Petit à petit, mille fois sur le métier remettre l’ouvrage. Ne rien enlever, ne pas dénaturer. Accepter l’approximation du regard et des mots. Choisir le geste de donner, de reprendre avec André-Line Beauparlant le parti de Ce qui est fragile. Les pages à lire et à regarder ici, en accompagnement d’une rétrospective et d’une exposition (Cinémathèque québécoise, marsavril 2019), sont une entrée dans l’ensemble de l’oeuvre d’André-Line Beauparlant. Dans la part connue du public que représentent les documentaires et la part restée à ce jour secrète : les dessins. L'exposition Ce qui est fragile est à l’image du chemin qui a mené à sa composition, un agencement qui est non seulement un aboutissement, mais l’empreinte d’une manière – sensible, délicate et incertaine – de s’approcher d’une oeuvre.
Au départ de ce projet, des visages du petit frère, Sébastien, dessiné à l’infini. Un prolongement inusité du travail cinématographique que propose André-Line Beauparlant autour de sa famille. S’il nous est apparu essentiel de mettre en lumière et les films et les portraits, il fallait rester fidèles au scintillement de l’ensemble. Trouver une manière discrète de montrer, qui appelle un voir curieux mais prudent, tendre et respectueux. Artistes ou écrivaine, nous avons pris le temps de lire les images; chacune pour attraper ces fulgurances qui échappent d’ordinaire à l’espace public, ce geste artistique qui n’en finit plus d’avoir lieu en privé. Sans avoir à nous le dire, il s’agissait de fuir le silence et l’obscurité (qui sont trop souvent le lot des femmes artistes) et faire apparaître la création au grand jour. S’y prendre autrement en plaçant au coeur de l’exercice un collectif d’artistes : des femmes penchées en même temps, suivant différentes mesures, sur le travail d’autres femmes. Et par là, inventer un lieu d’où lire les images et voir surgir les mots… d’une manière qui ne serait pas finale, toujours en train de se faire.
Avancer, à tâtons. Vouloir essayer encore et encore. Remettre l’ouvrage sur le métier. Accepter l’approximation du regard et des mots. Ne pas dénaturer. Choisir le geste de donner. Et surtout rester avec elle… du côté de la fragilité.
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