« Auprès de mon écritoire » , livre ebook

icon

944

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2018

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

944

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2018

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Le Fribourgeois François Pierre de Reynold (1709-1759) a laissé un document majeur pour l'étude d'un microcosme social sous l'Ancien Régime : quatre cahiers, dans lesquels il consigne l'essentiel de sa correspondance active entre 1732 et 1754. La variété de ces lettres, tant par les sujets qu'elles abordent que par la gamme contrastée de leurs destinataires, propose un témoignage exceptionnel de la vie quotidienne, mais aussi de l'organisation politique, des rapports sociaux et des conditions économiques qui régissent Fribourg au mitan du xvıııe siècle, avec, en toile de fond, les échos de l'histoire européenne.

Rédigées en majorité en français, mais aussi en allemand (64 lettres), avec quelques incursions vers l'italien, voire le latin, ces lettres sont également un reflet précieux des mécanismes subtils associés à une culture bilingue. Elles témoignent de la prééminence du français comme langue de la "bonne société", mais soulignent de plus l'importance de l'allemand, langue officielle du régime patricien.

L'attirance manifeste de l'épistolier pour la culture française ne contredit en rien son sentiment d'appartenance à un univers distinct : en enregistrant la modeste production des heures passées "auprès de son écritoire", il annonce la prise de conscience identitaire qui se généralisera à la fin du siècle.

Voir icon arrow

Date de parution

01 octobre 2018

Nombre de lectures

0

EAN13

9782889302109

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2018
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
ISBN papier 978-2-88930-173-7
ISBN PDF 978-2-88930-209-3
ISBN Epub 978-2-88930-210-9
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
La présente édition a été rendue possible grâce à diverses contributions financières. Nous adressons notre reconnaissance, pour leur précieux soutien,
à la Fondation Pierre et Pierre-Félix Glasson, et à son administrateur M. Jean-Jacques Glasson ;
au Fonds d’Action facultaire de l’Université de Fribourg ;
aux Archives de l’État de Fribourg ;
à la Bourgeoisie de Fribourg.

 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020.
 
Illustration de couverture : Extrait du Copie-lettres de François Pierre de Reynold.
 
Responsable d’édition : Sandra Lena


Remerciements
Un document aussi complexe que le Copie-lettres de François Pierre de Reynold requérait l’association de diverses compétences. Aussi avons-nous fait appel à plusieurs collègues que nous remercions vivement pour leur fructueuse collaboration :
Pierre Schuwey, qui a participé à la transcription des lettres, a traduit les lettres en latin et a pris en charge l’annotation des citations et des remarques relatives à la culture latine ;
Pascal Pichonnaz, qui a apporté son expertise d’historien du droit à l’éclairage des propos de nature juridique ;
Umberto Motta, qui a évalué la langue des lettres italiennes ;
Catherine Waeber, Ivan Andrey, Colette Guisolan-Dreyer, Aloys Lauper, Christophe Mauron, Romain Jurot qui ont contribué à l’illustration du volume et à l’identification des lieux mentionnés ;
Christophe Schuwey, sollicité à plusieurs reprises pour le traitement informatique des données ;
le Deutscher Geschichtsforschender Verein des Kantons Freiburg, qui a facilité l’administration du projet.
L’annotation des lettres nous a en outre régulièrement invités à frapper à la porte de collègues dont les compétences pouvaient résoudre l’une ou l’autre énigme ponctuelle. David Aeby, David Blanck, Alain Bosson, Leonardo Broillet, Denis Buchs, † Philippe Gardaz, Jean-Jacques Glasson, Nicolas de Gottrau, Jacques Jenny, Norbert King, Bertrand Marceau, Fabien Python, Daniel de Raemy, Christophe de Reyff, Brigitte Schuwey et Kourosh Zahedi méritent à ce titre notre cordiale gratitude.
Les cahiers manuscrits du Copie-lettres de François Pierre de Reynold ont été généreusement mis à notre disposition par leurs propriétaires actuels, M. et Mme Marcel de Gottrau. Que le présent travail soit à la mesure de la confiance qu’ils nous ont accordée.
Enfin, nous remercions de tout cœur notre collègue Claire Gantet pour son encouragement et ses diverses marques d’intérêt à l’endroit de notre entreprise, intérêt qu’elle a bien voulu concrétiser en acceptant de rédiger la préface de ce volume.


Préface C LAIRE  G ANTET
« Pour achever de remplir le petit vuide de cette feuïlle, je vous dirai que je quitte mon logement [ … ] . Je ne gagne pas au change ; mais la nécessité de vivre d’oeconomie m’y oblige » (L. 160). La phrase finale d’une lettre envoyée le 7 mai 1741 par François Pierre de Reynold à son frère Ignace, alors à Lyon, nous plonge dans un monde de l’économie : économie morale d’un gestionnaire familial un peu chiche, condamné au célibat et peu à peu intégré dans la vie politique de sa ville qu’il sert avec scrupule et modestie, économie d’un papier qu’il se garde bien – quoi qu’il en dise – de gâcher « en le barbouillant sans regle ni methode » (L. 121), économie d’une vie et d’une écriture où se jouent des représentations sociales et une individualité à l’œuvre.
C’est d’abord à la quête de l’individu de l’époque moderne que la recherche historique s’est lancée, en exhumant diaires, chroniques et représentations du moi. Emboîtant le pas à l’historien de l’art bâlois Jacob Burkhardt (1818-1897) – et à sa thèse de l’apparition de l’individu guidé par une subjectivité durant la Renaissance italienne, tandis que l’État moderne se dégageait des cadres corporatifs –, l’historien des mentalités Philippe Braunstein affirma avec force que la Renaissance avait été le théâtre de « la naissance du sujet » : l’autobiographie naquit lorsque fut inventé un registre de récit de soi-même indépendant de l’histoire et de l’apologétique, progressivement dégagé des formes narratives propres à mettre en scène l’individu socialisé : le modèle augustinien (la confession), l’enregistrement des faits mémorables (la chronique), et le souci de noter au jour le jour ce qu’un bon gestionnaire doit conserver à l’esprit pour lui-même et pour les siens (le livre de raison) 1 . L’analyse de Philippe Braunstein marquait une inflexion des Annales, d’une approche quantitative de ladite culture populaire, vers une perspective plus qualitative. L’historien est néanmoins plus fossoyeur qu’accoucheur. Il sait mieux isoler et expliquer des fins qu’identifier des « naissances » chargées de valeurs. L’étude des textes où s’exprime un témoignage personnel devint ainsi réellement scientifique lorsqu’on la scinda de la thématique plus ou moins téléologique de la formation de l’État européen et de la modernité 2 .
Le débat s’est en particulier développé dans une Allemagne marquée, dans les années 1980-1990, par l’affirmation d’une virulente histoire des catégories sociales à l’université-pilote de Bielefeld et, en réaction polémique à elle, par le succès de la microhistoire. Un historien néerlandais, Jacob Presser, avait en 1958 forgé le terme d’« egodocument » pour caractériser des « sources historiques de caractère personnel » 3 . La discussion ne rebondit réellement qu’en 1993, lorsque Rudolf Dekker rassembla sous le nom d’egodocuments des diaires, des autobiographies, des mémoires, des lettres personnelles et des récits de voyage, soit 1 600 textes recensés dans l’espace des Pays-Bas septentrionaux entre 1500 et 1814 4 . Quasiment simultanément, Winfried Schulze plaidait avec force pour l’incorporation du néologisme Ego-Dokument à la langue allemande, en élargissant le corpus concerné à tous les textes qui livrent des interprétations, des valeurs ou un savoir individuel, y compris donc aux actes de procès 5 . Contre cette acception englobante et floue, Benigna von Krusenstjern et Hans Medick prônaient l’étude des Selbstzeugnisse , c’est-à-dire des textes écrits volontairement par une personne (et non sous la contrainte directe d’une institution) et thématisant le moi agissant ou souffrant : seuls entraient en ligne de compte certaines chroniques, certains diaires, certains mémoires, certains récits de voyage et certaines lettres ou correspondances 6 . C’est cette acception plus restreinte et précise du Selbstzeugnis qui a été reçue au niveau international. Dans l’espace alémanique, Kaspar von Greyerz a ainsi dirigé un projet de collation et d’étude dans une perspective d’histoire des mentalités ouverte à l’anthropologie historique ( Mentalitätsgeschichte ), une entreprise poursuivie par Danièle Tosato-Rigo à Lausanne et qui a donné lieu à une base de données interrogeable gratuitement 7 . L’intérêt présenté par de telles sources a suscité un projet pan-européen de recensement général 8 .
En tant que texte non-fictionnel, produit sans contrainte institutionnelle directe par une personne « ordinaire » (quoi qu’on mette précisément sous ce vocable) qui parle d’elle-même, des siens et de sa communauté, le Copie-lettres de François Pierre de Reynold – édité grâce à un travail collectif des Archives de l’État de Fribourg et de l’Université de Fribourg 9  – est un exemple éminent d’écrit personnel. Il témoigne en lui-même de la diversité des langages de type autobiographique dans la première moitié du XVIII e  siècle. Les formules finales en particulier manifestent d’abord non seulement des hiérarchies d’honneur et de rang, mais aussi la maîtrise des règles de l’art épistolaire et des variations de langues contemporaines 10 .
Lors du voyage à Innsbruck et du bref séjour à Munich, entre le printemps et l’automne 1734, les lettres se transforment en récit de voyage. Présentant la procession du Vendredi saint dans l’ancienne résidence impériale d’Innsbruck, Reynold critique la pratique masculine de la flagellation, par analogie peut-être au pesant cérémonial habsbourgeois d’origine espagnole : « ist mir anfangs spannisch vorkom [ m ] en » (L. 045) ; la description du château fait voir le faste, y compris de la salle d’armure et du cabinet de curiosités (L. 065). À Munich (L. 083 et 085), la résidence du prince-électeur et ses châteaux de Nymphenbourg et de Schleissheim sont à leur tour brossés dans le style apologique des récits de voyage (et peut-être à travers eux des éloges de ville).
Ailleurs, c’est la tournure comptable du livre de raison qui semble guider l’écriture, lorsque Reynold évoque ses vêtements et le travers du luxe (L. 160 et 161) en dévoilant une représentation de l’ordre social, ou lorsqu’il relate le détail de ses repas, allant même jusqu’à suggérer des recettes – ainsi la tête de veau non écorchée, mais pelée, suivie de pieds de mouton (L. 054), propre à ôter l’appétit à tout lecteur du XXI e  siècle.
Reynold est atteint du mal du siècle, surtout chez les lettrés auxquels il s’apparente, bon an mal an, par son « goût » de l’épistolaire (L. 168) : la mélancolie. Son écriture relève alors du champ historiographique très dynamique des « lettres de patients » 11 . Conformément à l’approche très corporelle de la mélancolie au XVIII e  siècle, il décrit son urine, sa constipation, ses maux de tête et insomnies, responsables de « la decadence de ma santé » (L. 131-132, L. 142) 12 . L’écriture et la santé se conditionnent mutuellemen

Voir icon more
Alternate Text