Le Rire rouge
(Fragments d’un manuscrit)
Leonid Andreïev
[1]Traduction du russe par C. Gauchine, parue dans La Revue (1905)
1904
Sommaire
1 PREMIÈRE PARTIE
1.1 PREMIER FRAGMENT.
1.2 FRAGMENT II.
1.3 FRAGMENT III.
1.4 FRAGMENT IV.
1.5 FRAGMENT V.
1.6 FRAGMENT VI.
1.7 FRAGMENT VII.
1.8 FRAGMENT VIII.
1.9 FRAGMENT IX.
2 DEUXIÈME PARTIE
2.1 FRAGMENT X.
2.2 FRAGMENT XI.
2.3 FRAGMENT XII.
2.4 DERNIER FRAGMENT
3 Note
PREMIÈRE PARTIE
PREMIER FRAGMENT.
… Folie et horreur.
Je sentis cela pour la première fois quand nous marchions sur la route de N... ; nous
marchâmes dix heures de suite, sans nous arrêter, sans ralentir notre marche, sans
ramasser les morts, en les laissant à l’ennemi qui nous suivait en masses
compactes et, au bout de trois, quatre heures, effaçait avec ses pieds nos traces. Il
faisait une chaleur torride J’ignore le nombre de degrés, quarante, cinquante ou
davantage, je sais seulement qu’elle était longue, désespérément égale,
accablante. Le soleil était énorme, incandescent, terrible, comme si la terre s’en fût
approchée et serait bientôt consumée par ce feu impitoyable. Les yeux se
refusaient à regarder. La prunelle, petite et rétrécie, petite comme un grain de
pavot, cherchait en vain de l’obscurité sous l’ombre des paupières baissées, le
soleil pénétrait l’enveloppe fine et envahissait le cerveau fatigué.
Mais, malgré tout, on était mieux comme ça, et longtemps, quelques heures peut-
être, je marchai les yeux fermés, en entendant la foule remuer, en ...
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