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pages
Français
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2022
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Publié par
Date de parution
08 décembre 2022
Nombre de lectures
2
EAN13
9782760647008
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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08 décembre 2022
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2
EAN13
9782760647008
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Français
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Maya Jegen
L’État face à la crise environnementale
Les Presses de l’Université de Montréal
Dans la même collection
Jocelyn Coulon, À quoi sert le Conseil de sécurité des Nations Unies?
Frédérick Guillaume Dufour, Entre peuple et élite, le populisme de droite
Philippe Fournier, Idéologies et polarisation aux États-Unis
Rodolphe De Koninck, L’imprévisible Sud-Est asiatique
Stéphane Paquin, La mondialisation: une maladie imaginaire
Éric Mottet, La puissance décomplexée de la Chine
Michel Fortmann, Le retour du risque nucléaire
Thomas Juneau, Le Yémen en guerre
Éric Mottet, La puissance décomplexée de la Chine
Stéphane Paquin, La mondialisation: une maladie imaginaire
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: L’État face à la crise environnementale / Maya Jegen. Nom: Jegen, Maya, auteur. Description: Mention de collection: Le monde en poche | Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20220020507 | Canadiana (livre numérique) 20220020515 | ISBN 9782760646988 | ISBN 9782760646995 (PDF) | ISBN 9782760647008 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Environnement—Protection—Politique gouvernementale. Classification: LCC GE170.J44 2022 | CDD 363 .7—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 4 e trimestre 2022 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) de son soutien financier.
Introduction
«Le temps du monde fini commence.»
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel
En mars 2020, le coronavirus s’est répandu sur toute la planète et a mis sous pression les systèmes hospitaliers. Journalistes et politologues ont été surpris de la vitesse et de la vigueur avec lesquelles les gouvernements ont réagi. Du jour au lendemain, on a fermé les écoles, les universités, les commerces et les frontières. Le quotidien des citoyens a été perturbé pendant que l’activité économique s’effondrait. Plus d’un observateur a alors annoncé le retour de l’État. Certains se sont inquiétés des atteintes à la liberté, mais d’autres ont considéré que cette capacité retrouvée de l’État était de bon augure pour affronter la crise climatique.
Si l’on s’appuie sur les nombreux rapports scientifiques qui confirment, avec des données vérifiables, la trajectoire climatique inquiétante de notre planète, on ne peut guère douter de l’urgence de repenser nos sociétés. Une transformation sociétale rapide et systémique s’impose. Si l’État peut arrêter les activités économiques en réponse à une pandémie mondiale, pourquoi ne pourrait-il pas contrer une menace planétaire bien plus grande encore?
L’État est bien plus que le gouvernement. Il s’agit d’une organisation administrative, juridique et coercitive fondée sur les règles de droit qui structure les rapports entre la société civile et l’autorité publique, mais aussi les rapports au sein de la société même. Alors que les gouvernements passent, l’État reste. Cette organisation est façonnée différemment selon les pays et les régimes. Par exemple, dans les démocraties, on l’ancre dans un système constitutionnel et représentatif qui dicte la prise de décision politique et ordonne le jeu électoral.
La coercition est un des attributs de l’État – son action pendant la pandémie l’a bien illustré – tout comme le sont la reconnaissance des problèmes sociétaux et la recherche de solutions. Ainsi, l’État élabore et met en œuvre des politiques publiques afin de répondre aux attentes de la communauté politique, tout en en négligeant ou en en ignorant d’autres.
Au fil du temps, l’État s’est transformé en réponse aux diverses revendications portées par les acteurs socioéconomiques. C’est ainsi qu’a émergé l’État-providence dans le contexte des bouleversements liés à l’industrialisation. De fait, au cours des 19 e et 20 e siècles, des couches sociales entières se sont trouvées exposées à des risques liés au travail que l’on ne connaissait pas jusqu’alors ou pas sous cette forme, comme l’invalidité ou le chômage. La protection qu’elles pouvaient attendre auparavant de leurs familles en cas de vieillesse ou de maladie s’est affaiblie ou a disparu en raison d’une mobilité professionnelle accrue. En réponse à cela, la formation de syndicats et de partis socialistes a fait en sorte que soient canalisées, et mieux entendues, les revendications de la classe ouvrière. L’idée selon laquelle l’État est l’outil adéquat pour résoudre des problèmes complexes a fait son chemin et, entre 1890 et 1940, on a mis en place les premiers systèmes d’assurance sociale. L’État-providence à proprement parler ne s’est toutefois matérialisé qu’à partir des années 1960, et dans les pays les plus riches.
C’est au cours de cette même décennie que les enjeux environnementaux ont attiré l’attention du public, amenant l’État à s’en saisir. Ainsi, et par analogie avec l’État-providence, un «État environnemental» a émergé. On a instauré un système de réglementation et on a investi dans l’appareil administratif de sorte que l’État a commencé à cumuler des connaissances et à bénéficier d’une expertise sur le sujet. Il est devenu le lieu privilégié à la fois de décisions et de débats en ce qui concerne les conflits environnementaux.
Dans cet essai, nous interrogeons le rôle et la marge de manœuvre de l’État environnemental. Entre ceux qui croient que le «marché» offre les meilleures solutions et ceux qui déplorent l’absence de réponse politique, nous défendons la thèse qui veut que l’État joue déjà un rôle clé dans la protection environnementale. L’essai propose une vue d’ensemble de l’action étatique qui s’organise pour surmonter une crise dont l’issue sera catastrophique si nous n’y faisons pas face. Mais le temps est compté.
La question environnementale et l’anthropocène
Tornades, inondations, sécheresse: les effets de l’environnement sur les êtres humains, leur habitat et leur mode de vie sont nombreux et bouleversent l’équilibre planétaire. Le changement, y compris les perturbations environnementales et climatiques survenues durant les périodes glaciaires, caractérise l’évolution de la Terre. Depuis des temps immémoriaux, l’homme intervient aussi sur son environnement: il apprend à faire du feu, il coupe du bois, il exploite des minerais et il cultive la terre. Pour subvenir à ses besoins, il doit modifier les écosystèmes. Durant la période préindustrielle, ses interventions sont locales ou régionales, ou du moins marginales par rapport aux changements d’origine naturelle comme les éruptions volcaniques.
Aujourd’hui, toutefois, les activités humaines perturbent les écosystèmes et le climat à l’échelle planétaire. C’est pourquoi l’on parle d’ère anthropocène. Comment en est-on arrivé là?
Dans son livre intitulé L’Évolution créatrice paru en 1907, le philosophe français Henri Bergson constate ce qui suit:
Un siècle a passé depuis l’invention de la machine à vapeur, et nous commençons seulement à ressentir la secousse profonde qu’elle nous a donnée. La révolution qu’elle a opérée dans l’industrie n’en a pas moins bouleversé les relations entre les hommes. […] Dans des milliers d’années […], nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de choses, à supposer qu’on s’en souvienne encore; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée; elle servira à définir un âge.
Sans connaître l’ensemble des changements qui se produiront durant les 20 e et 21 e siècles, Bergson anticipe la rupture profonde qui sépare les trois derniers siècles du reste de l’histoire de l’humanité. Entre 1700 et 1950, cette dernière est passée d’une économie organique à une économie fondée sur les énergies fossiles, d’une croissance démographique et économique lente et discontinue à une croissance rapide et continue, de répercussions environnementales relativement faibles et locales à des répercussions profondes et mondiales.
Le chimiste hollandais Paul J. Crutzen, lauréat du prix Nobel de chimie pour ses travaux sur l’appauvrissement de la couche d’ozone, observe l’aggravation des effets de l’activité humaine sur l’environnement à l’échelle mondiale depuis le 18 e siècle. Selon lui, le climat risque de dévier de son comportement naturel de façon considérable pour des millénaires à venir en raison des émissions de CO 2 causées par l’être humain. Dans un article publié dans la revue Nature en 2002, et face à l’ampleur du phénomène, il introduit – sans toutefois l’inventer – le concept d’anthropocène (un néologisme du grec ancien anthropos , être humain, et kainos , nouveau) afin de caractériser l’ère géologique actuelle. Cette période succéderait à l’holocène, lequel a marqué les dix à douze derniers millénaires.
Dans cette nouvelle ère, l’homme agit de manière déterminante sur le plan géologique à l’échelle de la planète. Crutzen situe le début de l’ère anthropocène dans la dernière moitié du 18 e siècle, au moment où l’analyse des bulles d’air enfermées dans la glace indique que la concentration de CO 2 et de CH 4 commence à augmenter dans l’atmosphère. Ce moment coïncide avec l’invention de la machine à vapeur.
L’anthropocène est-il un nouvel âge géologique? La Commission de stratigraphie de la Société géologique de Londres, qui définit et classifie les périodes de l’histoire terrestre, s’est penchée sur la question dès 2008. Même si les géologues n’ont toujours pas tranché la question, le concept s’est rapidement répandu. Pour Steffen et ses coauteurs (2011), il remet en cause les hypothèses sous-jacentes à la pensée néoclassique qui, axée sur