Mémoires de Vidocq , livre ebook

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Eugène-François Vidocq (1775-1857)



"Je ne sais quelle espèce d’individus MM. De Sartines et Lenoir employaient pour faire la police des voleurs, mais ce que je sais bien, c’est que sous leur administration les filous étaient privilégiés, et qu’il y en avait bon nombre dans Paris. Monsieur le lieutenant-général se souciait peu de les réduire à l’inaction, ce n’était pas là son affaire ; seulement il n’était pas fâché de les connaître, et de temps à autre, quand il les savait habiles, il les faisait servir à son divertissement.


Un étranger de marque venait-il visiter la Capitale, vite M. le lieutenant-général mettait à ses trousses la fleur des filous, et une récompense honnête était promise à celui d’entre eux qui serait assez adroit pour lui voler sa montre ou quelque autre bijou de grand prix.


Le vol consommé, M. le lieutenant-général en était aussitôt averti, et quand l’étranger se présentait pour réclamer, il était émerveillé ; car à peine avait-il signalé l’objet, que déjà il lui était rendu.


M. de Sartines, dont on a tant parlé et dont on parle tant encore à tort et à travers, ne s’y prenait pas autrement pour prouver que la police de France était la première police du monde. De même que ses prédécesseurs, il avait une singulière prédilection pour les filous, et tous ceux dont il avait une fois distingué l’adresse, étaient bien certains de l’impunité. Souvent il leur portait des défis ; il les mandait alors dans son cabinet, et lorsqu’ils étaient en sa présence, "Messieurs, leur disait-il, il s’agit de soutenir l’honneur des filous de Paris ; on prétend que vous ne ferez pas tel vol... ; la personne est sur ses ardes, ainsi prenez vos précautions et songez bien que j’ai répondu du succès."



De bagnard évadé à chef de la sûreté, en passant par indicateur, Vidocq se raconte, se met en scène...

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Publié par

Date de parution

13 août 2019

Nombre de lectures

6

EAN13

9782374634401

Langue

Français

Mémoires de Vidocq

chef de la police jusqu'en 1827
aujourd'hui propriétaire et fabricant de papiers à Saint-Mandé

Tome III et IV


Eugène-François Vidocq


Août 2019
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-440-1
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 441
TOME III

« Que l’on n’accuse pas ces pages d’être licencieuses, ce ne sont pas là ces récits de Pétrone, qui portent le feu dans l’imagination, et font des prosélytes à l’impureté. Je décris les mauvaises mœurs, non pour les propager, mais pour les faire haïr. Qui pourrait ne pas les prendre en horreur, puisqu’elles produisent le dernier degré de l’abrutissement ? »

Mémoires, tome III.
XXXI

M. de Sartines et M. Lenoir. – Les filous avant la révolution. – Le divertissement d’un lieutenant-général de police. – Jadis et aujourd’hui. – Les muets de l’abbé Sicard et les coupeurs de bourse. – La mort de Cartouche. – Premiers voleurs agents de la Police. – Les enrôlements volontaires et les bataillons coloniaux. – Les bossus alignés et les boiteux mis au pas. – Le fameux Flambard et la belle Israélite. – Histoire d’un chauffeur devenu mouchard ; son avancement dans la garde nationale parisienne. – On peut être patriote et grinchir. – Je donne un croc-en-jambe à Gaffré. – Les meilleurs amis du monde. – Je me méfie. – Deux heures à Saint-Roch. – Je n’ai pas les yeux dans ma poche. – Le vieillard dans l’embarras. – Les dépouilles des fidèles. – Filou et mouchard, deux métiers de trop. – Le danger de passer devant un corps de garde. – Nouveau croc-en-jambe à Gaffré. – Goupil me prend pour un dentiste. – Une attitude.

Je ne sais quelle espèce d’individus MM. De Sartines et Lenoir employaient pour faire la police des voleurs, mais ce que je sais bien, c’est que sous leur administration les filous étaient privilégiés, et qu’il y en avait bon nombre dans Paris. Monsieur le lieutenant-général se souciait peu de les réduire à l’inaction, ce n’était pas là son affaire ; seulement il n’était pas fâché de les connaître, et de temps à autre, quand il les savait habiles, il les faisait servir à son divertissement.
Un étranger de marque venait-il visiter la Capitale, vite M. le lieutenant-général mettait à ses trousses la fleur des filous, et une récompense honnête était promise à celui d’entre eux qui serait assez adroit pour lui voler sa montre ou quelque autre bijou de grand prix.
Le vol consommé, M. le lieutenant-général en était aussitôt averti, et quand l’étranger se présentait pour réclamer, il était émerveillé ; car à peine avait-il signalé l’objet, que déjà il lui était rendu.
M. de Sartines, dont on a tant parlé et dont on parle tant encore à tort et à travers, ne s’y prenait pas autrement pour prouver que la police de France était la première police du monde. De même que ses prédécesseurs, il avait une singulière prédilection pour les filous, et tous ceux dont il avait une fois distingué l’adresse, étaient bien certains de l’impunité. Souvent il leur portait des défis ; il les mandait alors dans son cabinet, et lorsqu’ils étaient en sa présence, « Messieurs, leur disait-il, il s’agit de soutenir l’honneur des filous de Paris ; on prétend que vous ne ferez pas tel vol... ; la personne est sur ses gardes, ainsi prenez vos précautions et songez bien que j’ai répondu du succès. »
Dans ces temps d’heureuse mémoire, M. le lieutenant-général de police ne tirait pas moins vanité de l’adresse de ses filous, que feu l’abbé Sicard de l’intelligence de ses muets ; les grands seigneurs, les ambassadeurs, les princes, le roi lui-même étaient conviés à leurs exercices. Aujourd’hui on parie pour la vitesse d’un coursier, on pariait alors pour la subtilité d’un coupeur de bourse ; et dans la société souhaitait-on s’amuser, on empruntait un filou à la police, comme maintenant on lui emprunte un gendarme. M. de Sartines en avait toujours dans sa manche une vingtaine des plus rusés, qu’il gardait pour les menus plaisirs de la cour ; c’étaient d’ordinaire des marquis, des comtes, des chevaliers, ou tout au moins des gens qui avaient toutes les manières des courtisans, avec lesquels il était d’autant plus aisé de les confondre, qu’au jeu, un même penchant pour l’escroquerie établissait entre eux une certaine parité.
La bonne compagnie, dont les mœurs et les habitudes ne différaient pas essentiellement de celles des filous, pouvait, sans se compromettre, les admettre dans son sein. J’ai lu, dans des mémoires du règne de Louis XV, qu’on les priait pour une soirée, comme de nos jours on prie, l’argent à la main, le célèbre prestidigitateur, M. Comte, ou quelque cantatrice en renom.
Plus d’une fois, à la sollicitation d’une duchesse, un voleur réputé pour ses bons tours fut tiré des cabanons de Bicêtre ; et si, mis à l’épreuve, ses talents répondaient à la haute opinion que la dame s’en était formée, il était rare que, pour se maintenir en crédit, peut-être aussi par galanterie, M. le lieutenant-général n’accordât pas la liberté d’un sujet si précieux. À une époque où il y avait des grâces et des lettres de cachet dans toutes les poches, la gravité d’un magistrat, quelque sévère qu’il fût, ne tenait pas contre une espièglerie de coquin, pour peu qu’elle fut comique ou bien combinée : dès qu’on avait étonné ou fait rire, on était pardonné. Nos ancêtres étaient indulgents et beaucoup plus faciles à égayer que nous ; ils étaient aussi beaucoup plus simples et beaucoup plus candides : voilà sans doute pourquoi ils faisaient tant de cas de ce qui n’était ni la simplicité, ni la candeur... À leurs yeux, un roué était le nec plus ultra , de l’admirable ; ils le félicitaient, ils l’exaltaient, ils aimaient à conter ses prouesses et à se les faire conter. Ce pauvre Cartouche, quand on le conduisit à la Grève, toutes les dames de la cour fondaient en larmes ; c’était une désolation.
Sous l’ancien régime, la police n’avait pas deviné tout le parti que l’on peut tirer des voleurs : elle ne les regardait que comme moyen de récréation, et ce n’a été que plus tard qu’elle imagina de remettre entre leurs mains une portion de la vigilance qui doit s’exercer pour la sûreté commune. Naturellement, elle dut donner la préférence aux voleurs les plus fameux, parce qu’il était probable qu’ils étaient les plus intelligents. Elle en choisit quelques-uns dont elle fit ses agents secrets : ceux-ci ne renonçaient pas à faire du vol leur principal moyen d’existence, mais ils s’engageaient à dénoncer les camarades qui les seconderaient dans leurs expéditions : à ce prix, ils devaient rester possesseurs de tout le butin qu’ils feraient, sans que l’on pût les rechercher jamais pour les crimes auxquels ils auraient participé. Telles étaient les conditions de leur pacte avec la police ; quant au salaire, ils n’en recevaient point, c’était déjà une assez grande faveur que de pouvoir se livrer à la rapine impunément. Cette impunité n’expirait qu’avec le flagrant délit, lorsque l’autorité judiciaire intervenait, ce qui était assez rare.
Longtemps on n’avait admis dans la police de sûreté que des voleurs non encore condamnés ou libérés : Vers l’an VI de la République, on y fit entrer des forçats évadés qui briguaient les emplois d’agents secrets, afin de se maintenir sur le pavé de Paris. C’était là des instruments fort dangereux, aussi ne s’en servait-t-on qu’avec une extrême défiance, et dès l’instant qu’ils cessaient d’être utiles, on se hâtait de s’en débarrasser. D’ordinaire, on leur décochait quelque nouvel agent secret qui, en les entraînant dans une fausse démarche, les compromettait et fournissait ainsi le prétexte de leur arrestation. Les Richard , les Cliquet , les Mouille-Farine , les Beaumont , et beaucoup d’autres qui avaient été des limiers de la police, furent tous reconduits au bagne, où ils ont terminé leur carrière, accablés des mauvais traitements que leur prodiguaient d’anciens compagnons qu’ils avaient trahis ; alors c’était l’usage, les agents faisaient la guerre aux agents, et le champ restait aux plus astucieux.
Une centaine de ces individus que j’ai déjà cités, les Compère , les César Viocque , les Longueville , les Simon , les Bouthey , les Goupil , les Coco-Lacour , les Henri Lami , les Dore , les Guillet , dit Bombance , les Cadet Pommé , les Mingot , les Dalisson , les Édouard Goreau , les Isaac , les Mayer , les Cavin , les Bernard Lazarre , les Lanlaire , les Florentin, les Cadet Herries , les Gaffré , les Manigant , les Nazon , les Levesque , les Bordarie , faisaient en quelque sorte la navette dans les prisons, où ils s’envoyaient les uns les autres, s’accusant mutuellement, et certes, ce n’était pas à faux ; car tous volaient, et il fallait bien qu’ils fussent coutumiers du fait : sans le vol comment auraient-ils vécu, puisque la police ne s’inquiétait pas de pourvoir à leur subsistance ?
Dans l’origine, les voleurs qui voulurent avoir deux cordes à leur arc, furent en très petit nombre : l’accueil que dans les prisons l’on faisait aux faux-frères n’était guère propre à les multiplier. Imaginer qu’ils étaient retenus par une sorte de loyauté, ce serait mal connaître les voleurs ; si la plupart d’entre eux ne dénonçaient pas, c’est qu’ils craignaient d’être assassinés. Mais bientôt il en fut de cette crainte comme de l’appréhension de tout péril qu’il est indispensable d’affronter, elle s’affaiblit graduellement. Plus tard, le besoin d’échapper à l’arbitraire dont la police était armée, contribua à propager parmi les voleurs l’habitude de la délation.
Lorsque, sans autre forme de procès, et seulement parce que c’était le bon plaisir de la police, on claquemurait jusqu’à nouvel ordre les individus réputés voleurs incorrigibles (dénomination absurde dans un pays où l’on n’a jamais rien fait pour leur amendement), plusieurs de ces malheureux, fatigués d’une détention dont ils n’entrevoyaient pas le terme, s’avisèrent d’un singulier expédient pour obtenir leur liberté. Les voleurs députés incorrigibles étaient aussi, dans leur gen

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