267
pages
Français
Ebooks
2018
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Publié par
Date de parution
08 octobre 2018
Nombre de lectures
36
EAN13
9782924847091
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
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08 octobre 2018
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36
EAN13
9782924847091
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Français
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Leroux, David 1985 -
Anesthésie générale
ISBN 978-2-924847-09-1
Édition : Lison Lescarbeau
Assistant à l’édition : Simon d’Astous
Révision : Dominique Stengelin
Correction d’épreuves : Nathalie Savaria
Grille intérieure : Anne-Laure Jean
Mise en pages : Patricia Gaury
Couverture : Camille Lescarbeau
Photo de l’auteur : Lison Lescarbeau
Dépôt légal – 3 e trimestre 2018
© 2018 Éditions Château d’encre inc.
Tous droits réservés.
Les Éditions Château d’encre inc.
2019, rue Moreau, bureau 504
Montréal (Québec) H2M 2M1
chateaudencre.com
À ma famille, pour les racines. À Jenny Langevin, pour les ailes.
PRÉFACE
Dans le domaine des idées comme dans celui de l’explo- ration du monde, le plus long voyage commence toujours par un premier pas. Aussi n’y a-t-il rien de fortuit à voir l’auteur inscrire son entreprise sous le signe du parcours. Un parcours à peine esquissé, on en conviendra, pour ce « jeune trentenaire apatride » malgré lui , qui avoue sans détour le caractère initiatique de sa rencontre avec la pensée d’un polémiste de haut vol, Philippe Muray. L’auteur, empêtré dans un malaise qu’il a du mal à cir- conscrire, et qui est pourtant quasi emblématique de l’entrée dans la vie intellectuelle d’un Québécois, y a trouvé une voie de passage. Penser contre l’empire du bien libertaire qui marque le siècle est certes un choix ardu et périlleux, mais cela peut donner la prise man- quante sur le réel.
Comme bien d’autres avant lui, David Leroux recon- na î t qu’il est difficile de penser dans une culture dominée, marquée par une autocensure aussi sourde qu’omniprésente. Penser dans un Québec captif de son impuissance politique et tétanisé de culpabilité à l’idée même d’affirmer qu’il est pourtant légitime de persévé- rer dans son être, c’est indéniablement s’inscrire dans un espace polémique aux multiples dimensions. C’est à l’exploration de quelques-unes de ces dimensions que se livre ici un David Leroux, dont le travail est por- teur de plus d’une verte promesse. Il a une voix forte, mais posée, une écriture puissante et une ma î trise de la langue qui font de ce petit livre un matériau précieux.
Penser le Québec, le penser dans un contexte de désar- roi collectif travesti sous la rigolade, le penser contre un ordre canadien admirablement en phase avec ce qu’il y a de plus toxique dans le nihilisme marchand et la domination des idéologies de la nébuleuse du multicul- turalisme et du narcissisme diversitaire, voilà le propos de ce livre. Il tient à l’évidence du recueil de textes, mais
du recueil sublimé, pourrait-on dire. La métaphore thérapeutique qui sert à lier et organiser la matière est bien réussie. Ce qui donne à penser ici, c’est le besoin de lutter contre ce qu’il désigne comme une apathie, une anesthésie provoquée par les effets d’une écrasante domination idéologique.
Les forces d’atomisation et de destruction des liens sociaux, les menées contre l’État-nation, la tentation toujours présente de démissionner, de renoncer à poursuivre notre singulière aventure forment autant de thématiques que l’auteur aborde avec fougue et intelligence. Sa solide culture politique, le maniement maîtrisé des concepts, et surtout, l’effort constant d’aller au-delà de la facilité intellectuelle encouragée par les poncifs idéologiques de ce temps, confèrent à ce travail un certain caractère inaugural : par-delà les désaccords ou les nuances qu’il faudrait apporter ici et là, une pen- sée est en train de naître, de prendre forme.
David Leroux fait partie de cette cohorte de jeunes intel- lectuels qui œuvrent à redéfinir la question nationale. Encore ! Car rien ne sera jamais terminé tant que l’in- dépendance ne sera pas faite. La tentation d’abandonner, de renoncer est consubstantielle à la culture québécoise. C’est une angoisse au moins autant qu’une motivation pour qui choisit de s’assumer dans le monde tel qu’il est. Et notre monde à nous, Québécois, est mis au défi de se construire dans un ordre qui le lui interdit. Leroux veut penser hors la censure des vertueux autoproclamés. Il a l’audace d’affirmer que notre aventure pourrait être exemplaire. C’est une position intellectuelle stimulante. Si le Québec est une exception dans la mondialisation, ce n’est pas celle de l’anachronisme et du vestige, mais bien celle de l’inédit. Leroux laisse voir certains contours de cette exception. Il consacre encore un peu trop d’énergie à s’en justifier, mais il a ce qu’il faut pour
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cesser de le faire. Le propre d’une pensée forte est préci- sément de s’assumer comme une force. C’est seulement ainsi qu’elle pourra servir à s’arracher à la servitude. À nourrir la vie plutôt qu’à se justifier devant les fabri- cants de délires mortifères.
Robert Laplante
Août 2018
AVANT-PROPOS
[Loin du centre, près du cœur]
Je suis né loin du centre. J’ai grandi dans le Québec profond, à La Tuque, au milieu de la forêt, à plus de 100 kilomètres de l’urbanité la plus proche. Premier enfant d’une famille restée unie, élevé par des parents aimants et dévoués, j’ai goûté par la famille de ma mère à l’esprit du Québec traditionnel régional, celui où on récoltait la gomme d’ épinette pour arrondir ses fins de mois en la vendant au pharmacien et où l ’on soulageait les poules qui toussent avec des gouttes de gros gin.
Par la famille de mon père, c’est l’esprit de la bour- geoisie canadienne-française enracinée, francophile et cultivée qui m’a été transmis. Rien ne m’a dispos é à la révolte. Tout devait faire de moi un citoyen paisible et culturellement en accord avec la société dans laquelle j’allais évoluer.
Pourtant, un malaise s’est installé lentement. Difficile à nommer d’abord, il est devenu plus insistant, comme la colère sourde d’un orage qui grondait au loin et dont les échos me parvenaient de plus en plus puissamment. J’avais quitté La Tuque et j’ étais devenu Montréalais.
Le temps de mener mes études universitaires, j’ai habit é sur les terres ancestrales de la famille de mon père situées au bord du fleuve, sur les rives du lac Saint-Louis, à Pointe-Claire. L’endroit était tout aussi enchanteur que désarçonnant. Ce point d’ancrage de mes racines les plus profondes était devenu, par la pré- sence dominante de la communauté anglophone, un prolongement culturel de l’Ontario avec ses propres codes, un bastion résistant obstinément au Québec francophone et à ses aspirations politiques.
J’ai donc cherché à comprendre ce malaise qui gran- dissait en moi. J’ai cru – à tort – que d’aller m’installer à l’est du boulevard Saint-Laurent m’aiderait à me
rapprocher de mes semblables. Ce que j’y ai découvert n’a fait qu’amplifier ce sentiment qui gonflait en mon for intérieur.
Au lieu de me retrouver, j’ai pris conscience de la facilité avec laquelle il est possible de s’égarer dans l’universel. Il n’y a plus de temps, puisque tout est instantané.
Tout est disponible à l’individu. Il n’y a plus de dif- férence entre ici et ailleurs. Les causes n’ont plus de frontières. Je suis chez moi partout. Je ne suis chez moi nulle part.
Au temps de l’Empire romain, on parlait d’endormir les masses avec du pain, du vin et des jeux. N’est-ce pas un peu la même chose aujourd’hui ? Le monde s’égare. Les seuls dénominateurs communs sont devenus le bien et la f ête.
La montée des populismes, entre autres symptômes, indique que certains peuples ressentent aussi un malaise culturel et identitaire. Il ne faut surtout pas se mettre en colère ni encore moins réagir face à un monde qui s’atomise.
À plus petite échelle, toujours à l’ est du boulevard Saint-Laurent, je me suis aussi senti étouffé par l’ines- sentiel : tous ces festivals, ces mascarades anarchistes, ces « rassemblements citoyens et festifs » pour l