250
pages
Français
Ebooks
2020
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Publié par
Date de parution
01 décembre 2020
Nombre de lectures
1
EAN13
9791093143552
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Le martiniquais Jean Bernabé (1942-2017) est une figure majeure de la créolistique martiniquaise et l’une des plus importantes de la créolistique mondiale.
Au fil de sa carrière exceptionnellement riche, il fut le grammairien, le créoliste et le militant à qui la langue créole doit sa codification graphique. Il fut aussi un analyste littéraire hors du commun et un romancier. Il fut enfin un penseur, dont cet ouvrage révèle la dimension anthropologique et l’importance hors du champ linguistique.
« Tracées » renvoie précisément aux différentes empreintes de ce cheminement considérable. Toutes sillonnent ces terres au destin incertain que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, au sein d’un monde où migrations et nouvelles technologies rapprochent les peuples mais aussi exacerbent les pulsions nombrilistes.
Le parcours de cet intellectuel méritait d’être étudié car les passages ouverts par Jean Bernabé furent fréquentés, féconds, et justifient sa place aux côtés d'Aimé Césaire, Frantz Fanon et Édouard Glissant au panthéon des personnalités marquantes de l’histoire des Antilles.
Ce livre constitue les actes d’un colloque international qui s’est tenu du 25 au 27 octobre 2017 à l’université des Antilles, campus de Martinique. Il a été organisé par le Centre de Recherches Interdisciplinaires en Lettres Langues Arts et Sciences Humaines [Crillash]. Le Crillash, fondé par Jean Bernabé, est issu du regroupement en 2006 de trois laboratoires de recherches, dont le Groupe d'Études et de Recherches en Espaces Créolophone et Francophone [Gerec-F], fondé également par Jean Bernabé.
Publié par
Date de parution
01 décembre 2020
Nombre de lectures
1
EAN13
9791093143552
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Sous la direction de Gerry L’ ÉTANG , Corinne M ENCE -C ASTER , Raphaël C ONFIANT
Tracées de Jean Bernabé
Colloque international 25-27 octobre 2017 Université des Antilles, Schoelcher, Martinique
S CITEP É DITIONS 2020
La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’Article 41 d’une part que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, que les analyses et courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans consentement de l’auteur ou de ses ayants-droits ou ayants-cause, est illicite (alinéa premier de l’Article 40).
En couverture : Jean Bernabé en 1979, photo de Jean Benoist. Fondal-Natal , de René Louise (acrylique sur PVC, ∅ 80 cm) ; don de l’artiste au C RILLASH en hommage à Jean Bernabé.
Dépôt légal : septembre 2020
© Scitep Éditions
ISBN : 979-10-93143-55-2
SOMMAIRE
Les tracées de Jean Bernabé
Témoignages
Jean Bernabé : un intellectuel ouvert sur la société civile
Paroles de reconnaissance
Voix verte de Jean Bernabé : contre la décréolisation en pays créolophones. De la TPE au laboratoire et à La fabrique du créole
En affectueux souvenir
Il nous appelait Manmay ! Sur les épaules de Jean
Jean Bernabé : « guerrier-silex » de la transmission
Jean Bernabé et la Guyane : le regard du visionnaire
Essais
Jean Bernabé visionnaire : cognition et submorphémique en créole et dans la langue en général
Jean Bernabé ou l’inquiétude étymologique
Jean Bernabé et la réflexion écologique : changement de paradigme dans la créolistique ?
Jean Bernabé : pour une approche rénovée de la créolistique BLF
Variations graphiques de Jean Bernabé
Approche des phénomènes linguistiques en contextes sociodiglossiques
Les modaux du créole martiniquais : des verbes à montée
Du créole au français : pour une didactique contrastive créole-français
L’orthographe du créole haïtien à l’épreuve du sandhi
L’ambition numérique de Jean Bernabé pour les créoles
La problématique de la langue d’écriture dans la réception des textes antillais francophones à l’ère du numérique
Jean Bernabé : un fabricant de concepts
La créolisation, antidote à l’identitarisme
Chapé-kouli. Qui a échappé à quoi ?
De la Quête des gangans au Partage des ancêtres. Une tracée palimpseste de Jean Bernabé
Un roman ? Mode narratif et genre littéraire de La Malgeste des mornes de Jean Bernabé
Jean Bernabé : transmission littéraire d’une créolité en dialogue interculturel
Onomastique et créolité dans les romans de Jean Bernabé
Le bailleur d’étincelle (2002) de Jean Bernabé : naissance d’un romancier et accouchement d’une œuvre
La grande drive de Chimène : entre croyance et réalité
Langue et singularité de la création littéraire en espace créolophone. Ultimes propositions de Jean Bernabé et observations en Guyane
Pour une poétique de la traduction de Partage des ancêtres, de Jean Bernabé
Considérations sur l’émotion traductive en créole
Vers une bibliographie exhaustive de Jean Bernabé ?
Le C RILLASH remercie les institutions qui ont financé le colloque Tracées de Jean Bernabé et la publication de ses actes :
la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) ; le Centre international de recherches, d’échanges et de coopération de la Caraïbe et des Amériques (C IRECCA ) ; la Direction des affaires culturelles (DAC Martinique) ; les commissions Recherche de l’université des Antilles ; la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université des Antilles (UFR LSH).
LES TRACÉES DE JEAN BERNABÉ
Gerry L’É TANG , C ORINNE M ENCÉ- C ASTER & R APHAËL C ONFIANT
Né en 1942 au Lorrain (Martinique), décédé en 2017 à Schœlcher (Martinique), Jean Bernabé fut l’un des plus jeunes agrégés de grammaire française de son temps, féru de grec et de latin, amoureux de la littérature française et promu à un brillant avenir dans ses domaines de prédilection. Rien, sinon son ancrage familial et territorial, ne pouvait laisser prévoir qu’il deviendrait la figure majeure de la créolistique martiniquaise et l’une des plus importantes de la créolistique mondiale. Sa thèse de doctorat d’État, Fondal-Natal, Grammaire basilectale approchée des créoles guadeloupéen et martiniquais , publiée en 1983, influença notablement l’étude des créoles des Petites Antilles et de la Guyane, marquées souvent jusque-là du sceau de l’amateurisme ou de l’alignement sur les études françaises. J. Bernabé tenta en effet d’appliquer les théories de Noam Chomsky à l’analyse des créoles guadeloupéen et martiniquais, chose qui lui permit de questionner et parfois de remettre en cause certains concepts communément admis en créolistique, comme ceux de « diglossie », « continuum » ou « interlecte ». Le créoliste martiniquais avança, notamment, la notion de « double continuum-discontinuum », qui demeure à ce jour une des clés les plus pertinentes pour l’analyse de la situation sociolinguistique de ces deux îles.
Grammairien, linguiste et créoliste, Bernabé le fut, certes, au premier chef. Mais il fut aussi un grand analyste littéraire qui s’attacha, dans des articles désormais incontournables, à décortiquer l’œuvre de Joseph Zobel, Jacques Roumain et Simone Schwarz-Bart à partir de concepts novateurs tels que « la langue indigène du récit », « la langue procurative » ou encore la « langue maternelle/la langue matricielle ». Ces concepts permirent de recentrer l’analyse littéraire sur la question de la langue/des langues, la critique s’étant jusque-là trop focalisée sur les questions biographiques, historiques ou sociologiques, et de montrer qu’écrire aux Antilles « françaises », c’est d’abord et avant tout une question de positionnement, conscient ou non, par rapport à la question linguistique.
Il travailla également à l’équipement de la langue créole. Ses propositions graphiques représentent aujourd’hui les références en matière d’écriture de cette langue, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane. Ces modèles offerts aux scripteurs du créole, débouchèrent sur une normalisation de la langue écrite (au moins dans ses expressions littéraire et académique) dans des sociétés où elle n’était jusqu’alors pas formalisée.
Sa carrière universitaire fut, elle aussi, remarquable, puisqu’il fut deux fois élu doyen de la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’ex-UAG (université des Antilles et de la Guyane), fondateur du G EREC (Groupe d’études et de recherches en espace créolophone), du C RILLASH (Centre de recherches interdisciplinaires en lettres, langues, arts et sciences humaines), créateur de l’UTL (Université du temps libre), du C IRECCA (Centre international de recherches, d’échanges et de coopération de la Caraïbe et des Amériques) et de Radio Campus-FM. Il fut encore un infatigable bâtisseur de diplômes : le D ULCR -C (diplôme universitaire de langue et culture régionales créoles) dans les années quatre-vingt, puis le D ULCR -I (diplôme universitaire de langue et culture régionales option indienne), la licence et la maîtrise de créole dans les années quatre-vingt-dix, le master de créole par la suite, et enfin, le doctorat de Culture et langue régionales créoles. Ces créations de diplômes au sein de l’UAG et son militantisme pour l’enseignement du créole à l’école, débouchèrent sur la création du C APES (Certificat d’aptitude au professorat du second degré) de créole et du CRPE (Concours de recrutement de professeurs des écoles) option créole, dans les années 2000.
Vers la fin de sa carrière, J. Bernabé se lança dans le roman. Auteur de quatre romans écrits dans une langue savante, quoique empreinte par endroits de créolité, ces derniers attendaient qu’un œil neuf vienne les revisiter. Il ne faut pas oublier que tout linguiste qu’il était à l’époque, en 1989 donc, J. Bernabé avait copublié avec Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant le célèbre Éloge de la créolité , manifeste littéraire, culturel et politique qui connut un succès important aussi bien antillais qu’international, en particulier dans les universités des États-Unis et du Canada.
Enfin, outre le créoliste, l’analyste littéraire et le romancier Bernabé ajouta une dernière corde à son arc dans les premières décennies du XXI e siècle : celle du philosophe. Inquiet de la montée des intégrismes de par le monde et craignant que le mouvement de la Créolité qu’il a contribué à fonder ne sombre dans l’identitarisme, il a publié plusieurs articles et essais, dont La dérive identitariste , dans lesquels il se distancie d’une conception essentialiste de l’identité qui se développe en réaction à la globalisation et aux migrations généralisées. D’autres travaux portèrent sur la genèse des sociétés créoles. Dans ces derniers, il élabora le concept essentiel de « rupture générationnelle ».
Mais un tel parcours perdrait de son relief et de sa cohérence s’il n’était mis en relation avec la manière dont la carrière universitaire et les productions scientifiques de J. Bernabé sont entrées en résonance avec les engagements des « activistes » de la cause créole qu’il a su, avec l’aide de R. Confiant, fédérer autour du G EREC -F. En effet, ce que le H CERES (Haut comité d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) a valorisé récemment sous l’appellation de « vulgarisation de la recherche scientifique », Bernabé l’a réalisé bien avant, en partageant, avec les militants de la cause créole, ses travaux scientifiques en créolistique et dans des problématiques afférentes. Autant dire que Bernabé a été attentif à la recherche appliquée, qui a souvent pris la forme de la didactique mais qui s’est aussi traduite par d’autres événements tels que la dictée créole, la journée du créole, etc.
Un tel parcours méritait d’être étudié dans ses différentes « tracées », terme inspiré des travaux de René Ménil et aussi de la fameuse « trace » créole, c’est-à-dire du chemin de traverse qu’affectionnait Édouard Glissant, qui