La démocratie à pas de caméléon Transition et imaginaires politiques auBénin , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2003

Nombre de lectures

0

EAN13

9782845863965

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Richard Banégas
La démocratie à pas de caméléon
Transition et imaginaires politiques au Bénin
Recherches internationales
LA DÉMOCRATIE À PAS DE CAMÉLÉON
« Recherches internationales » est une collection du CERI, dirigée par Jean-François Bayart. Elle accueille des essais traitant des mutations du système inter-national et des sociétés politiques, à l’heure de la globalisation. Elle met l’accent sur la donnée fondamentale de notre temps : l’interface entre les relations internationales ou transnationales et les processus internes des sociétés politiques, que peut symboliser le fameux ruban de Möbius. Elle propose des analyses inédites et rigoureuses, intellectuellement exigeantes, écrites dans une langue claire, indépendantes des modes et des pouvoirs. Le CERI (Centre d’études et de recherches internationales) est un laboratoire de la Fondation nationale des sciences poli-tiques, associé au CNRS.
KARTHALA sur Internet : http://www.karthala.com Le CERI sur internet : http://www.ceri-sciences-po.org
© Éditions KARTHALA, 2003 ISBN : 2-84586-396-9
Richard Banégas
La démocratie à pas de caméléon Transition et imaginaires politiques au Bénin
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
A Delphine et Justine
REMERCIEMENTS
Ce livre est issu d’une thèse de doctorat soutenue en janvier 1998 à Science Po Paris. Ma gratitude va donc d’abord à Jean-François Leguil-Bayart, mon directeur de thèse, qui a soutenu ce travail depuis le début et a patiemment attendu sa publication dans la présente collection qu’il dirige chez Karthala. L’exercice est malaisé tant ma dette est grande à son égard. Pour ses conseils et ses encouragements, prodigués tout au long de ces années de stimulation et de connivence intellectuelle ; pour sa disponibilité au cours des pénibles derniers mois de rédaction ; pour les opportunités qu’il a su me faire saisir et la confiance qu’il a bien voulu me témoigner ; pour son amitié et mille autres choses, je le remercie très sincèrement. Mes remercie-ments vont également aux membres de mon jury de thèse – Jean Leca (président du jury), Christian Coulon, Peter Geschiere, Christophe Jaffrelot, Philippe Braud – qui, par leurs commen-taires et leur discussion critique, ont contribué à l’évolution de mes recherches et à l’aboutissement de cet ouvrage. Je dois également beaucoup à Urbain Amegbédji (Afrika Obota, Cotonou), qui fut bien plus qu’un assistant-interprète lors de mes dernières recherches de terrain. Si les pages de la troisième partie vivent des riches propos de mes interlocuteurs béninois, c’est en large partie grâce à lui. Leyovon’oubliera pas ces longues heures passées avec Urbain, à discuter avec Gualbert le marchand de pneus, Sétondji lebokonon, Sophie et Assiba les marchandes de légumes, Koffi lezémidjan, Athanase le menuisier, et toutes les autres personnes qui ont accepté de me donner un peu de leur temps.
Je tiens ensuite à remercier chaleureusement Béatrice Hibou pour ses relectures méticuleuses et ses conseils avisés de « gran-de sœur ». Elle m’a beaucoup appris. Mon autre compagnon de recherche, Luis Martinez, m’a ouvert à d’autres problématiques ; il m’a aussi fourni un soutien quasi quotidien durant les derniers mois de thèse. Je l’en remercie. Depuis 1999, le travail effectué au sein de l’équipe de la revuePolitique africainea sans aucun doute retardé la publication de cet ouvrage, mais il l’a aussi enrichi de nouvelles pistes de recherches. Je salue amicalement tous mes compagnons de routepolafiens: Béatrice Hibou, à nouveau, Janet Roitman, Roland Marchal, Ruth Marshall-Fratani, Christine Messiant, Rémy Bazenguissa-Ganga, Patrick Quantin, Didier Péclard, Pierre Janin, Giorgio Blundo, Roger Botte, Jean Copans, Daniel Compagnon, Mariane Ferme, Zekeria Ould Ahmed Salem. Comme on le verra au long de ces pages, les lumières de Jean-Norbert Vignondé me furent également d’un grand secours. Merci à lui. Je remercie Jean-Luc Le Bras (ministère de la Coopération) pour sa disponibilité et Jérôme Sautier (ministère des Affaires étrangères) pour son soutien amical à Cotonou. Je n’oublie pas non plus l’accueil d’Adolphe Dansou et de son cousin Charlemagne lors de mes premières missions au Bénin, ainsi que l’aide de Claude Sinzogan (INSAE, Cotonou). Ce tra-vail doit aussi beaucoup aux riches discussions que j’ai pu avoir avec Jérôme Badou (Syfia, Cotonou). Enfin, je voudrais exprimer ma gratitude à deux personnes sans qui cet ouvrage ne serait pas. Robert Ageneau, d’abord, le directeur des éditions Karthala qui a patiemment attendu le manuscrit depuis quatre ans et n’a eu de cesse de m’encourager à sa publication. Pour ce soutien amical, mais aussi pour son appui indéfectible àPolitique africaine, je le remercie. Sylvie Tailland, ensuite, qui a fourni un travail extraordinaire pour transformer le manuscrit initial en un livre publiable. Sa rigueur, sa méticulosité et son professionnalisme de secrétaire de rédac-tion m’ont beaucoup appris tout au long de ces années de conni-vence éditoriale. Je la remercie très sincèrement.
R. B.
Introduction
« La branche s’est cassée dans les bras du caméléon. On dit que le caméléon ne tombe jamais des arbres, ce qui n’est pas toujours vrai. Des fois, ça se casse avant qu’il n’atteigne d’autres branches. Si nous prenons les branches sèches par exemple... Ça s’est cassé ici, on l’a vu. Il est descendu avant de remonter. Ça montre que sur un arbre sec, si le caméléon ne sait pas monter, ça va se casser entre ses bras. Dans la panique, il peut tomber, comme il peut réussir à s’accrocher à une autre branche. » Idrissou, ouvrier soudeur de Ouidah
La colère grondait. Une foule immense convergeait vers le centre-ville de Cotonou. Depuis la « révolution » de 1963, on n’avait jamais vu de telles marches de protestation. En ce début du mois de décembre 1989, la tension était à son comble au Bénin. Depuis un an, le pays était paralysé par les grèves. Les arriérés de salaires s’accumulaient dans la fonction publique. Les banques nationales étaient en faillite, les comptes bloqués. La banqueroute financière et politique du régime marxiste-léniniste du général Kérékou était totale. Pour apaiser les oppositions et les bailleurs de fonds, le gouvernement avait bien annoncé, le 7 décembre, un train historique de réformes et la convocation d’une conférence nationale. Mais cela n’avait pas suffi. La situation demeurait insurrectionnelle. Brandissant des rameaux de branches vertes, les manifestants défilaient dans un cortège
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LA DÉMOCRATIE À PAS DE CAMÉLÉON
1 puissant et désordonné : leoma. « Kérékou, SIDA ! », « Kérékou,xélué(i. e.maudit) ! » Associé aux forces de mort du pouvoir sorcier, le chef de l’État était violemment mis en cause. Sur la grand-place, la nouvelle statue de Lénine n’avait pas encore été inaugurée. Soudain, un groupe de jeunes se pré-cipita sur le monument, brûlant la bâche qui le protégeait et jetant des pierres sacrilèges sur l’immense sculpture. « Lénine, xélué! » La garde présidentielle intervint, sans parvenir à rame-ner le calme. Le chef de l’État dut s’interposer en personne. Tenant en main son bâton de commandement orné de son ani-mal fétiche, le caméléon, entouré de ses gardes du corps cubains et vêtu de son ensemble « Mao », Kérékou s’adressa à la foule. Celle-ci recula, dans la crainte de ses pouvoirs surnaturels. Au bout d’un certain temps, il parvint tout de même à apaiser le mouvement en multipliant les promesses. Un peu plus tard, le général-président voulut reprendre symboliquement possession de la rue, en parcourant à pied les artères de la capitale. Mal lui en prit. Comme Lénine, il eut à subir un terrible « caillassage ». Leomase poursuivit les jours suivants, gagnant Porto-Novo et les autres villes du Sud. Réactualisant les slogans et les chan-sons utilisés en 1963 pour mettre à bas le gouvernement Maga, 2 nombre de manifestants entonnaient un chant de malédiction :
3 « Un type du Nord Un type du Nord ne
ne peut nous gouverner, peut nous gouverner,
1. A l’origine, leomaétait une marche de protestation des prêtres féti-cheurs duvodùnqui manifestaient ainsi leur colère lorsqu’ils étaient offensés. Très ritualisée, quoique désordonnée, cette révolte des prêtres constituait une puissante malédiction. Sous une forme sécularisée, ce répertoire d’action col-lective s’est perpétué, faisant l’objet d’une réappropriation par les acteurs sociaux qui ont pris les rameaux pour contester les abus du pouvoir colonial et postcolonial. Inscrit dans les imaginaires de l’invisible, il fournit une impor-tante « structure narrative » aux mouvements protestataires du Sud-Bénin et constitue toujours la plus cinglante des remises en cause, le pire des désaveux publics (voirinfra, chapitre 3). 2. Nous avons recueilli ce chant auprès d’un vieil homme de Porto-Novo ayant participé à la fois auxomade 1963 et de 1989. La traduction de ce texte en goun a été effectuée par J.-N. Vignondé. Nous le remercions pour son aide. 3. Les manifestants emploient ici le terme péjoratif degambalinuqui désigne, pour les sudistes, les populations du Nord, associées aux « sauvages ».
INTRODUCTION
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Kérékou, tu vas retourner chez toi et changer de culotte, Kérékou, nous allons te chasser par leoma, Toi aussi tu veux porter la culotte, Les gens du Nord ne s’habillent pas [bis], Tu vas te vêtir de peau de bête [bis], 4 Et rentrer dans ton pays , Nous allons te chasser par leoma, Kérékou, nous allons te chasser par leoma[...], La faute que tu as commise est inadmissible, Kérékou, la faute que tu as commise est inadmissible, Kérékou a fait venir les Blancs, Pour profaner nos couvents, C’est de peau de bête que tu vas te couvrir, Un originaire du Nord ne porte pas de culotte, Kérékou, c’est de peau de bête que tu vas te couvrir, Maga, c’est de peau de bête que tu vas te couvrir […], La faute que tu as commise est inadmissible [bis], L’idiot s’est allié à des Blancs, Et veut profaner nos couvents, Nous allons exécuter contre toi [le rituel duoma, Ndt] Idiot, nous allons exécuter contre toi [le rituel duoma, Ndt] [bis] Toi aussi tu veux porter la culotte ! La faute que tu as commise est inadmissible [bis], Tu t’es allié aux Blancs pour violer nos couvents, Nous allons exécuter contre toi [le rituel duoma, Ndt] Et t’empêcher à jamais de récidiver, Idiot, nous allons exécuter contre toi le rituel duoma, Et t’empêcher à tout jamais de récidiver. »
Sept ans plus tard, nous nous trouvions dans un taxi collectif en route pour Abomey. Depuis quelques mois, Mathieu Kérékou occupait à nouveau le palais de la Marina, ayant rem-
4. Les Somba du Nord, dont est issu Kérékou, allaient nus autrefois, ou cachaient leur nudité d’un simple étui pénien. Dans l’imaginaire politique des gens du Sud, « dire à Kérékou qu’il doit retourner dans son pays changer de culotte, observait notre traducteur, c’est le renvoyer à son état originel de sau-vage et sous-entendre que c’est grâce à la civilisation du Sud qu’il a pu pré-tendre à la présidence du pays ».
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