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Français
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2011
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Publié par
Date de parution
26 mai 2011
Nombre de lectures
2
EAN13
9782760625754
Langue
Français
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26 mai 2011
Nombre de lectures
2
EAN13
9782760625754
Langue
Français
JOHANNE LAMOUREUX
Professionhistorienne de l’art
Les Presses de l’Université de Montréal
La collection
Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.
Directeur de collection : Benoît Melançon
Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :
www.pum.umontreal.ca
Copyright
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archivesnationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Lamoureux, Johanne
Profession, historienne de l'art
(Profession)
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 978-2-7606-2035-3
ISBN 978-2-7606-2575-4 (ePub)
1. Historiens d'art. 2. Art - Histoire - Aspect social.
I. Titre. II. Collection : Profession (Montréal, Québec).
N7475. L35 2007 709 C2007-941390-0
Dépôt légal : 3 e trimestre 2007
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2007 ; 2010 pour
la version ePub.
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pourleurs activités d’édition.
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À Danielle Ros
L’histoire de l’art, hic et nunc
Le triomphe paradoxal de l’image
Selon une conception assez répandue, l’historien del’art serait celui ou celle qui s’y connaît en peinture.Il peut identifier le créateur d’une œuvre sans avoir àconsulter l’étiquette apposée sur le mur à côté d’elleet, de la même façon, il peut déchiffrer le sujet dutableau tout en sachant de quelle source littéraire ilest extrait. Il peut gloser tant sur les traditions figuratives qui y sont reconduites que sur les innovations,iconographiques ou stylistiques, qui s’y font jour.Il connaît les circonstances de la commande ou leprojet de l’artiste, les commentaires et les interprétations rédigés sur l’œuvre depuis sa création, et lasignification plus large de celle-ci pour l’époque oùelle a vu le jour.
Évidemment, cette conception n’est pas tout àfait juste. Peu d’historiens de l’art contemporains,même si leur formation les a exposés à chacune deces opérations et à la plupart de ces approches, choisissent de les actualiser toutes dans leur pratique dela discipline ou pourraient même se livrer à une lecture aussi exhaustive à propos de toutes les œuvresque leur regard croise. De plus, cette conceptionest datée, non pas au sens où elle serait dépassée,mais parce qu’elle est historiquement marquée par le modèle iconographique (qui va du déchiffrementdu sujet jusqu’à la prise en compte de son sens plusgénéral pour une époque donnée). Ce modèle, particulièrement adapté pour l’art de la Renaissance, futformulé par Erwin Panofsky, durant les années 1930,et il domina l’histoire de l’art durant le troisièmequart du XX e siècle, même si on mentirait, comme onle verra, à dire qu’il n’en reste plus rien dans l’exerciceactuel de la discipline.
Mais restons encore un moment avec la visionstéréotypée de l’historien de l’art. Elle trahit le plussouvent un parti pris pictocentrique , c’est-à-dire uneprédilection pour la peinture, alors qu’un nombreimportant d’historiens de l’art s’intéressent à d’autressupports que la peinture ou développent une expertise de recherche où la technique des œuvres ne jouepas un rôle déterminant dans le choix des problèmesou des objets d’étude. Néanmoins, cette visionn’est pas complètement erronée et sans fondement.Elle traduit en fait assez bien les talents cultivés parl’historien de l’art en le présentant comme un spécialiste d’une catégorie d’images et d’objets admirables, uniques, précieux, dont le commun des mortelsa souvent le sentiment de jouir sans toujours lescomprendre. On pourra donc imaginer qu’en cetteépoque où l’image triomphe, la perception du travailde l’historien de l’art et la désidérabilité de la formation qu’il détient se trouvent rehaussées. Pourtant,l’ubiquité contemporaine de l’image a des conséquences paradoxales pour la discipline.
Au quotidien, chacun d’entre nous est confrontéà un foisonnement d’images dont on ne trouve pasd’équivalent dans l’histoire : la boîte de céréales dupetit déjeuner, les photos à la une du journal, lespanneaux publicitaires essaimés à travers le parcoursurbain, les illustrations alléchantes du livre de cuisine utilisé pour la préparation du souper, la déferlanted’images qui caractérise une soirée télé ou mêmeune sortie cinéma. Cette omniprésence de l’image, àtravers un nombre sans précédent de supports et deformats, ne favorise guère la notion de singularité del’œuvre. Notre expérience journalière de la prolifération des images, de même que le fait que la plupartde celles-ci soient, de par leur fabrication technologique, reproductibles à l’infini, banalise leur statut,accélère leur consommation et se situe aux antipodesdes préoccupations analytiques de l’historien de l’artenvers un segment bien particulier de la productionvisuelle : les œuvres d’art.
Certes, l’historien de l’art d’aujourd’hui nes’occupe plus seulement de la noble trilogie des« beaux-arts », par lesquels Giorgio Vasari réunissaitau XVI e siècle peinture, sculpture et architecture sousl’égide d’un même principe, le disegno (compris à lafois comme dessin et dessein, technique et visée). Eton peut dire que la pratique des historiens de l’art atoujours eu un cadre plus large que celui de ce glorieux trio. Après tout, pour le spécialiste de l’Antiquité ou du Moyen Âge, la plupart des objets d’étudeéchappent à la catégorisation vasarienne : les mosaïques, les décors de poterie, l’orfèvrerie des reliquaires, les tapisseries murales sont plus importants pourleur champ d’expertise. De même, l’historien de lagravure sait que l’image reproductible ne naît pasau X IX e siècle avec la photographie et il connaît nonseulement les effets singuliers des différentes techniques gravées, mais tout aussi bien leur rôle incontournable pendant des siècles dans la diffusion et lacirculation des monuments artistiques. L’histoire del’art s’intéresse aussi aux arts décoratifs et au designmoderne, à des formes plus populaires, voire contestataires, comme la caricature. Au Québec, alors que la visibilité de la discipline s’est trouvée sérieusementréduite dans l’enseignement collégial avec la fusion,au sein des mêmes cours, d’une introduction aux artset à la littérature, la bande dessinée, à la fois texte etimage, constitue désormais, assez logiquement, maisplutôt démagogiquement, une des formes privilégiées de l’enseignement des arts graphiques. Bref, leterrain d’action de l’historien de l’art s’est significativement élargi. Pourtant, la discipline continue, parson appellation même, à revendiquer la distinction,au sein de la culture visuelle, entre des formes élevéessur lesquelles elle concentre son intérêt et des formespopulaires qu’elle ne considère qu’accessoirement, etencore, à titre de documents, lorsque celles-ci éclairent la création artistique. Il s’ensuit que l’historiende l’art paraît attaché à une conception élitiste de laculture dans un contexte nord-américain où cetteattitude, jugée antidémocratique, est toujours un peususpecte.
Deux facteurs contribuent à étayer cette suspicion :le régime communicationnel sous lequel les imagesprolifèrent aujourd’hui et les incertitudes soulevéespar les pratiques contemporaines de l’art.
Imitation, expression et communication
L’ubiquité des images dans les sociétés occidentalesse joue sous le régime tentaculaire de la communication, le plus souvent au service de la consommation. L’enjeu visé peut être la consommation d’unproduit, d’une marque, des valeurs qui servent àles promouvoir, voire la consommation de l’imagemême. Dans ce contexte, les images défilent ; toutesnaissent égales, mais leur succès est déterminé parleur efficacité, et leur efficacité dépend à son tour dela rapidité et de la clarté avec lesquelles le message qu’elles véhiculent peut être saisi par les destinataires ciblés. L’art n’est plus aujourd’hui, comme il l’aété pendant des siècles, le modèle ou l’étalon de laproduction imagière, ni l’artiste le grand spécialistede la fabrication d’images. Ce rôle a été peu à peudévolu au publicitaire ou à l’expert en communication qui façonnent l’image des produits, qu’il s’agissed’ailleurs d’objets ou de personnes (qu’on pense auxcélébrités, aux politiciens, etc.).
Ce n’est pas dire que les images artistiques ont disparu de la vie quotidienne. Dans le premier numérode l’année 2007 de l’hebdomadaire français Le NouvelObservateur , le Canal-sports s’annonce par unetransformation de l’homme vitruvien de Léonard deVinci, où la célèbre figure idéale de l’artiste italien aété remplacée par la silhouette dessinée d’un golfeurau moment du swing. Dans un contexte américain,le générique d’ouverture du populaire feuilleton télévisé Beautés désespérées ( Desperate Housewives ) faitdéfiler un montage réalisé à partir de citations artistiques (Jan Van Eyck, Lucas Cranach, Andrew Wyeth,Roy Lichtenstein, Andy Warhol). Mais le plaisir dutéléspectateur n’est pas du tout dépendant de sa compréhension ou de sa juste reconnaissance des œuvresconvoquées – encore que cette reconnaissance permette de repérer dans la sélection opérée un endossement d’un devenir américain de l’art, puisque toutesles œuvres choisies au XX e siècle sont états-uniennes :ce plaisir réside simplement dans la reconnaissanceimplicite que les images artistiques traduisent unsouci de paraître sophistiqué ; en outre, leurs manipulations infographiques insistent sur une volontéd’affirmer le caractère audacieux de l’émission, celuid’un feuilleton, d’un soap de l’après-midi, ambitionnant de s’imposer sur le créneau davantage prisé desheures d