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P I ERRE LO T I
MA T ELO T
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
MA T ELO T
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1106-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
en ang e , — c’ est-à-dir e demi-nu, av e c une
fine p etite chemise et, aux ép aules, les deux ailes d’un pig e onU blanc. . . C’était au b e au soleil d’un mois de juin méridional,
dans l’ e xtrême Pr o v ence confinant à l’Italie . Il mar chait, à une pr o cession
de Fête-Dieu, en comp agnie de tr ois autr es en costume p ar eil.
Les tr ois autr es ang es étaient blonds et cheminaient les y eux
baissés, comme pr enant au sérieux tout cela. Lui, le p etit Je an, très br un au
contrair e et tout b ouclé , le plus joli de tous et le plus fort, dé visag e ait
comiquement ceux qui s’ag enouillaient sur sa r oute , p as r e cueilli du tout et
p ossé dé d’une visible envie de s’amuser . Il avait l’air vig our eux et sain,
des traits régulier s, un teint de fr uit doré , et des sour cils comme deux p
etites bandes de v elour s noir . Son r eg ard, candide et rieur , était r esté plus
enfantin, plus bébé encor e que ne le comp ortaient ses six ou sept ans, et
le bleu de ses y eux, grands ouv erts entr e de très longs cils, étonnait, av e c
ce minois de p etit Arab e .
1Matelot Chapitr e I
Ses p ar ents, — une mèr e v euv e , encor e en deuil mais déjà sans le long
v oile , et un b on vieux grand-pèr e en r e ding ote noir e , cravaté de blanc, —
suivaient d’un p eu loin dans la foule , le sourir e heur eux, fier s de v oir qu’il
était si g entil et d’ entendr e tout le monde le dir e .
Pas très fortunés, cee maman et ce grand-pèr e : ne p ossé dant guèr e
qu’une maisonnee en ville et un p etit bien de camp agne où il y avait
des orang er s et des champs de r oses ; app ar entés, du r este , dans tout ce
coin de France , av e c des g ens plus riches qu’ eux, qui étaient des pr
opriétair es ou des « p arfumeur s » et qui les dé daignaient un p eu. Ils étaient, ces
Ber ny , une très nombr euse famille du p ay s, non cr oisé e de sang
étrang er au moins depuis l’ép o que sar rasine , et leur ty p e pr o v ençal avait pu
se maintenir très pur . D epuis deux g énérations, ils faisaient p artie de la
b our g e oisie d’ Antib es. Par mi leur s ascendants, quelques « capitaines
marins » avaient cour u la grande av entur e du côté de Bourb on et des Indes ;
aussi des héré dités, inquiétantes p our les mèr es, se ré vélaient-elles p arfois
chez les g ar çons.
A p as lents et r eligieux, tout en suivant le p etit ang e br un aux ailes
de pig e on blanc, la mèr e v euv e song e ait b e aucoup , et une pré o ccup ation
déjà tr oublait sa joie de le r eg arder . Oh ! p our quoi l’imp ossibilité de ce
rê v e puéril et doux, — semblable à celui que font toutes les mèr es, — de
le conser v er tel qu’il était là : p etit enfant aux y eux limpides et à la tête
b ouclé e ! Oh ! p our quoi est-ce demain, est-ce tout de suite , l’av enir ? . . .
T ant de difficultés allaient se le v er bientôt, autour de ce p etit êtr e
indiscipliné et char mant, qui pr enait déjà des allur es d’homme malgré l’ e xtrême
enfantillag e de ses y eux, qui avait des insouciances dé concertantes et qui
s’é chapp ait quelquefois, qui s’ en allait on ne sait où courir jusqu’au soir .
Pour lui donner la même instr uction qu’à tous ses cousins plus riches que
lui, comment fair e ? Et s’il ne travaillait p as, après tous les sacrifices, que
de v enir ? Maintenant elle ne souriait plus et elle ne v o yait plus la pr o
cession blanche , ni le g ai soleil, ni la fugitiv e heur e présente ; elle se r epr enait
uniquement à cee p ensé e , un p eu étr oite p eut-êtr e , mais si mater nelle et
qui dominait sa vie : ar riv er à fair e de son p auv r e p etit Je an sans fortune
un homme qui fût au moins l’ég al des autr es g ar çons de cee dé daigneuse
famille des Ber ny . . .
2Matelot Chapitr e I
n
3CHAP I T RE I I
’ dizaine d’anné es, l’allur e pleine de hardiesse et
de vie , déjà pr esque un grand g ar çon, av e c toujour s le mêmeU enfantillag e et la même limpidité dans ses jolis y eux encadrés
de v elour s noir , mar chait délibérément sur la plag e d’ Antib es, suivi de
tr ois ou quatr e autr es p etits de son âg e , dont l’un avait été lui aussi, quatr e
ans aup aravant, un des ang es de la Fête-Dieu.
A v e c des air s empr essés et entendus, comme p our lui p orter se cour s,
ils allaient v er s une tartane é choué e , qui se tenait immobile et tout de
côté , au milieu des courtes p etites lames bleues mé diter rané ennes, tandis
que des pê cheur s, les jamb es dans l’ e au, demi-nus, s’agitaient alentour .
C’était un b e au dimanche de Pâques. Je an étr ennait ce jour-là son
pr emier costume d’homme et certain p etit chap e au de feutr e mar r on à
r uban de v elour s, qu’il p ortait très en ar rièr e , à la façon d’un matelot. Le
matin, dans cee même b elle tenue toute neuv e , il avait été entendr e la
grand’messe p ascale av e c sa mèr e , — et maintenant était ar rivé e l’heur e
4Matelot Chapitr e I I
si imp atiemment aendue de s’é chapp er et de courir . . .
. . . Le soir , p our dîner , il r entra en r etard, comme toujour s, après toute
sorte d’ e xp é ditions au vieux p ort et aux navir es. Il avait b e aucoup traîné
ses habits neufs, malgré les r e commandations suppliantes de sa mèr e , et
il p ortait son p etit feutr e mar r on tout de côté sur ses b oucles emmêlé es
et sur son fr ont en sueur . Il fut gr ondé un p eu, mais doucement comme
d’habitude .
Par ce que c’était soir de fête et qu’ on de vait sortir encor e après dîner ,
il se mit à table av e c son b e au costume . Il demanda même , p ar fantaisie ,
à r ester coiffé de ce g entil chap e au mar r on à lar g es b ords qui faisait sa
joie . Le vieux grand-pèr e , qui chaque dimanche dînait chez sa fille , était
là , lui aussi, p ortant toujour s la r e ding ote noir e et la cravate blanche qui
donnaient à sa quasi p auv r eté des dehor s tellement r esp e ctables. — Et le
crépuscule de printemps, limpide et r ose , é clairait leur table familiale , que
ser vait et desser vait, depuis des anné es, la même b onne app elé e Miee .
Malgré ses envies de courir , qui étaient assez continuelles, Je an les
aimait bien tous deux, la maman et le grand-pèr e ; dans son p etit cœur
primesautier , inég al, oublieux p ar instants, ils avaient une place un p eu
caché e , mais sûr e et pr ofonde . Et, en cet instant même , en cet instant
précis, malgré ses air s distraits et absents, malgré l’araction du dehor s qui
le tour mentait, une imag e nouv elle de chacun d’ eux se sup er p osait, en lui,
aux imag es anciennes, une imag e plus solide que toutes les pré cé dentes et
qui, dans l’av enir , serait plus chérie et plus r egr eé e . Et aussi, se gravaient
mieux les traits de cee p auv r e humble Miee , qui avait aidé à l’éle v er
et à le b er cer ; — et aussi tous les détails de cee maison, si pr o v ençale
d’asp e ct, d’ar rang ement et d