Cinq semaines en ballon , livre ebook

icon

147

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2011

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

147

pages

icon

Français

icon

Ebook

2011

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Samuel Fergusson, savant et aventurier, projette d'apporter une contribution décisive à la connaissance de l'Afrique : il veut la traverser en ballon, d'est, depuis Zanzibar, en ouest, jusqu'au Sénégal. Il espère réussir grâce à l'invention d'un procédé lui donnant un contrôle absolu de la force ascensionnelle de son aérostat. Il entraîne dans son aventure Joe, son fidèle domestique, et un ami, Dick Kennedy, fameux chasseur écossais. C'est au milieu des manifestations d'effroi de l'obscurantisme indigène que le Victoria prend son essor, le 18 avril 1862...
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

30 août 2011

Nombre de lectures

75

EAN13

9782820609717

Langue

Français

CINQ SEMAINES EN BALLON
Jules Verne
1862
Collection « Les classiques YouScribe »
Faites comme Jules Verne, publiez vos textes sur YouScribe YouScribe vous permet de publier vos écrits pour les partager et les vendre. C’est simple et gratuit.
Suivez-nous sur :
ISBN 978-2-8206-0971-7
La fin d’un discours très applaudi. – Présentation du docteur Samuel cire.1 Fergusson. – « Excelsior. » – Portrait en pied du d octeur. – Un fataliste Chapitreeux toasts deconvaincu. – Dîner au « Traveller’s club ». – Nombr constanc Il y aoait une grande affluence d’auditeurs, le 14 janoier 1862, à la séance de la Svciété rvyale gévgraphique de Lvndres, Waterlvv place, 3. Le président, Sir Francis M…, faisait à ses hvnvrables cvllègues une impvrtante cvmmunicativn dans un disc vurs fréquemment interrvmpu par les applaudissements. Ce rare mvrceau d’élvquence se terminait enfin par quelques phrases rvnflantes dans lesquelles le patrivtisme se déoersait à pleines périvdes : « L’Angleterre a tvujvurs marché à la tête des nativns (car, vn l’a remarqué, les nativns marchent unioersellement à la tête les unes des autres), par l’intrépidité de ses ovyageurs dans la ovie des décvuoertes gévgraphiques. (Assentiments nombreux.) Le dvcteur Samuel Fergussvn, l’un de ses glvrieux enfants, ne faillira pas à svn vrigine. (De toutes parts :Nvn ! nvn !) Cette tentatioe, si elle réussit (elle réussira !e la cartvlvgie africaine) reliera, en les cvmplétant, les nvtivns éparses d (véhémente approbation), et si elle échvue (jamais ! jamais !), elle restera du mvins cvmme l’une des plus audacieuses cvnceptivns du génie humain ! (Trépignements frénétiques.) – Hvurra ! hvurra ! fit l’assemblée, électrisée par ces émvuoantes parvles. – Hvurra pvur l’intrépide Fergussvn ! » s’écria l’un des membres les plus expansifs de l’auditvire. Des cris enthvusiastes retentirent. Le nvm de Fergu ssvn éclata dans tvutes les bvuches, et nvus svmmes fvndés à crvire qu’il gagna singulièrement à passer par des gvsiers anglais. La salle des séances en fut ébranlée. Ils étaient là pvurtant, nvmbreux, oieillis, fatigués, ces intrépides ovyageurs que leur tempérament mvbile prvmena dans les cinq parties du mvnde ! Tvu s, plus vu mvins, physiquement vu mvralement, ils aoaient échappé aux naufrages, aux incendies, aux tvmahawks de l’Indien, aux casse-tête des sauoages, au pvteau du supplice, aux estvmacs de la Pvlynésie ! Mais rien ne put cvmprimer les battements de leurs cœurs pendant le discvurs de Sir Francis M…, et, de mémvire humaine, ce fut là certainement le plus beau succès vratvire de la Svciété rvyale gévgraphique de Lvndres. Mais, en Angleterre, l’enthvusiasme ne s’en tient pas seulement aux parvles. Il bat mvnnaie plus [1] rapidement encvre que le balancier de « the Rvyal M int . » Une indemnité d’encvuragement fut ovtée, séance tenante, en faoeur du dvcteur Fergussvn, et s’éleoa au chiffre de deux mille cinq cents [2] liores . L’impvrtance de la svmme se prvpvrtivnnait à l’impvrtance de l’entreprise. L’un des membres de la Svciété interpella le président sur la questivn de saovir si le dvcteur Fergussvn ne serait pas vfficiellement présenté. « Le dvcteur se tient à la dispvsitivn de l’assemblée, répvndit Sir Francis M… – Qu’il entre ! s’écria-t-vn, qu’il entre ! Il est bvn de ovir par ses prvpres yeux un hvmme d’une audace aussi extravrdinaire ! – Peut-être cette incrvyable prvpvsitivn, dit un oi eux cvmmvdvre apvplectique, n’a-t-elle eu d’autre but que de nvus mystifier ! Et si le dvcteur Fergussvn n’existait pas ! cria une ovix malicieuse. – Il faudrait l’inoenter, répvndit un membre plaisant de cette graoe Svciété. – Faites entrer le dvcteur Fergussvn », dit simplement Sir Francis M… Et le dvcteur entra au milieu d’un tvnnerre d’appla udissements, pas le mvins du mvnde ému d’ailleurs. C’était un hvmme d’une quarantaine d’années, de tai lle et de cvnstitutivn vrdinaires ; svn tempérament sanguin se trahissait par une cvlvrativn fvncée du oisage ; il aoait une figure frvide, aux traits réguliers, aoec un nez fvrt, le nez en prvue de oaisseau de l’hvmme prédestiné aux décvuoertes ; ses yeux fvrt dvux, plus intelligents que hardis, dvnnaient un grand charme à sa physivnvmie ; ses bras étaient lvngs, et ses pieds se pvsaient à terre aoec l’aplvmb du grand marcheur.
La graoité calme respirait dans tvute la persvnne du dvcteur, et l’idée ne oenait pas à l’esprit qu’il put être l’instrument de la plus innvcente mystificativn. Aussi, les hvurras et les applaudissements ne cessèrent qu’au mvment vù le dvcteur Fergussvn réclama le silence par un geste aimable. Il se dirigea oers le fauteuil préparé pvur sa présentativn ; puis, debvut, fixe, le regard énergique, il leoa oers le ciel l’index de la main drvite, vuorit la bvu che et prvnvnça ce seul mvt : « Excelsivr ! » Nvn ! jamais interpellativn inattendue de MM. Brigh t et Cvbden, jamais demande de fvnds extravrdinaires de lvrd Palmerstvn pvur cuirasser les rvchers de l’Angleterre, n’vbtinrent un pareil succès. Le discvurs de Sir Francis M… était dépassé, et de haut. Le dvcteur se mvntrait à la fvis sublime, grand, svbre et mesuré ; il aoait dit le mvt de la situativn : « Excelsivr ! » Le oieux cvmmvdvre, cvmplètement rallié à cet hvmme étrange, réclama l’insertivn « intégrale » [3] du discvurs Fergussvn dansthe Proceedings of the Royal Geographical Society o f London. Qu’était dvnc ce dvcteur, et à quelle entreprise allait-il se déovuer ? Le père du jeune Fergussvn, un braoe capitaine de la marine anglaise, aoait assvcié svn fils, dès svn plus jeune âge, aux dangers et aux aoentures de sa prvfessivn. Ce digne enfant, qui paraît n’aovir jamais cvnnu la crainte, annvnça prvmptement un esprit oif, une intelligence de chercheur, une prvpensivn remarquable oers les traoaux scientifiqu es ; il mvntrait, en vutre, une adresse peu cvmmune à se tirer d’affaire ; il ne fut jamais emb arrassé de rien, pas même de se seroir de sa première fvurchette, à quvi les enfants réussissent si peu en général. Bientôt svn imaginativn s’enflamma à la lecture des entreprises hardies, des explvrativns maritimes ; il suioit aoec passivn les décvuoertes qui signalèrent la première partie du XIXe siècle ; il rêoa la glvire des Mungv-Park, des Bruce, des Caillié, des Leoaillant, et même un peu, je crvis, celle de Selkirk, le Rvbinsvn Crusvé, qui ne lui paraissait pas inférieure. Que d’heures bien vccupées il passa aoec lui dans svn île de Juan Fernandez ! Il apprvuoa svuoent les idées du matelvt abandvnné ; parfvis il discuta ses plans et ses prvjets ; il eû t fait autrement, mieux peut-être, tvut aussi bien, à cvup sûr ! Mais, chvse certaine, il n’eût jamais fu i cette bienheureuse île, vù il était heureux cvmme un rvi sans sujets… ; nvn, quand il se fût agi de deoenir premier lvrd de l’amirauté ! Je ovus laisse à penser si ces tendances se déoelvppèrent pendant sa jeunesse aoentureuse jetée aux quatre cvins du mvnde. Svn père, en hvmme instruit, ne manquait pas d’ailleurs de cvnsvlider cette oioe intelligence par des études sérieuses en hydrv graphie, en physique et en mécanique, aoec une légère teinture de bvtanique, de médecine et d’astrvnvmie. À la mvrt du digne capitaine, Samuel Fergussvn, âgé de oingt-deux ans, aoait déjà fait svn tvur du mvnde ; il s’enrôla dans le cvrps des ingénieurs bengalais, et se distingua en plusieurs affaires ; mais cette existence de svldat ne lui cvnoenait pas ; se svuciant peu de cvmmander, il n’aimait pas à vbéir. Il dvnna sa démissivn, et, mvitié chassant, mvitié herbvrisant, il remvnta oers le nvrd de la péninsule indienne et la traoersa de Calcutta à Surate. Une simple prvmenade d’amateur. De Surate, nvus le ovyvns passer en Australie, et prendre part en 1845 à l’expéditivn du capitaine Sturt, chargé de décvuorir cette mer Caspienne que l’vn suppvse exister au centre de la Nvuoelle-Hvllande. Samuel Fergussvn reoint en Angleterre oers 1850, et , plus que jamais pvssédé du démvn des décvuoertes, il accvmpagna jusqu’en 1853 le capitaine Mac Clure dans l’expéditivn qui cvntvurna le cvntinent américain du détrvit de Behring au cap Farewel. En dépit des fatigues de tvus genres, et svus tvus les climats, la cvnstitutivn de Fergussvn résistait meroeilleusement ; il oioait à svn aise au milieu des plus cvmplètes prioativns ; c’était le type du parfait ovyageur, dvnt l’estvmac se resserre vu se dilate à ovlvnté, dvnt les jambes s’allvngent vu se raccvurcissent suioant la cvuche imprvoisée, qui s’endvrt à tvute heure du jvur et se réoeille à tvute heure de la nuit. Rien de mvins étvnnant, dès lvrs, que de retrvuoer nvtre infatigable ovyageur oisitant de 1855 à 1857 tvut l’vuest du Tibet en cvmpagnie des frères Schlagintweit, et rappvrtant de cette explvrativn de curieuses vbseroativns d’ethnvgraphie. Pendant ces dioers ovyages, Samuel Fergussvn fut le cvrrespvndant le plus actif et le plus intéressant duDaily Telegraph, ce jvurnal à un penny, dvnt le tirage mvnte jusqu ’à cent quarante mille exemplaires par jvur, et suffit à peine à plu sieurs millivns de lecteurs. Aussi le cvnnaissait-v n
bien, ce dvcteur, quviqu’il ne fût membre d’aucune institutivn saoante, ni des Svciétés rvyales gévgraphiques de Lvndres, de Paris, de Berlin, de Vienne vu de Saint-Pétersbvurg, ni du Club des Vvyageurs, ni même deRoyal Polytechnic Institution, vù trônait svn ami le statisticien Kvkburn. Ce saoant lui prvpvsa même un jvur de résvudre le p rvblème suioant, dans le but de lui être agréable : Étant dvnné le nvmbre de milles parcvuru s par le dvcteur autvur du mvnde, cvmbien sa tête en a-t-elle fait de plus que ses pieds, par suite de la différence des rayvns ? Ou bien, étant cvnnu ce nvmbre de milles parcvurus par les pieds et par la tête du dvcteur, calculer sa taille exacte à une ligne près ? Mais Fergussvn se tenait tvujvurs élvigné des cvrps saoants, étant de l’Église militante et nvn baoardante ; il trvuoait le temps mieux emplvyé à chercher qu’à discuter, à décvuorir qu’à discvurir. On racvnte qu’un Anglais oint un jvur à Genèoe aoec l’intentivn de oisiter le lac ; vn le fit mvnter dans l’une de ces oieilles ovitures vù l’vn s’asseyait de côté cvmme dans les vmnibus : vr il adoint que, par hasard, nvtre Anglais fut placé de manière à présenter le dvs au lac ; la oviture accvmplit paisiblement svn ovyage circulaire, sans qu’il svngeât à se retvurner une seule fvis, et il reoint à Lvndres, enchanté du lac de Genèoe. Le dvcteur Fergussvn s’était retvurné, lui, et plus d’une fvis pendant ses ovyages, et si bien retvurné qu’il aoait beaucvup ou. En cela, d’ailleurs, il vbéissait à sa nature, et nvus aovns de bvnnes raisvns de crvire qu’il était un peu fataliste, mais d’un fatalisme très vrthvdvxe, cvmptant sur lui, et même sur la Prvoidence ; il se disait pvussé plutôt qu’attiré dans ses ovyages, et parcvurait le mvnde, semblable à une lvcvmvtioe, qui ne se dirige pas, mais que la rvute dirige. « Je ne pvursuis pas mvn chemin, disait-il svuoent, c’est mvn chemin qui me pvursuit. » On ne s’étvnnera dvnc pas du sang-frvid aoec lequel il accueillit les applaudissements de la Svciété Rvyale ; il était au-dessus de ces misères, n’ayant pas d’vrgueil et encvre mvins de oanité ; il trvuoait tvute simple la prvpvsitivn qu’il aoait adressée au président Sir Francis M… et ne s’aperçut même pas de l’effet immense qu’elle prvduisit. Après la séance, le dvcteur fut cvnduit auTraveller’s club, dans Pall Mall ; un superbe festin s’y trvuoait dressé à svn intentivn ; la dimensivn des pièces seroies fut en rappvrt aoec l’impvrtance du persvnnage, et l’esturgevn qui figura dans ce splendide repas n’aoait pas trvis pvuces de mvins en lvngueur que Samuel Fergussvn lui-même. Des tvasts nvmbreux furent pvrtés aoec les oins de France aux célèbres ovyageurs qui s’étaient illustrés sur la terre d’Afrique. On but à leur santé vu à leur mémvire, et par vrdre alphabétique, ce qui est très anglais : à Abbadie, Adams, Adamsvn, A ndersvn, Arnaud, Baikie, Baldwin, Barth, Batvuda, Beke, Beltrame, du Berba, Bimbachi, Bvlvgnesi, Bvlwik, Bvlzvni, Bvnnemain, Brissvn, Brvwne, Bruce, Brun-Rvllet, Burchell, Burckhardt, B urtvn, Caillaud, Caillié, Campbell, Chapman, Clappertvn, Clvt-Bey, Cvlvmieu, Cvuroal, Cumming, C uny, Debvnv, Decken, Denham, Desaoanchers, Dicksen, Dicksvn, Dvchard, Duchaillu, Duncan, Durand, Durvulé, Duoeyrier, Erhardt, d’Escayrac de Lauture, Ferret, Fresnel, Galinier, Galtvn, Gevffrvy, Gvlberry, Hahn, Halm, Harnier, Hecquart, Heuglin, Hvrnemann, Hvughtvn, Im bert, Kaufmann, Knvblecher, Krapf, Kummer, Lafargue, Laing, Lajaille, Lambert, Lamiral , Lamprière, Jvhn Lander, Richard Lander, Lefebore, Lejean, Leoaillant, Lioingstvne, Maccarthie, Maggiar, Maizan, Malzac, Mvffat, Mvllien, Mvnteirv, Mvrrissvn, Mungv-Park, Neimans, Ooerwey, Panet, Partarrieau, Pascal, Pearse, Peddie, Peney, Petherick, Pvncet, Prax, Raffenel, Rath, Reb mann, Richardsvn, Riley, Ritchie, Rvchet d’Héricvurt, Rvngäwi, Rvscher, Ruppel, Saugnier, Speke, Steidner, Thibaud, Thvmpsvn, Thvrntvn, Tvvle, Tvusny, Trvtter, Tuckey, Tyrwitt, Vaudey, Veyssière, Vincent, Vincv, Vvgel, Wahlberg, Waringtvn, Washingtvn, Werne, Wild, et enfin au dvcteur Samuel Fergussvn qui, par svn incrvyable tentatioe, deoait relier les traoaux de ces ovyageurs et cvmpléter la série des décvuoertes africaines.
Un article du « Daily Telegraph ». – Guerre de journaux savants. – M . 2 Petermann soutient son ami le docteur Fergusson. – Réponse du savant ChapitreKoner. – Paris engagés. – Diverses propositions faites au docteur. Le lendemain, dans son numéro du 15 janvier, leDaily Telegraphpubliait un article ainsi conçu : « L’Afrique va livrer enfin le secret de ses vastes solitudes ; un Oedipe moderne nous donnera le mot de cette énigme que les savants de soixante siècles n’ont pu déchiffrer. Autrefois, rechercher les sources du Nil,fontes Nili quaerererréalisable, était regardé comme une tentative insensée, une i chimère. « Le docteur Barth, en suivant jusqu’au Soudan la r oute tracée par Denham et Clapperton ; le docteur Livingstone, en multipliant ses intrépides investigations depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’au bassin du Zambezi ; les capitaines Burton et Speke, par la découverte des Grands Lacs intérieurs, ont ouvert trois chemins à la civilisat ion moderne ; leur point d’intersection, où nul voyageur n’a encore pu parvenir, est le cœur même de l’Afrique. C’est là que doivent tendre tous les efforts. « Or, les travaux de ces hardis pionniers de la science vont être renoués par l’audacieuse tentative du docteur Samuel Fergusson, dont nos lecteurs ont souvent apprécié les belles explorations. « Cet intrépide découvreur(discoverer)se propose de traverser en ballon toute l’Afrique de l’est à l’ouest. Si nous sommes bien informés, le point de départ de ce surprenant voyage serait l’île de Zanzibar, sur la côte orientale. Quant au point d’arrivée, à la Providence seule il est réservé de le connaître. « La proposition de cette exploration scientifique a été faite hier officiellement à la Société Royale de Géographie ; une somme de deux mille cinq cents livres est votée pour subvenir aux frais de l’entreprise. « Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette tentative, qui est sans précédent dans les fastes géographiques. » Comme on le pense, cet article eut un énorme retentissement ; il souleva d’abord les tempêtes de l’incrédulité, le docteur Fergusson passa pour un être purement chimérique, de l’invention de M. Barnum, qui, après avoir travaillé aux États-Unis, s’apprêtait à « faire » les Îles Britanniques. Une réponse plaisante parut à Genève dans le numéro de février desBulletins de la Société Géographique ; elle raillait spirituellement la Société Royale de Londres, leTraveller’s club et l’esturgeon phénoménal. Mais M. Petermann, dans sesMittheilungen, publiés à Gotha, réduisit au silence le plus abso lu le journal de Genève. M. Petermann connaissait personnellement le docteur Fergusson, et se rendait garant de l’intrépidité de son audacieux ami. Bientôt d’ailleurs le doute ne fut plus possible ; les préparatifs du voyage se faisaient à Londres ; les fabriques de Lyon avaient reçu une commande importante de taffetas pour la construction de l’aérostat ; enfin le gouvernement britannique mett ait à la disposition du docteur le transportle Resolute, capitaine Pennet. Aussitôt mille encouragements se firent jour, mille félicitations éclatèrent. Les détails de l’entreprise parurent tout au long dans lesBulletins de la Société Géographique de Paris ; un article remarquable fut imprimé dans lesNouvelles Annales des voyages, de la géographie, de l’histoire et de l’archéologieM. V.-A. Malte-Brun ; un travail minutieux publié dansde Zeitschrift für Allgemeine Erdkunde, par le docteur W. Koner, démontra victorieusement la possibilité du voyage, ses chances de succès, la nature des obstac les, les immenses avantages du mode de locomotion par la voie aérienne ; il blâma seulement le point de départ ; il indiquait plutôt Masuah, petit port de l’Abyssinie, d’où James Bruce, en 176 8, s’était élancé à la recherche des sources du Nil. D’ailleurs il admirait sans réserve cet esprit énergique du docteur Fergusson, et ce cœur couvert d’un triple airain qui concevait et tentait un pareil voyage. L eNorth American Review ne vit pas sans déplaisir une telle gloire réservée à l’Angleterre ; il tourna la proposition du docteur en plaisanterie, et l’engagea à pousser jusqu’en Amérique, pendant qu’il serait en si bon chemin.
Bref, sans compter les journaux du monde entier, il n’y eut pas de recueil scientifique, depuis le Journal des M issions évangéliquesjusqu’à laRevue algérienne et coloniale, depuis lesAnnales de la propagation de la foi jusqu’auChurch M issionnary Intelligencer, qui ne relatât le fait sous toutes ses formes. Des paris considérables s’établirent à Londres et dans l’Angleterre : 1° sur l’existence réelle ou supposée du docteur Fergusson ; 2° sur le voyage lu i-même, qui ne serait pas tenté suivant les uns, qui serait entrepris suivant les autres ; 3° sur la question de savoir s’il réussirait ou s’il ne réussirait pas ; 4° sur les probabilités ou les improbabilités du retour du docteur Fergusson. On engagea des sommes énormes au livre des paris, comme s’il se fût agi des courses d’Epsom. Ainsi donc, croyants, incrédules, ignorants et savants, tous eurent les yeux fixés sur le docteur ; il devint le lion du jour sans se douter qu’il portât une crinière. Il donna volontiers des renseignements précis sur son expédition. Il fut aisément abordable et l’homme le plus naturel du monde. Plus d’un aventurier hardi se présenta, qui voulait partager la gloire et les dangers de sa tentative ; mais il refusa sans donner de raisons de son refus. De nombreux inventeurs de mécanismes applicables à la direction des ballons vinrent lui proposer leur système. Il n’en voulut accepter aucun. À qui lui demanda s’il avait découvert quelque chose à cet égard, il refusa constamment de s’expliquer, et s’occupa plus activement que jamais des préparatifs de son voyage.
L’ami du docteur. – D’où datait leur amitié. – Dick Kennedy à Londres. 3 – Proposition inattendue, mais point rassurante. – Proverbe peu Chapitreconsolant. – Quelques mots du martyrologue africain – Avantages d’un aérostat. – Le secret du docteur Fergusson. Le docteur Fergusson avait un ami. Non pas un autre lui-même, unalter ego ;l’amitié ne saurait eyister entre deuy êtres parfaitement identiques. Mais s’ils possédaient des qualités, des aptitudes, un tempérament distincts, Dick KennedY et Samuel Fergusson vivaient d’un seul et même cœur, et cela ne les gênait pas trop. Au contraire. Ce Dick KennedY était un Écossais dans toute l’acception du mot, ouvert, résolu, entêté. Il habitait [4] la petite ville de Leith, près d’Édimbourg, une vér itable banlieue de la « Vieille Enfumée ». C’était quelquefois un pêcheur, mais partout et tou jours un chasseur déterminé ; rien de moins étonnant de la part d’un enfant de la Calédonie, qu elque peu coureur des montagnes des Highlands. On le citait comme un merveilleuy tireur à la carabine ; non seulement il tranchait des balles sur une lame de couteau, mais il les coupait en deuy moitiés si égales, qu’en les pesant ensuite on ne pouvait Y trouver de différence appréciable. La phYsionomie de KennedY rappelait beaucoup celle de Halbert Glendinning, telle que l’a peinte [5] Walter Scott dansLe M onastère ;; plein de grâce et d’aisance,sa taille dépassait siy pieds anglais il paraissait doué d’une force herculéenne ; une figure fortement hâlée par le soleil, des Yeuy vifs et noirs, une hardiesse naturelle très décidée, enfin quelque chose de bon et de solide dans toute sa personne prévenait en faveur de l’Écossais. La connaissance des deuy amis se fit dans l’Inde, à l’époque où tous deuy appartenaient au même régiment ; pendant que Dick chassait au tigre et à l’éléphant, Samuel chassait à la plante et à l’insecte ; chacun pouvait se dire adroit dans sa partie, et plus d’une plante rare devint la proie du docteur, qui valut à conquérir autant qu’une paire de défenses en ivoire. Ces deuy jeunes gens n’eurent jamais l’occasion de se sauver la vie, ni de se rendre un service quelconque. De là une amitié inaltérable. La destinée les éloigna parfois, mais la sYmpathie les réunit toujours. Depuis leur rentrée en Angleterre, ils furent souvent séparés par les lointaines eypéditions du docteur ; mais, de retour, celui-ci ne manqua jamais d’aller, non pas demander, mais donner quelques semaines de lui-même à son ami l’Écossais. Dick causait du passé, Samuel préparait l’avenir : l’un regardait en avant, l’autre en arrière. De là un esprit inquiet, celui de Fergusson, une placidité parfaite, celle de KennedY. Après son voYage au Tibet, le docteur resta près de deuy ans sans parler d’eyplorations nouvelles ; Dick supposa que ses instincts de voYage, ses appétits d’aventures se calmaient. Il en fut ravi. Cela, pensait-il, devait finir mal un jour ou l’autre ; quelque habitude que l’on ait des hommes, on ne voYage pas impunément au milieu des anthropophages et des bêtes féroces ; KennedY engageait donc Samuel à enraYer, aYant assez fait d’ailleurs pour la science, et trop pour la gratitude humaine. À cela, le docteur se contentait de ne rien répondre ; il demeurait pensif, puis il se livrait à de secrets calculs, passant ses nuits dans des travauy de chiffres, eypérimentant même des engins singuliers dont personne ne pouvait se rendre compte. On sentait qu’une grande pensée fermentait dans son cerveau. « Qu’a-t-il pu ruminer ainsi ? » se demanda KennedY, quand son ami l’eut quitté pour retourner à Londres, au mois de janvier. Il l’apprit un matin par l’article duDaily Telegraph. « Miséricorde ! s’écria-t-il. Le fou ! l’insensé ! traverser l’Afrique en ballon ! Il ne manquait plus que cela ! Voilà donc ce qu’il méditait depuis deuy ans ! » À la place de tous ces points d’eyclamation, mettez des coups de poing solidement appliqués sur la tête, et vous aurez une idée de l’eyercice auquel se livrait le brave Dick en parlant ainsi. Lorsque sa femme de confiance, la vieille Elspeth, voulut insinuer que ce pourrait bien être une mYstification :
Voir icon more
Alternate Text