L'africanité dans la littérature caribéenne. - Continuité littéraire et culturelle de l'Afrique aux Amériques , livre ebook

icon

356

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2021

Écrit par

Publié par

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

356

pages

icon

Français

icon

Ebook

2021

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

L’africanité des cultures caribéennes se résume-t-elle à de lointaines survivances plus ou moins folkloriques, ou n’en constituet- elle pas plutôt le fondement ? Telle est la question que s’attache à résoudre le présent ouvrage.La littérature, miroir des peuples, peinture des cultures et expression artistique, permet de percevoir la continuité culturelle et littéraire, entre le continent africain et sa diaspora caribéenne. La confrontation de romans caribéens francophones et anglophones d’une part, africains de l’Afrique subsaharienne et de l’Afrique centrale d’autre part, révèle des traits culturels communs et des topoï littéraires d’une zone à l’autre : traumatismes coloniaux, protection et adaptation de l’héritage ancestral, valeurs spirituelles communes, problématiques linguistiques, peinture des luttes de résistance aux premiers rangs desquelles se retrouve l’écrivain lui-même.Cette étude comparatiste, qui puise parfois dans l’oraliture caribéenne et africaine, comme dans la littérature caribéenne hispanophone, invite à percevoir les expressions culturelles afro-caribéennes comme un prolongement des expressions culturelles africaines, offrant ainsi un plus large panorama du monde littéraire et culturel noir.
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

23 septembre 2021

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811129101

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

8 Mo

L’africanité des cultures caribéennes se résume-t-elle à de lointaines survivances plus ou moins folkloriques, ou n’en constitue-t-elle pas plutôt le fondement ? Telle est la question que s’attache à résoudre le présent ouvrage.
La littérature, miroir des peuples, peinture des cultures et expression artistique, permet de percevoir la continuité culturelle et littéraire, entre le continent africain et sa diaspora caribéenne. La confrontation de romans caribéens francophones et anglophones d’une part, africains de l’Afrique subsaharienne et de l’Afrique centrale d’autre part, révèle des traits culturels communs et destopoï littéraires d’une zone à l’autre : traumatismes coloniaux, protection et adaptation de l’héritage ancestral, valeurs spirituelles communes, problématiques linguistiques, peinture des luttes de résistance aux premiers rangs desquelles se retrouve l’écrivain lui-même.
Cette étude comparatiste, qui puise parfois dans l’oraliture caribéenne et africaine, comme dans la littérature caribéenne hispanophone, invite à percevoir les expressions culturelles afro-caribéennes comme un prolongement des expressions culturelles africaines, offrant ainsi un plus large panorama du monde littéraire et culturel noir.
Ena ELUTHER est une Guadeloupéenne, professeure certifiée de langue guadeloupéenne, docteure ès lettres, spécialiste des littératures caribéennes et africaines. Sa thèse intitulée « L’Africanité dans la littérature caribéenne » soutenue en 2013 à l’Université du Mans, sous la direction du professeur Benaouda Lebdai, est une démonstration de la continuité culturelle et littéraire de l’Afrique aux Amériques. Sa réflexion porte sur les questions du traumatisme et de l’acculturation des peuples africains de l’Afrique et des Amériques, ainsi que sur les voies de résistance dans les littératures africaines et afro-caribéennes/afro-américaines.
Lettres du Sud
Collection dirigée par Henry TOURNEUX
Ena Eluther
L
a
f
r
i
c
a
n
i
t
é
dans la littérature caribéenne
L’AFRICANITÉ DANS LA LITTÉRATURE CARIBÉENNE
Couverture :
Visitez notre site : www.karthala.com Paiement sécurisé
Sonjéde Djibril Succab, janvier 2019, œuvre reproduite avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Éditions KARTHALA, 2021
Ena Eluther
L’africanité dans la littérature caribéenne
Continuité littéraire et culturelle de l’Afrique aux Amériques
Éditions KARTHALA22-24, bd Arago 75013 Paris
IntroductionParler de littérature, c’est parler des hommes. Aussi la littérature peut-elle être appréhendée comme objet de connaissance du monde, des peuples et des cultures. La dimension représentative du texte littéraire autorise une telle 1 démarche de recherche, déjà entreprise par certains chercheurs . Cette entre-prise épistémologique se justifie davantage pour des peuples dont le passé historique a été brouillé, pour lesquels le discours historiographique a été confisqué. Pour cette raison, l’affirmation que les littératures caribéennes et africaines sont des « littératures anthropologiques » prend tout son sens. Celles-ci constituent l’objet du présent ouvrage consacré à l’étude littéraire d’une composante ethnoculturelle de la région des Amériques : la compo-sante africaine. Le cœur des « Amériques noires » (Bastide, 1967) constitue donc le cadre de notre étude : la Caraïbe, qui regroupe autant les pays sous domination politique et/ou linguistique française qu’anglophone, hispanophone... Pour la zone francophone, la Guyane ne peut en être exclue, tant son histoire et sa littérature sont mêlées aux histoires et littératures guadeloupéennes et marti-niquaises, du fait du colonisateur commun. Les littératures afro-caribéennes appréhendées dans leur unité et comparées aux littératures africaines, peuvent former un ensemble géographique et/ou culturel dont l’homogénéité a aupa-ravant été mise en relief. Colette Maximin, dansLittératures caribéennes comparées, détermine les axes qui définissent l’existence propre de l’entité caribéenne : des territoires qui encerclent la mer des Caraïbes, des sociétés marquées par le système esclavagiste, et, partant, par l’apport massif de l’Afrique, 1. Voir Eva Canterella,Les Peines de mort en Grèce et à Rome, Paris, Albin Michel, 2000 : l’auteure, professeure de droit grec et de d roit romain, utilise les textes littéraires de l’antiquité gréco-romaine pour retracer un historique de la conception de la peine de mort (des peines de mort) dans les s ociétés antiques occidentales. Voir également l’étude anthropologique d’Ulrike SchuerkensLa Colonisation dans la littérature africaine, Paris, L’Harmattan, 1994.
6 L’AFRICANITÉ DANS LA LITTÉRATURE CARIBÉENNEdes produits coloniaux où fut durable et plus profonde l’empreinte des métropoles et des États-Unis, des prototypes du pluralisme, où le dualisme originaire est compliqué par l’irruption d’une Asie dynamique (quelques minorités de provenance indienne se transformant ici et là en majorités) [...] (Maximin, 1996, p. 10). L’auteure démontre la réalité d’une unité littéraire caribéenne translinguis-tique, fondée sur une histoire et une culture communes. L’idée que les pays encerclant la mer des Caraïbes, peuplés de descendants d’Africains, ayant connu traite négrière et esclavage, forment un ensemble cohérent – malgré les spécificités imposées par les diverses puissances colonisatrices – se trouve déjà chez Éric Williams, qui insistait sur la portée politique d’un regroupe-ment des pays caribéens, alors que les discours revendicatifs et autonomistes e de la deuxième moitié duXXsiècle gagnaient les pays sous tutelle, ceux d’Afrique, ceux d’Asie : les pays caribéens n’ont pas manqué à l’appel. Acte éminemment politique, « au moment où les Antillais tentent résolument de s’opposer à une balkanisation encore accrue de leur région et présentent un 2 front uni au monde extérieur » (Williams, 1975, p. 14). DansL’Histoire des Caraïbes, 1492-1969 :de Christophe Colomb à Fidel Castro, l’historien trinidadien délimite ainsi son champ d’étude : Le présent ouvrage traite de toute la zone antillaise, y compris les Guyanes, que la tutelle étrangère ait été anglaise, française, espagnole, américaine et hollandaise ou danoise, qu’elle y ait pris fin ou qu’elle soit sur le point d’y prendre fin (Williams, 1975, p. 14). Cependant, la délimitation ethnoculturelle proposée par le chercheur guyanais Oscar Ronald Dathorne dans sonDark Ancestor : The Literature of the Black Man in the Caribbean, correspond plus justement à la probléma-tique de notre travail : The southern rim of the United States, eastern Mexico, and the Caribbean regions of Central America, Brazil, Venezuela, and the Guyanas demarcate the borders of that area of the Black man’s New World terrain that is significant in this discussion. The inner zone of this area, especially the Caribbean Islands, provides the focus of this study, although I will consider Canada, the United States, and Central and South America when relevant (Dathorne, 1981, p. 1). L’histoire sert de ciment à cette étude comparatiste transnationale et trans-linguistique se fondant sur deux postulats de base : l’unité culturelle afro-2. Ces propos, extraits de l’introduction de l’ouvra ge, datent du 10 octobre 1969 ; mais ils demeurent valables jusqu’à aujourd’hui.
 INTRODUCTION 7 caribéenne et l’unité culturelle africaine – l’on se restreint ici à l’ensemble culturel homogène regroupant l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Cette vision, cette entreprise s’expliquent et se justifient effectivement par une approche historique. En effet, la Caraïbe que nous connaissons aujour-d’hui, fut bâtie par des mouvements historiques sans précédent. L’extermi-nation des peuples autochtones, la déportation massive d’Africains arrachés à e3 leur terre, la quasi-déportation des Indiens auXIXsiècle ... La naissance et la e e mise en place du système capitaliste en Europe auxXIV-XVsiècles eurent pour effet, dans une quête effrénée de profit, l’instauration du commerce triangulaire qui déversa dans les Amériques des millions d’Africains et d’Africaines, et ce, pendant quatre siècles. Ces mouvements humains, on les désigne par les termes de Traite négrière et d’exploitation coloniale. Il en résulte aujourd’hui que la Caraïbe est majoritairement peuplée de descendants de ces Africains déportés, de Nègres issus du système esclavagiste et planta-tionnaire, d’hommes et de femmes noirs tout simplement. De nos jours, l’on estime que la population d’Afro-descendants des Amériques oscille entre 4 5 120 millions et 150 millions . Néanmoins, ce peuplement majoritairement noir est considéré comme « métissé », aux confluents de plusieurs influences, et donc définitivement séparé de sa matrice, le continent africain. Cependant, la notion de métissage nécessite discussion. Le terme, dérivé de l’adjectif métisissu du latin (lui-même mixtus signifiant « mélangé »), est défini comme l’union féconde entre hommes et femmes de groupes humains présentant un certain degré de différenciation génétique. Le métissage se présente donc comme le mélange entre races différentes : le concept même de « race » est d’ailleurs une invention occidentale, tout comme celui de e « métis » qui est apparu auXVIsiècle, dans le contexte de l’asservissement de millions d’Africains par les Européens (Kandé, 1999, p. 13). Car, si tous les peuples, toutes les civilisations ont connu des brassages de populations, c’est bien le contexte colonial et esclavagiste qui a eu intérêt à hiérarchiser et,
3. Jacques Weber, dans son article « La vie quotidie nne à bord des “coolie ship” à destination des Antilles. Traite des Noirs et “coolie trade” : la traversée », (dansLes Indes antillaises, Présence et situation des commun autés indiennes en milieu caribéen, sous la direction de Roger Toumson), cite l’historien britannique Hugh Tinker, auteur d’un livre intituléA New System of Slavery. The export of Indian labour overseas, 1830-1920(Londres, 1974). 4. Chaliand et Rageau (estimation datant de 1991), cités dansLa Diaspora noire des Amériques; Kevin A. Yelvington, lui,, Christine Chivallon, Paris, CNRS, 2004 avance le nombre de 124 millions (dansThe Anthropology of Afro-Latin America and the Caribbean: diasporic dimensions, p. 246 ; d’après R. Monge Oviedo, « Are we or aren’t we ? »,Rep. Am., 1992, 25 (4), p. 19). 5. Selon Mónica Carrillo, jeune directrice de Lundu, un centre d’études et de promotion des Afropéruviens,<www.afriblog.com>.
8 L’AFRICANITÉ DANS LA LITTÉRATURE CARIBÉENNE6 de ce fait, à distinguer les groupes humains . L’historique du mot « métis » brossé par Roger Toumson, dansMythologie du métissage(Toumson, 1988, p. 87), révèle que, dès le début, le terme référait au domaine animal et que, 7 par conséquent, il fut très tôt porteur d’une connotation péjorative . La classi-fication des produits de « l’union » de deux individus de race différente par 8 les Européens répond bien sûr à une volonté de hiérarchisation sociale au sein de l’univers concentrationnaire des Amériques, où le Blanc est bien 9 évidemment posé comme l’élément de référence . Ainsi donc, le substantif « métissage » est profondément ancré dans l’histoire de la systématisation de l’inégalité des races humaines, opérée par des théoriciens européens tels Cornélius de Pauw, Moreau de Saint-Méry, Antoine Furetière, ainsi que tous ceux qui ont fixé sur le papier, et de ce fait légitimé et légalisé, les termes que Portugais, Espagnols, Français, entre autres, utilisaient pour animaliser ceux 10 qu’ils exploitaient (Toumson, 1988, p. 92). La notion reste par conséquent, prisonnière de la fabrication théorique raciste et déshumanisante que les Européens ont mise en place pour mieux asservir. Nous voulons insister sur le fait qu’il s’agit surtout d’un discours, d’une idéologie du métissage, plutôt que d’une réalité historique. En conséquence, bien que certains prétendent que les Noirs de la Caraïbe ne sont plus africains, mais qu’ils sont « métissés », « européanisés », nous 6. Cependant, depuis l’Égypte antique, existe le sen timent d’appartenance à la race noire, puisque Kemet, nom que les anciens Égyptiens ont attribué à leur terre, signifierait « Terre des Noirs ». 7. « Indifféremment appliqué aux animaux et aux êtres humains, le mot est, au propre et au figuré, d’emblée péjoratif, synonyme de “basse extraction” » Roger Toumson, 1989,p. 88. 8. Étant entendu que dans un système esclavagiste et colonial, le terme « union » est totalement inapproprié, puisqu’il s’agissait le plus souvent d’exercer son pouvoir par des viols fréquents. Au contraire, l’emploi du mot « produits » pour désigner les enfants de ces « unions », retranscrit, lui, tout à fait la valeur marchande attribuée aux « non-Blancs » dans ce même système. 9. Sylvie Kandé, 1999, p. 15 : « Le français contemp orain, comme le note Michel Laronde dansAutour du roman beur, ne recense plus que les unions impliquant ladite race blanche, placée ainsi en position média ne ; si “Blanc + Noir” donne “mulâtre”, et “Blanc + Jaune” “eurasien”, il n’existe guère de codification pour “Noir + Jaune” ». L’on constate ici, que les anciennes stratifications demeurent ! 10. Citons ici Roger Toumson : « Le mot “Métis” a pou r référent animalier l’espèce canine, le mot “Mulâtre” étant référé, pour sa part, à l’espèce des équidés. C’est à partir du paradigme ainsi constitué que se sont édi fiées les taxinomies dont Cornélius de Pauw et Moreau de Saint-Méry ont fait, à l’échelle des colonies françaises d’Amérique, la synthèse. Descriptive, hi storique, normative, psycho-logique, génétique ou structurale, la définition de chacun des degrés séparant le Noir, l’Indien ou le Métis du Blanc repose, du bas au haut de l’échelle des valeurs sociales, morales et esthétiques, sur des différenc iations génotypiques, phéno-typiques ou morphologiques ».
Voir icon more
Alternate Text