Le Souffle des révolutionsArmand Silvestre(Histoires belles et honnestes)1883ILe nom du faubourg Saint-Cyprien, à Toulouse, est surtout connu par la terriblelégende des dernières inondations. Légende ? Non. Mais histoire. On montreencore les murs de l’hospice submergé la marque rouge des étiages atteints par lefleuve révolté. Mais on oublie vite dans les pays où le soleil verse son Léthé éternelde joie et de lumière. Aux masures effondrées ont fait place de belles maisons auxbalcons fleuris, et ce cataclysme effroyable semble avoir passé, comme unbaptême, sur le fond quartier embelli, ou comme ces inondations fécondes du Nilqui laissent la richesse au fond de leurs ravages apparents. La population ouvrièrea grandi, et c’est miracle de voir, aux heures où les ateliers se rouvrent ou seferment, les belles filles au type latin, brunes avec des yeux profonds et noirs,prendre, pieds nus, une chanson ou une rose aux lèvres, le chemin desmanufactures dont les cloches en branle jettent leur appel dans le crépuscule. Acôté de cet élément prolétaire, le plus dense et le plus bruyant, Saint-Cyprienpossède un monde de petits rentiers qui y font une demi-villégiature dans descottages minuscules aux jardins soigneusement cultivés. Ces bonnes gens, qui nese hasardent jamais jusqu’au carrefour pittoresque où la Reine des Bohémiens auxcheveux crépus règne encore sur un peuple déguenillé d’étameurs et de coupeursde chats, affectionnent la belle promenade ombreuse qui ...
Voir