Aristote par aubenque pierre

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ARISTOTE par AUBENQUE Pierre , professeur  à l'université de Paris­IV  Aristote n’est sans doute pas le philosophe le plus s éduisant de l’Antiquit é, celui auquel on se   reporte le plus volontiers quand on veut remonter aux sources de ce que les Grecs ont nomm é  la "  sagesse ". Mais nul n’a marqu é autant que lui la philosophie et la science des si ècles  suivants, peut­ être m ême – et cela jusqu’ à nos jours inclusivement – la civilisation qu’il est   convenu d’appeler "  occidentale ". Son principal titre de gloire a  été de fonder la  logique ,  c’est­à­dire cet ensemble de r ègles contraignantes qui permettent de faire du discours ( logos )  l’usage le plus coh érent et, par l à, le plus efficace. Plus pr éoccupé que Platon de d éfinir et   d’administrer le langage, il a su en faire l’instrument ( organon ) d’une pens ée capable de se   dominer elle­m ême et, par l à, d’imposer sa loi  à la nature. Penseur encyclop édique, il a su  à la   fois reconna ître la sp écificité des diff érents savoirs, au progr ès desquels il a lui­m ême  contribué, et l’unit é proprement humaine du discours qu’ils mettent en œuvre. Esprit   organisateur et classificateur, il a  énoncé les  catégories  qui structurent le langage et la pens ée  de l’homme. On pourra estimer, au cours des si ècles, que le syst ème aristot élicien, devenu au Moyen  Âge  l’armature de toutes les scolastiques chr étiennes et musulmanes, a fig é le progr ès de la   pensée. Mais il reste que ce syst ème, en d épit de ses imperfections, a  été le mod èle de toute   systématisation future. Et l’on n’a pas assez remarqu é que, dans un domaine essentiel et   souvent mal compris de sa philosophie, la  métaphysique , Aristote a lui­m ême d émontré  l’impossibilité derni ère de ramener l’ être à l’unit é, reconnaissant ainsi les limites de tout   système, le caract ère inachev é de toute synth èse et l’irr éductibilité de la pens ée de l’ être à la   pure et simple administration, scientifique et technique de ce qu’il y a en lui d’objectivable. 1. Vie d’Aristote Aristote est n é en 385­384  à Stagire, petite ville de Mac édoine, non loin de l’actuel mont   Athos. Son p ère Nicomaque  était le m édecin du roi Amyntas II de Mac édoine (le p ère de   Philippe) et descendant lui­m ême d’une famille de m édecins. Cette origine explique peut­ être  l’intérêt d’Aristote pour la biologie et, en tout cas, ses relations avec la cour de Mac édoine. En 367 ou 366, Aristote va faire ses  études à Ath ènes et devient  à l’Acad émie l’un des plus   brillants disciples de Platon. Sorte de r épétiteur ou d’assistant, r éputé pour sa passion de la   lecture (Platon l’appelait, peut­ être avec quelque condescendance, "  le liseur  "), il collabore   un peu plus tard  à l’enseignement et publie lui­m ême des dialogues comme le  Gryllos  ou  De  la rh étorique  (dirigé contre l’ école rivale d’Isocrate), qui d éveloppent, en les exag érant m ême  parfois (comme dans  Eudème  ou  De l’ âme ), des th èses platoniciennes. En 348, Platon meurt. Il a d ésigné comme successeur  à la t ête de l’ école son neveu Speusippe.   Dès l’Antiquit é, des biographes malveillants ont attribu é à ce choix de Platon la v éritable  cause de la rupture d’Aristote avec l’Acad émie. Aristote en gardera du moins une rancune   solide contre Speusippe. La m ême ann ée, peut­ être sur l’instigation de son ma ître, Aristote   avait été envoy é avec X énocrate et Th éophraste à Assos, en Troade, o ù il devint le conseiller   politique et l’ami du tyran Hermias d’Atarn ée. Parall èlement, Aristote ouvre une  école, o ù il   affirme d éjà son originalit é. Il y entreprend, entre autres, des recherches biologiques. En   345­344, Aristote, peut­ être sur l’invitation de Th éophraste, se rend dans l’ île voisine de   Lesbos,  à Mytil ène. En 343­342, il est appel é à Pella,  à la cour du roi Philippe de Mac édoine, qui lui confie   l’éducation de son fils Alexandre. C’est l à qu’Aristote apprend la fin tragique d’Hermias,   tombé en 341 entre les mains des Perses, et lui consacre un hymne. Du pr éceptorat lui­m ême  et du s éjour à Pella, qui s’ étendent sur huit ann ées, on ne sait pratiquement rien. À la mort de Philippe (335­334), Alexandre monte sur le tr ône. Aristote retourne  à Ath ènes,  où il fonde le Lyc ée, ou  Peripatos  (sorte de p éristyle o ù l’on se promenait en discutant),  école  rivale de l’Acad émie. Il y enseigne pendant douze ans. En 323, Alexandre meurt au cours d’une exp édition en Asie. Une r éaction antimac édonienne  se produit  à Ath ènes. Aristote, en r éalité suspect de mac édonisme, est menac é d’un proc ès  d’impiété. On lui reproche officiellement d’avoir "  immortalisé " un mortel, Hermias, en lui   dédiant un hymne. Aristote aime mieux quitter Ath ènes que d’encourir le sort de Socrate  : il   ne veut pas, dit­il, donner aux Ath éniens l’occasion de "  commettre un nouveau crime contre   la philosophie  ". Il se r éfugie à Chalcis, dans l’ île d’Eub ée, pays d’origine de sa m ère. C’est l à  qu’il mourra l’ann ée suivante,  à l’ âge de soixante­trois ans. 2. Les œuvres Les écrits d’Aristote se divisent en deux groupes : d’une part, des œuvres publi ées par   Aristote, mais aujourd’hui perdues  ; d’autre part, des œuvres qui n’ont pas  été publi ées par   Aristote et n’ étaient m ême pas destin ées à la publication, mais qui ont  été recueillies et   conservées. " Aristote perdu  " On a cru longtemps que c’est au premier groupe d’ écrits que s’applique la d énomination  d’" œuvres exot ériques ", employ ée par Aristote lui­m ême. Mais ces œuvres ont  été perdues,   comme beaucoup d’œuvres antiques, dans les premiers si ècles de l’ ère chr étienne. Nous en   connaissons n éanmoins les titres par les listes conserv ées des œuvres d’Aristote, et nous   avons une id ée de leur contenu par les citations ou les imitations qu’en font les auteurs   anciens post érieurs. Ces œuvres sont, par leur forme litt éraire, comparables  à celles de Platon, et plusieurs d’entre   elles semblent avoir  été des dialogues. C’est sans aucun doute  à elles que faisait allusion   Cicéron lorsqu’il c élébrait la "  suavité " du style d’Aristote et en comparait le cours  à un   " fleuve d’or  " ( Topiques , I, 3  ; Acad. , II, 38, 119). Mais leur contenu, qu’on travaille  à  reconstituer depuis un si ècle, n’est pas sans poser des probl èmes aux historiens. Car cet   " Aristote perdu  " n’a rien d’"  aristotélicien " au sens de l’aristot élisme des œuvres   conservées ; il d éveloppe des th èmes platoniciens et rench érit m ême parfois sur son ma ître  (ainsi, dans le dialogue  Eudème  ou  De l’ âme , il compare les rapports de l’ âme et du corps  à  une union contre nature, semblable au supplice que les pirates tyrrh éniens infligeaient  à leurs   prisonniers en les encha înant vivants  à un cadavre). Constatant qu’Aristote, dans ses œuvres   non destin ées à la publication, critique ses anciens amis platoniciens, on a pu se demander s’il   ne professait pas deux v érités : l’une "  exotérique ", destin ée au grand public, l’autre   " ésotérique ", r éservée aux  étudiants du Lyc ée. Mais on pense g énéralement aujourd’hui que   ces œuvres litt éraires sont aussi des œuvres de jeunesse,  écrites à une  époque o ù Aristote  était  encore membre de l’Acad émie, donc encore sous l’influence platonicienne. On s’est m ême  servi de ces fragments pour d éterminer ce que l’on croit  être le point de d épart de l’ évolution  d’Aristote. Les principales de ces œuvres perdues sont  : Eudème  ou  De l’ âme  (dans la tradition du   Phédon   de Platon),  De la philosophie   (sorte d’ écrit programmatique, o ù se laissent d éjà  reconnaître certains th èmes de la  Métaphysique ), le  Protreptique  (exhortation à la vie   philosophique), Gryllos  ou  De la rh étorique  (contre Isocrate),  De la justice   (où s’annoncent   certains th èmes de la  Politique ),  De la bonne naissance  , un  Banquet , etc. Œuvres conservées Le second groupe est constitu é par une masse de manuscrits d’Aristote, repr ésentant pour la   plus grande part, semble­t­il, les notes dont il se servait pour professer ses cours au Lyc ée.  Ces œuvres sont dites  ésotériques ou, mieux, acroamatiques (c’est­ à­dire destin ées à  l’enseignement oral). D ès l’Antiquit é se r épandit un r écit des plus romanesques sur la fa çon  dont ces manuscrits sont parvenus  à la post érité (Plutarque,  Vie de Sylla  , 26  ; Strabon, XIII,   1, 54). Les manuscrits d’Aristote et de Th éophraste auraient  été l égués par ce dernier  à son   ancien condisciple N élée ; les h éritiers de N élée, gens ignorants, les auraient enfouis dans une   cave de Skepsis pour les soustraire  à l’avidit é bibliophilique des rois de Pergame  ; longtemps   après, au Ier  siècle avant J.­C., leurs descendants les auraient vendus  à prix d’or au   péripatéticien Apellicon de T éos, qui les emporta  à Ath ènes. Finalement, au cours de la guerre   contre Mithridate, Sylla s’empara de la biblioth èque d’Apellicon, qu’il transporta  à Rome, o ù  elle fut achet ée par le grammairien Tyrannion  : c’est de lui que le dernier scolarque (chef   d’école) du Lyc ée, Andronicos de Rhodes, acquit les copies qui lui permirent de publier, vers   60 avant J.­C., la premi ère édition des œuvres acroamatiques d’Aristote et de Th éophraste. Ce r écit est partiellement invraisemblable. On comprendrait mal, en effet, que le Lyc ée, qui   subsista sans interruption apr ès Aristote, se soit laiss é d épouiller des manuscrits du fondateur   de l’ école. Il reste que la premi ère grande  édition des œuvres d’Aristote est celle   d’Andronicos, m ême si c’est lui qui, pour en accentuer la nouveaut é, a r épandu la l égende que   nous avons rapport ée plus haut. C’est  à partir d’Andronicos, donc pr ès de trois si ècles apr ès la   mort du philosophe, que les œuvres d’Aristote vont commencer leur v éritable carri ère en   donnant lieu  à d’innombrables commentaires. C’est encore dans la forme et g énéralement 
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