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pages
Français
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2012
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2012
Nombre de lectures
247
EAN13
9782820620880
Langue
Français
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Date de parution
01 janvier 2012
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247
EAN13
9782820620880
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Français
Collection
«Essai»
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ISBN : 9782820620880
Sommaire
Mémoires d’un braconnier
Mémoires d’un braconnier
Rocourt est une paroisse proche Coincy-l’Abbaye, juridiction de Soissons, et à trois lieues de Château-Thierry; c’est le lieu de ma naissance; je suis né en 1723, au mois de février; le curé qui m’a baptisé a oublié le quantième; mon parrain était maçon et se nommait Laurent; mon père se nommait Jean La Bruyère et ma mère Marie-Anne Pigeaux; je n’ai su le pays de mon père qu’en 1757, qu’une succession nous étant échue, à moi et à mes autres parents, je fus pour la première fois au pays de mon père; depuis ce temps je n’y suis pas retourné, et on ne m’a pas encore rendu compte de la procuration. Mes aïeux du côté de ma mère étaient aubergistes dans la paroisse de Rocourt; mon père était maçon et tirait son origine de Buancour, près de Cormicy en Champagne, à trois ou quatre lieues de Reims. Il laissa ma mère et mourut devant que je fusse en âge de le connaître; elle resta veuve avec neuf enfants dont j’étais le plus jeune. Elle nous éleva avec le gain qu’elle faisait en tenant cabaret et en vendant quantité de mercerie et d’épicerie; une maison assez logeable qu’elle possédait en propre lui servait à faire son commerce; cette maison nous est restée et un contrat de trois cents ans nous en assure la possession. Elle n’oublia rien de ce qu’une bonne mère doit faire pour instruire ses enfants, malgré l’embarras qu’une si grande quantité devait lui causer, et dont le plus âgé ne pouvait avoir que douze ans, à ce que je puis me souvenir. Elle envoya tous mes frères et mes sœurs à l’école de la paroisse, mais aucun d’eux ne répondit aux soins qu’elle prenait de leur éducation; soit par leur faute ou par celle de celui qui était chargé de les instruire, ils n’en profitèrent aucunement.
Lorsque ma mère me vit à l’âge de dix ans, elle m’envoya à la même école, où j’appris mon alphabet; dans ce même temps, mon grand-père loua une auberge à une lieue de chez moi; quelque temps après, ma mère lui fut rendre visite; elle me mena avec elle; le maître d’école de cette paroisse me vit et je lui plus; il eut la bonté de dire à ma mère que c’était dommage que mon esprit ne fut point cultivé, parce que, lui dit-il, cet enfant promet beaucoup. Elle ne laissa pas échapper une si belle occasion; elle connaissait sa réputation pour l’éducation des enfants, elle le pria de me prendre en pension et d’employer ses soins à m’instruire; ils convinrent du prix. La facilité avec laquelle je concevais les leçons qu’il me donnait et la docilité qu’il remarqua en moi l’engagèrent à employer toute son industrie pour me remettre en état de lui faire honneur et à moi aussi. Comme il connaissait parfaitement bien mon caractère, il avait remarqué que j’avais une curiosité au-dessus de mon âge; il en profita, et comme il avait son fils qui était à peu près aussi âgé que moi, il mit la jalousie entre nous, et par ce moyen il excita notre émulation; nous combattions à qui emporterait le prix qu’il nous proposait pour nous récompenser l’un ou l’autre quand nous avions bien réussi dans les leçons qu’il nous avait données. La gloire d’emporter la victoire sur son fils ne me donnait de repos ni jour ni nuit, je ne cessais d’intéresser les autres pensionnaires à m’instruire de ce que j’avais besoin de savoir pour remporter le prix proposé, et, par ce moyen, il eut le secret de me montrer à lire et à écrire passablement en trois mois. Cela a été tout le temps que j’ai étudié sous un maître. Il est étonnant que, depuis ce temps-là, malgré tous les efforts que j’ai pu faire pour changer mon caractère d’écriture, il m’a été impossible de mieux peindre. Au bout de mes trois mois, ma mère, qui voyait que je lui étais utile, me retira de chez ce parfait honnête homme; je le quittai à son grand regret et au mien.
Quelque temps après, ma mère, qui n’avait point d’occupation à me donner, chercha à me placer; il se présenta l’occasion la plus favorable que j’en aie eue de ma vie. Un praticien d’Auchy-le-Château me prit en amitié; cet honnête homme proposa à ma mère de m’adopter, vu qu’il n’avait point d’enfant et qu’il avait beaucoup de biens. Mais les conditions étaient qu’elle ne me viendrait pas voir et que je n’irais pas chez elle; cette tendre mère aima mieux me voir sans biens que d’être privée de me voir avec beaucoup de richesses. Je crois que cette année a été la première époque de mes malheurs. La même année, un fermier des amis de ma mère me demanda, voyant que je savais lire et écrire, «parce que, disait-il, il n’y a pas un de mes enfants qui ait voulu apprendre, et ce jeune garçon me sera très utile». Je passai quelque temps chez lui, et, l’année d’ensuite, ma mère me fit revenir avec elle. L’année d’après, le père de mon parrain, qui était mort, proposa à ma mère de me faire apprendre le métier de tuilier; mais, comme mon âge ni mes forces ne me permettaient de remplir les devoirs d’un mouleur, je fus employé à d’autres ouvrages; quelque temps après, je retournai au logis, et, pendant ce temps, un marchand d’avoine, qui demeurait à Paris, vint loger avec son épouse chez ma mère qu’ils connaissaient, et, pendant le séjour qu’ils y firent, cette femme remarqua que je ne cessais pas de lire autant que le temps me le permettait; elle me demanda si je savais écrire et calculer, je lui en donnai des preuves. Elle dit à ma mère qu’elle serait charmée de m’avoir, et qu’elle me donnerait de bons gages; que je lui serais très utile pour tenir le journal de la vente de l’avoine qu’elle avait dans ses bateaux. On conclut le marché; un mois après je fus conduit à Paris, et je fis mon entrée chez cette marchande. Je tenais un compte exact de tout ce qui sortait des bateaux. Mais la discorde que je voyais entre le mari et la femme, et les mauvaises façons que le marchand avait pour moi, à cause que je ne consentais pas à frauder son épouse pour lui fournir l’argent qui lui était nécessaire pour entretenir ses débauches, me dégoûtèrent; je demandai mon congé à son épouse qui me demanda pourquoi je la quittais dans le temps qu’elle avait le plus besoin de moi pour continuer son commerce. Je l’instruisis à fond des débauches de son mari; je lui donnai la preuve que j’avais été obligé de donner cent écus à son mari à son insu, qu’il ne voulait point que je lui rendisse un compte fidèle de l’argent que je recevais et que, sur les menaces que je lui avais faites de l’avertir, il m’avait maltraité; en même temps je lui fis voir par le compte de l’argent que je lui avais donné, et duquel j’avais fait un état. Elle vit le tort qu’il lui faisait journellement; ils eurent ensuite une grande querelle, et je vis bien que mon meilleur parti était de m’en aller; ce que je fis en me retirant avec un frère et un cousin que j’avais à Paris; ils étaient à la cuisine de M. de Monthion, maître des comptes, rue Sainte-Croix-de-la- Bretonnerie.
Quelque temps après, l’épouse du lieutenant criminel d’Étampes, qui se nommait M. Gaudon, et qui était à Paris pour solliciter un procès qu’ils avaient au Parlement, me vit chez une de ses amies chez qui j’allais souvent; elle lui demanda qui j’étais, et cette demoiselle me fit l’honneur de lui dire du bien de moi; les louanges qu’elle me donna engagèrent cette dame à me proposer d’entrer à son service; j’acceptai ses offres. Huit jours après je fus présenté à son mari; mon caractère franc et sincère lui fit plaisir: il me fit l’honneur de m’accorder son amitié. Je suis resté deux ans et demi à Étampes chez ce brave homme, pour qui je ne cesserai jamais d’offrir mes vœux au Seigneur. Tout mon emploi fut de conduire au collège des Barnabites cinq fils qu’il avait eus, dont le plus âgé n’était pas plus vieux que moi, et ce fut à ce collège que j’appris les premiers éléments du peu de science que je possède. Mon maître,