la somme en euros qui correspond au poids de Laurent en pièces de 2€, qui pèsent chacune 8, 5 grammes. Et le compteur nous dit… …!!!!! » Nouveau roulement de tambour. Le mari grogne : « Il est gros comme un haricot vert, ça va rien lui rapporter.. »  Et la somme s’ affiche : 8800€. Le présentateur est toujours aussi jovial et bavard. Il inonde le gagnant de questions et de commentaires, pendant que le générique commence à défiler. Le mari appelle la mère de famille : « Tu sais, mam as T’an, t’ aurais pu la gagner, cette finale. répondu juste à sept questions sur neuf, et t’ as été plus vite qu’ eux. Faut que t’ écrives pour y aller! » La mère ne répond pas, mais comme pour faire écho à la remarque de son mari, une annonce passe sur l’ écran. Le présentateur déclare ouvertes les inscriptions pour la super émission de Noël, où le prix sera doublé. Le gagnant remportera donc l’ équivalent du double de son poids en pièces de 2€. Le père réagit immédiatement. Il apostrophe sa fille, qui sort de sa chambre. « Va chercher la balance ! » Puis il se tourne vers sa femme. « Viens là ! »
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
5
La fille revient avec le pèse-personne. « Monte là-dessus ! » Il pousse presque sa femme sur le plateau de la balance familiale. D’ un air dubitatif, il observe l’ aiguille qui s’ immobilise sur 65kg. « Seulement nul est c’! Mais Ça fait quoi, !! Ça rapporte rien hein ? Combien ? » La mère, qui a calculé malgré elle, lui répond d’ emblée. « Dans les 7600. » « 7600 ! Oh là ! Va falloir arranger ça, ça va pas du tout ! » L’ horloge sonne 19 heures. « Bon, allez, à table mange d’ abord,! On on voit ça après. et» La mère retourne à sa cuisine et revient avec les couverts, puis les assiettes et les verres, et enfin avec la casserole. La famille se met à table, mais le père n’ attend pas la fin du repas pour organiser les choses. L’ idée, il l’ a depuis plusieurs semaines, il en a déjà fait part à ses enfants, et très vite, la mère de famille comprend pourquoi cela fait un moment qu’ on la laisse regarder son jeu à la télévision. La afinale de ce soir n’ été que la confirmation que le père attendait. Avant le dessert, tout est mis au point. Les enfants et lui-même participeront très activement au ménage et à la vie de la maison, ce qui laissera du temps à la mère pour lire et apprendre un maximum sur tous les thèmes possibles. Plus question que la mère fasse le moindre exercice, elle ne doit pas perdre un gramme, au contraire, elle doit même prendre le plus de poids possible.
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
6
Un maximum de bonnes réponses en un minimum de temps, et un maximum de poids pour gagner un maximum d’ argent, voilà la stratégie. Le père est très fier de son idée, les enfants râlent un peu à la pensée que leur tranquillité sera bousculée quelques temps, et la mère semble abasourdie. Elle sent le piège se refermer sur elle. Elle n’ a pas gagné le droit de regarder SON émission, ellea le devoir d’ y participer et d’ y gagner la finale, et le gros lot. Elle qui considérait ses lectures et ses connaissances comme sa seule liberté, indispensable à l’ équilibre de sa vie de femme-mère-au-foyer-bonne-à-tout-faire, se retrouve prisonnière de sa seule richesse. La voilà contrainte, une fois de plus, de faire au mieux pour contenter sa nichée. Elle l’ a toujours fait: renoncer à travailler à la bibliothèque pour s’ occuper de la maison, renoncer à son club pour accompagner les enfants à leurs activités, s’ enfermer tous les jours dans cet appartement pour répondre à tous leurs besoins et leurs exigences… Mais elle ne se sent pas capable de leur dire non, alors elle se plie à leur projet… .  L’ entrainement intensif commence dès le lendemain. En premier lieu, petit déjeuner au lit en regardant la chaine info. A cette occasion, la télévision de la chambre des parents a été réquisitionnée exclusivement pour les révisions de la mère. Le père devra rester dans le salon pour regarder ses émissions préférées. Ça ne le réjouit pas plus que ça, mais il se dit que ce n’ est que transitoire, et que c’ est pour la bonne cause. Ensuite, matinée d’ entrainement avec des jeux de société. Tous les jours, les enfants sélectionnent une centaine de fiches de ces jeux, que Interrogationla mère doit apprendre par cœur. orale tous les soirs.
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
7
Le père se charge des courses. C’ est la première fois de sa vie que ça lui arrive. Avant que ce ne soit sa femme qui les fasse, c’ était sa mère. Il n’ a jamais mis les pieds dans un supermarché. Les enfants, eux, malgré leurs protestations, préparent les repas et gèrent le ménage et les lessives en rentrant de leurs cours. La mère, quant à elle, est autorisée à sortir du domicile deux fois une demi-heure dans la journée, mais sans faire le moindre effort, juste pour prendre l’ air.  Deux jours après le début de l’ entrainement, la mère est inscrite pour les sélections et une semaine plus tard, elle reçoit sa convocation. Le père établit alors un programme plus draconien, sous forme de compte à rebours, pour faire prendre un maximum de poids à sa femme. Objectif : le quintal, au minimum. Cet aspect-là du programme avait un temps échappé à la mère de famille. Elle a pensé naïvement qu’ elle serait juste dispensée de corvées et d’ exercices, mais après trois pesées, une chaque soir, au retour de son mari, sous le contrôle attentif de ses enfants, le père a estimé que ça ne suffirait pas. Il a donc été décidé, en assemblée extraordinaire du conseil de famille, que la mère serait mise au régime grossissant. En plus de la contrainte des fiches quotidiennes à apprendre, elle a donc une certaine quantité de nourriture à ingérer, avec contrôle de poids matin et soir, pour être sûr que la championne familiale ne se soustraie pas à ses obligations.    
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
8
Les jours défilent lentement, se succèdent, tous identiques, ponctués par les pesées, les repas pantagruéliques et les monceaux de fiches à apprendre. Le fils s’ est découvert un soudain intérêt pour la culture générale, et s’ est mis à faire des recherches approfondies sur internet. Il a visionné les émissions des six derniers mois et regardé également ce que les chaines concurrentes posaient comme questions, et il a ajouté ces listes interminables d’ interrogations aux devoirs de sa mère. C’ est lui qui se charge de calculer son score et de chronométrer sa vitesse de réponse. La règle est simple. Le candidat a vingt secondes pour répondre à chaque question. Plus il répond rapidement, plus il économise de secondes. S’ il répond le premier mais que sa réponse est fausse, ses points vont à son adversaire. Au final, le candidat qui a économisé le plus de seconde a gagné. La mère doit donc être à la fois très cultivée et très rapide. Le fils s’ est également découvert une passion pour les statistiques. Il a ainsi mis les résultats quotidiens de sa mère sous forme de tableau évolutif qu’ il a affiché dans le salon et qu’ il commente tous les soirs devant toute la famille. A mesure que l’ échéance se rapproche, les pressions de la tribu se font de plus en plus importantes, et les contrôles de plus en plus fréquents. Même la fille, que les sujets des questions dépassent complètement, s’ est remise à la lecture à sa façon. C’ est elle qui fait réviser sa mère, au moins une heure tous les soirs, avant le retour du père. Le patriarch domaine,e, son atteindre le est c’ Pour la pesée. quintal, il a fixé une courbe de prise de poids à sa femme. Mais comme elle semble ne pas prendre autant que prévu, il réajuste régulièrement les quantités qu’ elle doit avaler, et lui «prescrit » des aliments de plus en plus caloriques.
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
9
La mère n’ en peut plus des deux pizzas surchargées quotidiennes, des boissons hyper sucrées et pétillantes, des sucres lents, des aliments protéinés normalement destinés aux personnes âgées sous-alimentées que son mari à trouvés en pharmacie, prétendant qu’ il les prenait pour sa vieille mère qui ne mangeait plus beaucoup et dépérissait. Elle se sent fatiguée, physiquement et intellectuellement, prisonnière d’ une situation qu’ elle ne maitrise absolument pas. Elle étouffe dansce corps qui prend de l’ ampleurdans cette chambre qui était sonet havre de paix et de repos et qui s’ est transformé en lieu de torture. Elle ne rentre plus dans ses vêtements préférés, devenus trop petits, et comme elle ne peut plus sortir seule, de peur qu’ elle ne brûle trop de calories, pas question d’ aller s’ en acheter d’ autres. D’ ailleurs, finalement, à quoi bon. Elle a adopté une tenue de son mari, jogging et T- qushirt large, met pour elle sortir, une fois par jour, entre 18h et 18h30, sous la surveillance d’ un de ses enfants. Le reste du temps, elle traine dans la maison en peignoir (encore un vêtement de son mari) et en chemise de nuit extra large, achetée sur Internet par son fils, avec la mention « objectif à atteindre autres d’ En» . la termes, famille considère qu’ elle aura réussi sa cure quand elle remplira en entier cette espèce de sac en tissus destiné à abriter le sommeil paisible des miss XXXXXL.  Pour être sûr qu’ elle ne sorte pas, le conseil de famille a récemment décidé de l’ enfermer dans la maison et de lui retirer ses clés. Elle avait été surprise, quelques temps plus tôt, à descendre les trois étages à pieds et à les remonter ( !) pour aller chercher le courrier. Maintenant, c’ est le père qui le remonte le soir, en rentrant du travail.
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
10
Et justement, en pensant à son travail, le père se dit que si sa femme remporte comme il l’ a prévu le grand prix trimestriel, il pourrait ensuite l’ inscrire à d’ autres émissions basées elles aussi sur les connaissances. Il pourrait alors devenir son coach, ce qui lui permettrait de ne plus travailler qu’ à mi-temps. Une candidate multi-victorieuse, ça doit pouvoir négocier des contrats pour de la publicité, ou des invitations sur des plateaux d’ émissions populaires. Le père s’ évade dans ses rêveries, pendant que sa femme continue son entraînement olympique. Deux semaines avant le début des éliminatoires, la mère n’ en peut plus. Elle a l’ impression qu’ elle va exploser, tant elle mange des quantités de plus en plus importantes, aux repas et hors des repas. Elle se rend compte que c’ est devenu pour elle un moyen de faire face au stress qui lui est infligé. Elle grignote d’ elle-même, plus besoin de l’ y pousser. En fait, elle s’ est aperçue qu’ à chaque fois qu’ elle a une fiche ou un livre dans une main, dans l’ autre, elle a quelque chose qui se mange. Cette idée l’ affole soudain, et elle décide d’ essayer de se défaire de ce tic, mais ça lui est devenu impossible. Elle ne se sent bien que quand elle mange. Cela la calme immédiatement, et lui permet de mieux mémorisertout ce qu’ elle doit apprendre. Elle a désormais pris une sorte de vitesse de croisière, et prend environ une taille en une semaine et demie. Partie d’ un petit 40 (elle est grande, la mère, plus que son mari, et son fils de 16 ans peine à la rattraper), elle a atteint victorieusement le 54. Son mari dit que ça lui donne de la prestance. Les enfants la comparent à la statue qui est sur la place à côté de la maison. La mère, elle, se trouve déformée, énorme, débordante, mais ne peut s’ empêcher de se visualiser avec encore une taille de plus. Plus que quinze jours d’ entrainement, des kilos et une taille supplémentaires, et après, stop !
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
 
11
Pour préparer cet après, elle ressort les albums photos. Elle s’ y voit durant les dernières vacances d’ été, en maillot de bain, fine, assise devant le mobil-home que la famille loue tous les ans, en train d’ éplucher des légumes. Elle y voit aussi son marijouant aux boulles avec les amis que l’ on retrouve tous les étés au camping, les enfants faisant du vélo ou sortant de la piscine, le titre de Miss arraché deux années de suite par la fille, et celui de champion de gobeur de flans du fils, obtenu il y a deux ans mais malheureusement perdu cette année. On la voit peu, la mère, sur les photos. Pas seulement celles des vacances d’ ailleurs. Toutes. Celles des anniversaires aussi, et puis celles de Noël et du jour de l’ an. En tournant les pages, elle en retrouve une prise il y a deux ans. On l’ y voit en train de finir de garnir la buche. Elle est penchée sur la table, très concentrée sur ce qu’ elle fait, le tablier multicolore qu’ elle vient de recevoir, fièrement noué autour de sa taille. L’ an dernier, c’ est un nouveau batteur électrique qu’ elle a eu. Et cette année, que recevra-t-elle? Avec l’ argent qu’ elle va leur faire gagner, elle espère pouvoir s’ offrir un joli collier. Pas quelque chose de trop gros ni de cher, juste une chaine fine et un joli pendentif. enCela fait des années qu’ elle rêve.  A l’ approche du jour J, la mère panique. Toute cette pression sur ses épaules la pousse à demander une trêve. Elle a vu à la télé que même les grands champions, les veilles de compétition, se changeaient les idées, et elle veut en faire autant. Le conseil de famille délibère. Le père et les enfants ne sont pas sûrs de pouvoir lui accorder ce qu’ elle veut. Alors elle fait une chose impensable pour elle jusque là, elle leur fait du chantage. S’ ils ne lui accordent pas le  ellejour de pause qu’ elle demande,
Marie-Christine L’ Heureux,Lettre dadieu et autres nouvelles, le poids du savoir  
Voir icon more
Alternate Text