181
pages
Français
Ebooks
2018
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Français
Ebook
2018
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Publié par
Date de parution
03 décembre 2018
Nombre de lectures
49
EAN13
9782897866730
Langue
Français
Publié par
Date de parution
03 décembre 2018
Nombre de lectures
49
EAN13
9782897866730
Langue
Français
Copyright © 2018 J.A. Baettig
Copyright © 2018 Éditions AdA Inc.
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Émilie Leroux
Conception de la couverture : Félix Bellerose, Martin Gratton
Images de la couverture : © Getty images
Mise en pages : Guillaume Provost
ISBN papier 978-2-89786-671-6
ISBN PDF numérique 978-2-89786-672-3
ISBN ePub 978-2-89786-673-0
Première impression : 2018
Dépôt légal : 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Éditions AdA Inc.
1385, boul. Lionel-Boulet
Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada
Téléphone : 450 929-0296
Télécopieur : 450 929-0220
www.ada-inc.com
info@ada-inc.com
Diffusion Canada : Éditions AdA Inc. France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99 Suisse : Transat — 23.42.77.40 Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99
Imprimé au Canada
Participation de la SODEC.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Baettig, J.A., 1982-, auteur
13 lunes / J.A. Baettig.
Public cible : Pour les jeunes de 13 ans et plus.
ISBN 978-2-89786-671-6
I. Titre. II. Titre : Treize lunes. PS8603.E25T73 2018 jC843’.6 C2018-941155-4 PS8603.E25T73 2018
À Sonia, qui m’a accueillie à bras ouverts dans sa famille. À Lisette, qui m’a rappelé qu’il fallait croire en ses rêves.
INSPIRÉ D’UNE HISTOIRE VRAIE
Tandis que les chrétiens contemplent le coucher du soleil, les sorcières observent le lever de la lune.
LUNE DU LOUP
LEXIE • Une fois mes bagages enregistrés et les contrôles de sécurité passés, je rejoignis la porte d’embarquement. L’avion qui m’amènerait de New York à Montréal s’apparentait plus à une navette d’omnibus qu’à un appareil pour les vols internationaux. Les passagers étaient pour la plupart des gens d’affaires qui transitaient entre les deux villes, comme pouvaient en attester les costards-cravates, les portables à la fine pointe de la technologie et les exemplaires du New York Times occupant la salle d’attente. Une agitation frénétique habitait les lieux. Certains pianotaient sur leur téléphone intelligent, d’autres arpentaient les rangées de sièges en simili cuir, gesticulant et effectuant des échanges boursiers en yens ou en dollars. Une vraie réunion d’affaires ! Sans grand espoir, je balayai rapidement la zone d’attente du regard en quête d’un siège, mais je ne fus pas surprise de voir que toutes les places étaient déjà prises. Je m’assis donc un instant sur un des bancs qui bordaient l’allée centrale.
Une légère vague d’incertitude m’envahit. Après avoir travaillé si dur, avais-je vraiment eu raison de tout abandonner ? À bien y réfléchir, ma vie comportait certains avantages non négligeables : une carrière enviable, un luxueux appartement dans un quartier chic de Manhattan, une voiture de fonction avec chauffeur, une garde-robe plus grande que certains studios d’étudiant... Voilà à quoi avait ressemblé mon quotidien durant les cinq dernières années, contrairement à ce que pouvait laisser penser ma tenue actuelle : jeans usé, vieilles Converse grises et t-shirt noir décolleté des plus banals.
Jetant un regard terne de l’autre côté de l’allée, j’observai un instant les passagers en partance pour Zurich. Leurs habits plus décontractés, un brin estivaux, me rappelèrent que nous étions en plein mois de juin. À passer ma vie derrière les vitres de mon bureau climatisé, j’en étais venue jusqu’à oublier le passage des saisons. À vrai dire, pendant près de 10 ans, j’avais tout oublié : qu’il y avait une vie en dehors du travail et des études ; ce que c’était d’avoir des amis ; le plaisir, le repos, le fait de profiter de la vie ou de la chaleur d’un rayon de soleil sur sa peau. J’avais passé mes jours et mes nuits à faire sortir mes clients de prison ou à empêcher qu’ils s’y retrouvent, sans m’apercevoir que j’étais moi-même prisonnière. Au-delà du prestige et de la réussite sociale, le succès de ma carrière semblait n’avoir eu d’égal que le désastre de ma vie amoureuse.
Assis juste en face de moi, trois jeunes dans la vingtaine, deux gars et une fille, attendaient le départ de leur avion. Les cheveux blancs comme neige de la jeune fille retinrent un instant mon attention. Peut-être la dernière mode en matière de look capillaire, ou le caprice d’une starlette de l’industrie du spectacle qui poussait le vice jusqu’à estimer indispensable de porter ses lunettes de soleil alors même que nous nous trouvions à l’intérieur, derrière des vitres teintées. Dans tous les cas, la jeune femme était assise, les jambes repliées sous elle, tendrement lovée dans les bras du jeune homme à sa gauche. Quant au deuxième gars, visiblement plus jeune, il triait religieusement le contenu d’un paquet de M&M’S. Cette vision provoqua en moi un léger pincement au cœur. Combien aurais-je donné pour connaître ce bonheur, cet abandon simple et serein !
Une annonce à l’interphone pria les voyageurs à destination de Zurich de se mettre en file pour l’embarquement et la jeune femme abaissa un instant ses lunettes de soleil afin de lire le panneau audessus de nous. L’intensité du vert émeraude de ses yeux me fit sursauter. Jamais dans ma vie je n’avais vu de couleur aussi intense dans les yeux de quelqu’un. Si ce n’était les miens. Le temps que je me ressaisisse, la jeune femme avait déjà reposé ses lunettes de soleil sur son nez, et le jeune couple rejoignit la file des passagers à la porte d’embarquement. Le plus jeune se leva à leur suite, mais lorsqu’il ramassa son sac, ce dernier céda sur un côté, et un livre de biochimie du collège de médecine de New York tomba au sol.
— Luel ! Niah ! Wait for me please 1 ! lança-t-il en direction du jeune couple.
— Jorge ! Come on 2 ! répondit la jeune fille en se retournant.
L’espace d’un instant, nos regards se croisèrent et après une hésitation, elle releva ses lunettes de soleil et m’adressa un clin d’œil complice. Le garçon les rejoignit en quelques enjambées et tous les trois disparurent dans le bras télescopique. Dans six heures, ils débarqueraient sur un autre continent.
Qu’en était-il de moi ? Dans quoi m’embarquais-je ?
LEXIE • Une heure trente plus tard, j’étais de retour au Québec après neuf ans d’absence. Au comptoir des valets de l’aéroport Montréal-Trudeau, j’accusai réception de mon Audi TT blanche dernier modèle. Je l’avais achetée quelques jours plus tôt en ligne grâce à ma Visa Gold, sans même avoir fait d’essai routier. Mais de tous les modèles allemands, c’était sur celui-ci que j’avais craqué. Élégante, lignes épurées, et conception sportive et agressive, elle était à l’image de mon caractère. L’homme au comptoir, vraisemblablement d’origine haïtienne, 1,90 m, l’ossature large, me détailla longuement, essayant en vain d’établir un quelconque lien entre la femme en jeans effiloché qui se trouvait devant lui et le nouveau modèle flambant neuf, trois portes, vitres teintées, jantes chromées et aileron arrière qui sommeillait paresseusement un peu plus loin. Dans la mesure où tous les papiers étaient en règle, il fut bien obligé de me remettre les clés du petit bolide, symbole du luxe qui avait été à ma portée ces cinq dernières années. Son collègue avança la voiture et chargea mes quelques bagages dans le coffre. Avec un frisson de plaisir, je glissai mes mains sur le cuir du volant avant de faire vrombir le moteur. Le ronronnement du V6 vibra à travers tout mon corps et je me délectai de ce formidable sentiment de liberté et de puissance. Au volant de mon nouvel amour, j’éprouvai un immense sentiment de fierté et pour un instant, une joie intense m’envahit. Ma main gauche sur le volant, je caressai la douceur du pommeau de vitesses de l’autre. Ces dernières s’enchaînaient de manière fluide tandis que le moteur ronronnait comme un gros matou, les poils en moins.
Pour la deuxième fois de ma vie, le bitume de la Transcanadienne défila sous mes roues. La première fois, c’était en sens inverse, 12 ans auparavant. Depuis, beaucoup de choses avaient changé, à commencer par moi. Toutefois, l’état déplorable, voire postapocalyptique des routes du Québec, lui, était resté le même. La journée défila sans même que je le remarque, le pied au plancher, le cœur léger, ne m’arrêtant que pour remplir le réservoir et vider ma vessie.
En fin d’après-midi, alors que je longeais le Saint-Laurent, une pluie violente s’abattit sur la région. Mes essuie-glaces battaient de toutes leurs forces sous les trombes d’eau et je dus réduire ma vitesse à 50 km/h alors que des lames d’eau en provenance du fleuve passaient par-dessus les rocailles de la digue, menaçant de m’emporter. Plus d’une fois, je sentis la voiture dériver sur la gauche et me demandai pourquoi diable personne n’avait jamais songé à installer une glissière de sécurité entre le fleuve et la route. Heureusement, je connaissais bien la région, pour la simple et bonne raison que j’étais née ici, à Jersey Cove très précisément, au fin fond de la Gaspésie. Une Gaspésie plus inhospitalière que jamais, en ce soir de tempête.
Une heure encore s’écoula et soudain, mon seul souci ne fut plus l’eau qui s’abattait sur mon pare-brise, mais bien celle qui menaçait de faire exploser ma vessie. N’ayant aucune envie d’être détrempée de la tête aux pieds, je priai pour qu’une aire de repos ou une station d’essence fasse rapidement son apparition. Mais prier pour une station-service en Gaspésie, c’était l’équivalent de prier pour qu’un élan traverse Time Square. Une autre heure s’écoula avant qu’enfin j’aperçoi