Lettre au président du Congrès de la paix, à
Francfort
Frédéric Bastiat
Paris, 17 août 1850
Monsieur le président,
Une maladie de larynx n’aurait pas suffi pour me retenir loin du congrès, d’autant
que mon rôle y serait plutôt d’écouter que de parler, si je ne subissais un traitement
qui m’oblige à rester à Paris. Veuillez exprimer mes regrets à vos collaborateurs.
Pénétré de ce qu’il y a de grand et de nouveau dans ce spectacle d’hommes de
toutes les races et de toutes les langues, accourus de tous les points du globe pour
travailler en commun au triomphe de la paix universelle, c’est avec zèle, c’est avec
enthousiasme que j’aurais joint mes efforts aux vôtres, en faveur d’une si sainte
cause.
À la vérité, la paix universelle est considérée, en beaucoup de lieux, comme une
chimère, et, par suite, le congrès comme un effort honorable mais sans portée. Ce
sentiment règne peut-être plus en France qu’ailleurs, parce que c’est le pays où l’on
est le plus fatigué d’utopies et où le ridicule est le plus redoutable.
Aussi, s’il m’eût été donné de parler au congrès, je me serais attaché à rectifier une
si fausse appréciation.
Sans doute, il a été un temps où un congrès de la paix n’aurait eu aucune chance
de succès. Quand les hommes se faisaient la guerre pour conquérir du butin, des
terres ou des esclaves, il eût été difficile de les arrêter par des considérations
morales ou économiques. Les religions mêmes y ont échoué.
Mais aujourd’hui deux circonstances ont tout à fait ...
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