Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesSur nos comédies, exceptées celles de Molière, et sur la comédie espagnoleSUR NOS COMÉDIES ; EXCEPTÉ CELLES DE MOLIÈRE,OÙ L’ON TROUVE LE VRAI ESPRIT DE LA COMÉDIE :ET SUR LA COMÉDIE ESPAGNOLE.(1677.)Pour la comédie, qui doit être la représentation de la vie ordinaire, nous l’avonstournée tout à fait sur la galanterie, à l’exemple des Espagnols ; sans considérerque les anciens s’étoient attachés à représenter la vie humaine, selon la diversitédes humeurs ; et que les Espagnols, pour suivre leur propre génie, n’avoientdépeint que la seule vie de Madrid, dans leurs intrigues et leurs aventures.J’avoue que cette sorte d’ouvrage auroit pu avoir dans l’antiquité un air noble, et jene sais quoi de plus galant ; mais c’étoit plutôt le défaut de ces siècles-là, que lafaute des auteurs. Aujourd’hui, la plupart de nos poëtes savent aussi peu ce qui estdes mœurs, qu’on savoit en ces temps-là ce qui est de la galanterie. Vous diriezqu’il n’y a plus d’avares, de prodigues, d’humeurs douces et accommodées à lasociété, de naturels chagrins et austères. Comme si la nature étoit changée, et queles hommes se fussent défaits de ces divers sentiments, on les représente toussous un même caractère, dont je ne sais point la raison ; si ce n’est que les femmesaient trouvé, dans ce siècle-ci, qu’il ne doit plus y avoir au monde que des galants.Nous avouerons bien que les esprits de Madrid sont plus fertiles en invention queles nôtres ; ...
Voir