Identité française , livre ebook

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La plupart des discours sur l’« identité française » retentissent d’accents alarmistes. On évoque une crise des valeurs, un risque de déclin. On parle de démographie, d’immigration, de difficultés de coexistence entre les religions. Le plus souvent avec des arrière-pensées politiques. En période d’incertitudes, ne peut-on aborder autrement la question de ce qui fait la spécificité de notre pays ? C’est ce que tente cet ouvrage. Quelles sont nos atouts et nos faiblesses ? Quelle est l’essence même de l’esprit français, de nos valeurs et de nos traditions en matière économique, politique, sociale ? Qu’est-ce qui peut nous permettre de nous adapter au monde qui vient ? Comment faire de notre exception une force pour l’avenir ? Grand connaisseur de la vie internationale, Jacques Andréani jette un regard enrichi par son expérience extérieure sur ce qu’être français veut dire. Pour lui, « c’est par sa conception non ethnique de la nation, par sa propagation de la foi en l’égalité, par sa pratique de la laïcité, par son œuvre en faveur de l’unité de l’Europe que la France a ouvert des voies vers un monde moins divisé et plus harmonieux. Les Français ne doivent pas l’oublier. Les chemins que la France a ouverts, ce n’est pas à elle de les refermer ». Diplomate, Jacques Andréani a notamment dirigé la délégation française à la conférence d’Helsinki. Il a été ambassadeur de France en Égypte, en Italie et à Washington. Il a publié L’Amérique et nous et Le Piège. Helsinki et la chute du communisme. 
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Date de parution

29 mars 2012

Nombre de lectures

0

EAN13

9782738180100

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

© O DILE J ACOB , AVRIL  2012
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8010-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Je dédie ce livre à mes quatre enfants, Gilles, Olivia, Marie-Emmanuelle et Fabrice qui, chacun à sa manière, me soutiennent dans la vie.
Avant-propos

Depuis une décennie environ, des dizaines de livres ont été publiés sur le thème de l’identité française. La plupart d’entre eux retentissent d’accents alarmistes. On y évoque une crise des valeurs, le risque d’une perte d’identité. Leurs auteurs abordent ce sujet sous des angles variés : philosophie, sociologie, droit, histoire. Certains de ces ouvrages ne parlent que de démographie, et quelques-uns d’entre eux traitent principalement de l’immigration ; d’autres se concentrent sur les difficultés de coexistence entre les religions. Ils débattent de ces sujets en recherchant un certain effet d’urgence, sinon de tragique. Où allons-nous ? Il n’est que temps ! Il est peut-être déjà trop tard…
La crise de l’économie, qui est aussi une crise de la société, a pour effet d’accentuer le caractère dramatique de ces jugements.
En publiant un écrit qui concerne les doutes et les certitudes des Français pour ce qui fait la spécificité de leur pays – ce que l’on nomme de nos jours « identité nationale » –, mon excellente éditrice et moi-même allons être accablés par les remarques d’un public déjà saturé et peut-être lassé. Encore un livre sur l’identité française ! On s’en prendra à l’auteur. On dira : « Il n’est pas historien de métier. En quoi peut-il nous éclairer sur ce qui nous a façonnés ? » Qu’on se rassure, ce livre s’appuie abondamment sur les ouvrages des meilleurs auteurs, classiques ou plus récents, qui sont venus enrichir mon point de vue et nuancer mon propos. Loin de moi l’idée de refaire leur travail. On dira surtout : « Un ambassadeur, ce n’est pas son sujet. Un homme qui a servi à l’étranger en sait sans doute pas mal sur les pays où il a été affecté et avec lesquels il a travaillé – États-Unis, Russie, Italie, Égypte, Allemagne, Grande-Bretagne, Maroc. Il en sait sûrement moins que nous sur la France et les Français. » À cela, je réponds que je ne vois pas pourquoi le public intéressé par l’identité française, bénéficiant de tant d’expertises, de celle de l’historien à celle du spécialiste des religions, n’aurait pas recours aussi à un diplomate. Les nations n’existent pas dans l’isolement. Qu’elles soient physiques ou mentales, les frontières sont des objets de droit international et elles constituent un sujet valable de réflexion sur les rapports entre États. Les nations, dès qu’elles viennent à l’existence, s’aperçoivent les unes les autres. Elles se définissent en acceptant ou en refusant le contact avec les autres peuples. Le regard qu’elles échangent contribue à donner corps à leur identité. Comprendre et éventuellement influencer ce regard, cette acceptation ou ce refus, voilà le métier du diplomate. Il a donc peut-être quelque chose d’utile à dire sur le sujet.
En vérité, la place de la France dans le monde, les conséquences de ses changements sociaux et culturels, sa position par rapport à la mondialisation, sa conception de la nationalité, tous ces sujets sont pour notre pays des problèmes internationaux tout autant qu’intérieurs.
Ces questions, les responsables politiques les agitent pour des raisons qui tiennent légitimement à des préoccupations pour la cohésion de la France et, pour quelques-uns, à des soucis politiques internes. Elles intéressent cependant nos rapports avec tous les peuples de la planète ; de plus, elles se posent non seulement pour les Français, mais pour les autres Européens. Et aussi pour l’Amérique, qui est le plus grand pays d’immigration au monde. À travers toute l’Europe se manifestent la peur de l’autre, l’obsession pour la sécurité, la crainte pour les générations futures. Dans certains pays, cela va jusqu’à la pure et simple xénophobie, voire jusqu’à un racisme violent, et cela comporte même le rejet de certaines personnes au motif scandaleusement invoqué du caractère inacceptable de leur religion. En certains lieux, cela va avec ce que l’on appelle couramment « repli identitaire », peur de l’avenir, angoisse du présent, regret fantasmé du passé. Ce sont là des symptômes d’une crise qui va bien au-delà des problèmes d’immigration, d’assimilation et d’identité, une crise beaucoup plus profonde de l’Europe et probablement du monde occidental.
Si un éclairage international est essentiel pour saisir pleinement la portée des débats français sur ces questions, je n’entends pas me limiter à ce regard extérieur. Ce qui se déroule en ce moment sur ces thèmes est une controverse française. Elle intéresse tous les citoyens de ce pays. J’espère toutefois apporter à l’analyse un peu d’expérience internationale et diplomatique.
Durant ma carrière au Quai d’Orsay et dans les ambassades, j’ai accumulé des impressions, des expériences, des témoignages qui ont fait grandir chez moi le désir de m’exprimer sur l’attitude des Français vis-à-vis des pays étrangers où ils vivent, sur la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes en tant que nation et sur le regard que les étrangers portent sur notre pays. Ce qui nous amènera aussi à discuter de notre politique extérieure.
Il ne s’agit pas d’entreprendre une histoire de la diplomatie française ni une analyse de ses succès et de ses fautes. Celles de mes remarques qui toucheront à la politique étrangère seront occasionnelles et partielles, avec tout de même l’espoir de tirer d’événements épars dans l’espace et dans le temps certaines leçons de portée générale.
Lorsqu’ils vivent à l’étranger, les Français, divisés sur bien des sujets, se rassemblent sur un point : le patriotisme. Si on trouve que ce sentiment est passé de mode, il suffit de se rendre dans un pays éloigné de l’Hexagone pour constater que l’absence ramène l’esprit de l’exilé vers la France. Les Français que l’on rencontre en terre étrangère peuvent avoir professé en France des idées contraires au consensus établi. Ils peuvent s’être moqués de façon choquante des slogans et des symboles qui expriment l’amour de la patrie. Cependant, à l’étranger, ils s’unissent avec leurs concitoyens plus conformistes qu’eux pour combattre les préjugés et pour défendre les particularités françaises qui sont attaquées autour d’eux, comme la tradition d’efficacité des grandes entreprises nationales, le choix de l’énergie nucléaire, la générosité de la solidarité sociale, la protection des œuvres culturelles, l’ouverture au tiers-monde. Il n’est pas surprenant que la règle que respectent la plupart des hommes politiques – ne pas critiquer le gouvernement à l’étranger – soit approuvée très généralement par nos concitoyens résidant hors de France. Le Français est plus patriote en dehors des frontières que dans l’Hexagone.
J’ai souvent été surpris par la difficulté qu’éprouvent certains Français à s’acclimater au mode de vie et à la mentalité des pays où ils vivaient. Très nombreux heureusement étaient ceux, notamment parmi les cadres des entreprises, qui comprenaient les mécanismes de l’action économique, et j’ai admiré, en Égypte particulièrement, mais aussi aux États-Unis et en Italie, leur capacité à entretenir des réseaux d’influence et à multiplier les initiatives. J’ai également observé que les Français « expatriés » aiment à retrouver entre eux des rites de convivialité qui les confortent, même quand le milieu où ils vivent est loin d’être hostile. J’en ai vu aussi certains vivre dans un cocon national au milieu de populations dont la culture, la religion et les mœurs auraient valu d’être connus d’eux, mais qu’ils semblaient ignorer.
J’ai également observé des compatriotes qui dénigraient sans retenue les modes de vie et de pensée des pays qui les accueillaient. J’ai fait ce constat, par exemple, à ma grande surprise, lors de mon premier séjour aux États-Unis, à la fin des années 1950, à un moment où il n’existait entre les deux pays aucun contentieux significatif. On avait le sentiment que toute la colonie française de Washington et de New York avait eu pour lecture favorite le livre de Georges Duhamel, Scènes de la vie future , dans lequel l’illustre académicien dénonçait le caractère inhumain et oppressif de la civilisation américaine, faite selon lui de gigantisme, d’uniformisation, de brutalité et de mépris pour la vraie culture, autrement dit la nôtre. C’était ma première rencontre avec l’antiaméricanisme français, qui devait me réserver tout au long de ma carrière bien d’autres étonnements.
D’une façon générale, j’ai trouvé les Français expatriés beaucoup moins naïfs que leurs compatriotes de la métropole au sujet de la situation dans les pays étrangers ; le comble de la naïveté étant parfois atteint par des visiteurs ministériels qui croient que, par la vertu combinée de l’attrait de notre pays et de leur propre personnalité, les dirigeants étrangers même les plus cyniques finiront non seulement par nous promettre de devenir moins tyranniques et de se prêter à une coopération honnête, mais encore par aller jusqu’à tenir ces promesses.
Ceux qui voyaient de près la réalité soviétique avaient du mal à s’entendre avec leurs camarades venus admirer les réalisations du régime. D’une façon générale, on observait, à l’époque de

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