25
pages
Français
Documents
1993
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
25
pages
Français
Documents
1993
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe Tout savoir sur nos offres
Publié par
Publié le
01 janvier 1993
Nombre de lectures
19
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
Publié le
01 janvier 1993
Nombre de lectures
19
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Eric Triquet
Jean Davallon
Le public, enjeu stratégique entre scientifiques et concepteurs
In: Publics et Musées. N°3, 1993. pp. 67-90.
Citer ce document / Cite this document :
Triquet Eric, Davallon Jean. Le public, enjeu stratégique entre scientifiques et concepteurs. In: Publics et Musées. N°3, 1993.
pp. 67-90.
doi : 10.3406/pumus.1993.1024
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1164-5385_1993_num_3_1_1024Résumé
L'analyse d'entretiens entre scientifiques et concepteurs lors de la conception d'une exposition au
CCST de Grenoble conduit à relativiser le partage des rôles habituellement fait entre scientifiques
(apport des contenus) et concepteurs (approche du public). Du côté des scientifiques, l'incarnation du
public entre dans des stratégies de contrôle des contenus exposés - stratégies qui renvoient elles-
mêmes à des enjeux en rapport avec le fonctionnement de la communauté scientifique concernée.
L'intérêt de cette analyse est d'attirer l'attention sur l'importance de la gestion organisationnelle des
relations avec les scientifiques par les concepteurs, au-delà du traitement des contenus ou de la
connaissance du ou des publics.
Abstract
The analysis of discussions between scientists and conceptors, during the conception of an exhibition at
the Grenoble CCST, puts into perspective the usual sharing of the roles between scientists (providing
the contents) and conceptors (providing the public approach). The scientists have recourse to the public
for contents control stratégies, which are suggestive of objectives at stake in the functioning of their
scientific community. This analysis tries to highlight the importance of the conceptors 'organizational
management of the relationships with scientists, beyond the study ofthe contents or the knowledge of
the public (or publics).
Resumen
El analisis de los debates entre los cientificos, y los conceptores durante la concepciôn de una
exposiciôn en el Centro de Cultura Cientïfica y Técnica de Grenoble ha permitido relativizar la idea que
nos hacemos de la reparticiôn de los papeles entre los cientïficos (que se preocupan del contenido) y
los conceptores (que se preocupan del pûblico). Los utilizan el discurso sobre el pûblico en
su estrategia de control de los contenidos expuestos - estrategias relaciona- das con las
preocupaciones y el funcionamiento de la comunidad cientïfica implicada. Este anâlisis permite poner
de relieve la importancia de la organizaciôn de las relaciones entre los cientïficos y los conceptores.éric triquet
Jean Davallon
LE «PUBLIC»,
ENJEU STRATÉGIQUE
ENTRE SCIENTIFIQUES
ET CONCEPTEURS
L /'approche habituelle du
public pose celui-ci comme
une entité à connaître. Dès
les années trente, les mus
ées américains se sont pr
éoccupés de connaître la
composition de leur public,
de savoir ce que venaient
chercher les visiteurs et
quels étaient leurs intérêts.
On sait que ce type de
recherches s'est par la suite
développé, affiné et a
donné lieu à un nombre
considérable d'ouvrages et
publications consacrés aux
visiteurs (Samson, 1989;
Bitgood, 1989 ; Schiele
1992).
Aujourd'hui, du fait de l'insertion croissante des institutions cultu
relles dans la sphère marchande, ces études s'orientent vers une optique
marketing. Il s'agit alors, plus encore qu'auparavant, de s'informer sur les
caractéristiques et les attentes des visiteurs potentiels; d'analyser leurs
besoins et préférences; de partir de leurs préoccupations ou questions
(Tobelem, 1992).
Parallèlement, l'idée d'associer le public au processus d'élaboration
des produits qui lui sont destinés a fait son chemin. Le premier, Screven
introduit le concept d'« évaluation formative» dans le champ muséal, dési
gnant par là une évaluation intervenant en cours de réalisation des pro
duits (Screven, 1976). Le public est invité à se prêter à des tests portant
sur différents éléments ou paramètres : tests du storyline (Miles, 1988), de
prototypes (Guichard, 1990), de textes (Samson, 1992) - pour ne rappeler
que quelques-unes des recherches sur l'exposition parmi les plus
récentes.
Dans le présent article, le parti retenu rompt radicalement avec cette
approche. Il ne sera plus question cette fois du public sondé, cerné et
convoqué, encore moins de proposer quelque nouvelle manière de
67
Le «public», enjeu stratégique
publics & musées n°3 connaître le public,mais simplement de prendre acte de ce que le public
constitue une inconnue inhérente au processus de production d'une
exposition scientifique. Notre hypothèse est que cette inconnue va
comme telle représenter un enjeu que les différents acteurs de la product
ion vont essayer de contrôler.
Pour examiner cette hypothèse, nous proposons de traiter, dans les
pages qui suivent, d'un aspect particulier et limité de la production d'une
exposition de science, à savoir: des interactions - et plus largement de
leurs collaborations - entre concepteurs et scientifiques, en focalisant tout
particulièrement l'attention sur les seconds, dans la mesure où la commun
auté scientifique locale se trouvait investie de manière conséquente
dans l'exposition Le cerveau: Un continent nouveau, co-produite par le
CCST-Grenoble et PINSERM, réalisée par le CCST-Grenoble. Précisons
que les interactions dont il est question ici sont celles qui se sont déve
loppées au cours des entretiens entre les scientifiques spécialistes de la
recherche sur le cerveau et les deux concepteurs de l'exposition. Ces
entretiens avaient pour but de récolter le contenu scientifique qui allait
servir de matière première à la construction du message de l'exposition.
Nous allons chercher à montrer, à travers l'analyse de ces entretiens, com
ment il est possible de repérer les enjeux des scientifiques et les stratégies
qu'ils développent. Un des principaux objectifs poursuivis sera de faire
apparaître de quelle manière une analyse en terme de stratégies d'acteurs
peut permettre de formaliser de telles interactions, en vue d'en tirer des
enseignements en matière de conception des expositions scientifiques.
Pour ce faire, nous prendrons appui ici sur le modèle de l'analyse strat
égique proposé par Crozier et Friedberg (Crozier et Friedberg, 1981). Mais
auparavant, il convient de présenter rapidement le contexte de l'exposi
tion en question.
LA COMMUNICATION
SCIENTIFIQUE PUBLIQUE,
CONTEXTE NOUVEAU
POUR LA DIFFUSION
« EXOTÉRIQUE » DES
CONNAISSANCES
P JL ierre Fayard (1987) a très bien mis en évidence
comment le passage de la vulgarisation scientifique à la communication
scientifique publique s'accompagnait d'une réorientation de l'attitude du à l'égard des activités de diffusion des connaissances. Elle
est marquée principalement par un rapprochement du milieu de la
recherche avec les structures culturelles qui ont la charge de cette diffu
sion. Ainsi, la communication scientifique publique va-t-elle s'inscrire
dans un contexte particulier, source de nouveaux enjeux pour les cher
cheurs qui s'y impliquent.
Jusqu'à la fin des années soixante, la vulgarisation scientifique
demeure faiblement considérée par le milieu scientifique qui tient à s'en
LE « PUBLIC », ENJEU STRATÉGIQUE
PUBLICS & MUSÉES N démarquer. Les activités de vulgarisation sont pensées en dehors du
cadre de la recherche scientifique et se déroulent sans connexion avec les
institutions scientifiques (Fayard, 1987). Le scientifique qui vulgarise le
fait alors en son nom propre et sous sa responsabilité; il n'est pour ce
faire ni délégué, ni mandaté par l'institution scientifique (Boltanski,
Maldidier,1970) .
Avec les années quatre-vingt, du fait de l'accélération du développe
ment des techniques, des réseaux et moyens de communication, le
recours à la communication dans l'espace public devient une nécessité
grandissante pour les institutions, entreprises ou organisations les plus
diverses, y compris pour celles qui ont en charge la recherche scienti
fique (Fayard, 1987). Selon Fayard, cette évolution vient bouleverser les
pratiques limitées et discrètes de communication des scientifiques. Pour
preuve les opérations de communication scientifique publique destinées
à des non-spécialistes qui sont commandit