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Français
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2012
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Publié par
Publié le
03 mars 2012
Nombre de lectures
110
Licence :
Tous droits réservés
Langue
Français
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Français
A la recherche de Minnie
Auteur : Jean Paul Poirier
Éditions de la Corne d’Or
« Page » 14 CHAPITRE 1
Ce matin là René s’était levé de fort bonne heure, n’arrivant pas à dormir . En fait, il
s’était réveillé plusieurs fois durant la nuit obsédé par un problème qu’il n’arrivait pas à
solutionner .
Malgré son habileté à composer des mélodies et des chansonnettes de circonstance,
pour des fêtes familiales ou des anniversaires d’amis, il n’arrivait pas à trouver les
paroles appropriées d’une musique qui lui était venue à l’esprit destinée à constituer la
pièce maîtresse d’une soirée cabaret qu’il devait animer pour le Lions Club de Saint
Germain en Laye dont il était un membre éminent.
Or cette soirée cabaret étant programmée pour la fin de la semaine suivante, il lui
fallait impérativement terminer rapidement sa composition au risque de décevoir ses
amis du Lions Club et de passer auprès d’eux pour un homme peu respectueux de ses
engagements.
En outre il devait disposer d’un temps suffisant pour pouvoir la répéter avec « son »
pianiste, membre également du même Lions Club et par ailleurs joueur de banjo à
l’Orphéon de Saint Germain en Laye, célèbre formation musicale philharmonique et
thérapeutique dont René était à la fois le Président et le Chef d’orchestre.
Ayant déjà écrit les jours précédents un premier brouillon de cette chanson, il avait
fixé rendez-vous chez lui le matin même à ce pianiste pour lui présenter son œuvre et
lui permettre d’en adapter éventuellement l’orchestration s’il la trouvait trop difficile à
interpréter avec son piano. Il en profiterait donc pour terminer avec lui sa nouvelle
création musicale.
Or ce fichu pianiste n’arrivait pas et René en maugréait d’impatience assis devant son
imposant bureau situé au rez-de-chaussée de sa confortable demeure , guettant du coin
de l’œil son arrivée à travers la fenêtre , pressé d’en finir avec cette chanson qui le
préoccupait.
Mais , où avait-il rangé le brouillon de ses paroles ? Ne l’avait-il pas laissé la veille sur
le dessus de son large bureau juste devant ses yeux ? Ne l’y trouvant pas, il se mit à le
rechercher dans le tiroir du meuble en fouillant parmi les monceaux de documents
d’importances diverses qu’il avait l’habitude d’y stocker en attendant de les mettre
finalement à la poubelle six mois plus tard .
Au fur et à mesure qu’il cherchait en vain parmi ce fatras de papiers , il rouspétait
contre lui-même et un peu contre Claude, son attentionnée épouse, qu’il suspectait
d’avoir voulu mettre un peu d’ordre dans ses affaires en ayant passé le matin même
l’aspirateur dans la pièce. Pourvu qu’elle n’ait pas jeté , par mégarde , son précieux
gribouillis !
« Page » 14 C’est alors que le tiroir sortit brusquement de ses glissières et dégringola par terre en
faisant choir la totalité de son contenu ! « Sanbleudieu ! » jura René , en constatant l’étendue
du désordre envahissant le tapis de la pièce . « Non seulement je ne retrouve pas mon
brouillon , mais il me faut maintenant trier et ranger tout ce bazar ! »
Se baissant pour s’atteler à ce fastidieux travail , René remarqua que dans la niche abritant
le tiroir se trouvaient encore des papiers . Il s’agissait en fait d’un seul et même dossier , à
demi chiffonné , qui avait dû un jour se coincer dans l’espace réduit existant entre le tiroir
en position fermée et la planche de bois constituant le devant du meuble .
René l’attrapa d’une main , le posa sur le plateau de son bureau , et voulut mettre les
documents qu’il contenait bien à plat pour les défroisser . Il fit alors une étrange
découverte : ces papiers ne lui appartenaient pas ! Il les voyait pour la première fois . Il ne
se souvenait absolument pas les avoir déjà tenus entre ses mains . Qui , diantre ! , avait bien
pu les placer derrière ce tiroir ? Était-il possible qu’ils soient restés cachés là depuis une
éternité , avant même qu’il n’ait hérité de ce mobilier qui ornait son cabinet médical depuis au
moins une bonne trentaine d’années ?
Il faut reconnaître que la « découverte » de René était singulière : dans une vieille chemise
jaunie par le temps étaient rangés pêle-mêle :
- un faire part de mariage de Mrs Minnie Bertha BREE
avec Mr Kendall Kingdon KAY , à New York City , le Samedi 2 juillet 1921 .
- un « Certificat de Capacité pour la Conduite des
Automobiles » délivré le 15 mai 1925 par l’administrateur chef de la province de Tamatave à
Mme KAY Minnie Bertha née le 23 octobre 1889 à San Francisco ( U.S.A.) domiciliée à
Tamatave, et comportant la photographie d’identité d’une jeune femme gracieuse portant un
élégant chapeau .
- une ancienne photographie en noir et blanc d’une mine
de graphite à ciel ouvert avec d’imposants gradins sur lesquels des travailleurs indigènes
étaient tournés de face , les bras ballants . Au verso de celle-ci était écrit d‘une encre bleue
à moitié estompée le texte suivant : « Belonged to me . Sold by Kendall . Money lo. be
réinvested in our big plantations . M. B. Kay »
- un « Certificat d’Immatriculation et de Situation
Juridique » émanant de la Direction des Domaines de Tamatave daté du 28 septembre 1944
attestant que la propriété d’Ambodimanga XVII appartenait depuis le 7 janvier 1926 à Mr
Kendall Kingdon KAY et Mme LIEBEART Berthe , son épouse en troisième noces .
- l’enveloppe d’une lettre expédiée de Wickingham le 22
décembre 1957 et adressée à Madame BREE-KAY , 25 rue de Bourgogne , Paris VIIè .
Qui était cette Minnie KAY dont la photographie sur le permis de conduire laissait présumer
qu’elle avait dû être très belle ? Quelle vie singulière avait-elle vécue ?
Ces deux questions laissèrent René particulièrement songeur .
« Page » 14 En lisant et relisant ces vieux papiers retrouvés par le plus grand des hasards dans son
bureau , René tentait de s’imaginer Minnie KAY :
Elle était née en 1889 à San Francisco ( U.S.A.) . S’agissait-il réellement d’une américaine ,
ou plutôt d’une fille d’émigrés d’origine allemande comme semblait le présumer son deuxième
prénom « Bertha » ? Cependant son nom de jeune fille « BREE » était incontestablement
anglais , à moins qu’il ne s’agisse d’un patronyme adopté par ses parents lors de leur arrivée
en Amérique .
Elle avait épousé Kendall KAY à l’âge de trente deux ans . Or à l’époque les jeunes filles se
mariaient beaucoup plus tôt . Qu’avait-elle vécu avant de se marier ? Avait-elle exercé une
quelconque profession ? Des obligations familiales l’avaient-elle contrainte à demeurer avec
les siens , ou bien avait-elle connu une vie indépendante de célibataire avec son lot
d’aventures sentimentales ?
Son époux lui-même devait en être à son deuxième mariage , puisque sur le titre de
propriété provenant de Tamatave il était précisé que cette dernière avait été par lui acquise
en 1926 avec sa « troisième épouse » Berthe LIEBEART .
Ce détail surprit René : Minnie s’était mariée en 1921 avec Kendall , mais celui-ci en 1926
avait une troisième épouse différente d’elle . Avait-il divorcé de Minnie moins de cinq ans
après leur mariage ? Minnie , vivant à Paris en 1957 , se faisait appeler Madame BREE-KAY ;
elle ne s’était donc pas remariée , puisqu’elle avait conservé , après son divorce , l’usage du
nom de son mari .
Elle avait possédé une mine de graphite , que son mari avait revendue en réinvestissant
l’argent dans une grande plantation . Était-elle riche avant son mariage ?
Née en Californie , elle s’était mariée dans l’état de New York distant de plus de mille
kilomètres , puis avait séjourné &