LA MÉCANIQUE NOUVELLEHenri PoincaréGöttingen, 28 avril 1909Mesdames, messieursAujourd’hui, je suis obligé de parler français, et il faut que je m’en excuse. Il est vraique dans mes précédentes conférences je me suis exprimé en allemand, en un trèsmauvais allemand : parler les langues étrangères, voyez-vous, c’est vouloir marcherlorsqu’on est boiteux ; il est nécessaire d’avoir des béquilles ; mes béquilles,c’étaient jusqu’ici les formules mathématiques et vous ne sauriez vous imaginerquel appui elles sont pour un orateur qui ne se sent pas très solide. — Dans laconférence de ce soir, je ne veux pas user de formules, je suis sans béquilles, etc’est pourquoi je dois parler français.En ce monde, vous le savez, il n’est rien de définitif, rien d’immuable ; les empiresles plus puissants, les plus solides, ne sont pas éternels : c’est là un thème que lesorateurs sacrés se sont plu bien souvent à développer. — Les théoriesscientifiques sont comme les empires, elles ne sont pas assurées du lendemain. Sil’une d’elles semblait à l’abri des injures du temps, c’était, certes, la mécaniquenewtonienne : elle paraissait incontestée, c’était un monument impérissable ; etvoilà qu’à son tour, je ne dirai pas que le monument est par terre, ce seraitprématuré, mais en tout cas il est fortement ébranlé. Il est soumis aux attaques degrands démolisseurs : vous en avez un parmi vous, M. Max Abraham, un autre est lephysicien hollandais M. Lorentz. Je voudrais, en quelques ...
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