45
pages
Français
Ebooks
2013
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Publié par
Date de parution
17 janvier 2013
Nombre de lectures
95
EAN13
9782365729895
Langue
Français
Sologne, Les petites histoires de la vieille - Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre de cartes postales. Or le vieux terroir de Sologne possède bien des trésors, bien des légendes. Personne ne sait où habite la "Vieille", mais elle accepte de raconter à Gérard Bardon les vieilles histoires transmises de génération en génération depuis ces temps que l'on dit "immémoriaux". Ces récits qui font le patrimoine oral de la Sologne sont des histoires à faire sourire, à faire peur, à faire rêver...
Publié par
Date de parution
17 janvier 2013
Nombre de lectures
95
EAN13
9782365729895
Langue
Français
Le carroir de la Brigaudière
Il est dangereux de se promener à la croisée d’un chemin forestier dans une clairière vers minuit la veille de Noël ou du mardi gras. En règle générale, il faut éviter de fréquenter ces lieux la veille d’une fête carillonnée. On peut y faire de mauvaises rencontres. Une mésaventure est arrivée il y a fort longtemps au métayer du seigneur de Chanteloube dont les terres sont séparées par un carrois désert. Le malheureux, jaloux de la richesse de son maître apprend, on ne sait plus comment ni par quel mauvais esprit, qu’il lui serait possible d’acquérir des pouvoirs surnaturels et faire rapidement fortune s’il se rendait à ce carrefour à minuit précises. Il devrait faire trois fois le tour du carrois en disant trois incantations et patienter. Notre homme, que nous appellerons Jean, se rendit au rendez-vous maudit et s’exécuta. Il n’eut pas longtemps à attendre. Comme le douzième coup de minuit sonnait, il vit arriver un homme de belle prestance, au visage brun caché par un grand chapeau noir. Son vêtement, noir aussi, était richement orné de magnifiques rubis qui jetaient des éclairs de feu chaque fois que la lune se reflétait dedans. Ce seigneur, car à n’en pas douter, il en était un, montait un étalon plus noir que l’ébène.
- Que cherches-tu ici à cette heure ? Lui demanda le gentilhomme d’une voix tellement grave qu’elle semblait venir d’ailleurs.
- Monseigneur, répondit Jean, regrettant déjà son audace, je suis pauvre, la métairie ne suffit pas à nourrir ma famille et mon maître prend le peu que ma terre produit pour entretenir le château.
- Et que crois-tu que je puisse faire pour toi ?
- J’ai oui dire que si je vous rencontrais ici, à minuit, vous pourriez exaucer mes vœux.
- On dit cela ! Et que pourrais-tu me donner en échange ?
- Hélas, je ne possède rien de plus que mes deux bras, ma charrue et mes deux vaches, noble seigneur.
- N’as-tu que cela à me proposer ? Tu pourrais entrer à mon service ou me vendre ton âme.
À ces mots, Jean, effrayé voulut se sauver mais ses jambes se dérobaient sous lui. Il comprit que ce rendez-vous c’était au diable qu’il l’avait donné. Il risquait de perdre le repos éternel mais il était trop tard pour reculer maintenant. Jean pensa qu’après tout il était encore jeune et qu’il pourrait profiter longtemps des largesses du malin. Et puis, il trouverait bien le moyen de ne pas remplir sa part du marché.
- Si je signe avec toi, obtiendrai-je tout ce que je désire ?
- Sans doute, mais à condition que tu respectes ton engagement.
Persuadé qu’il serait le plus fort et qu’il roulerait le diable, Jean accepta.
- Souviens-toi de ta promesse lui dit le cavalier. Puis, tournant la bride, il disparut dans un tel galop que les fers de son cheval envoyaient des étincelles chaque fois qu’ils touchaient terre.
Rentré chez lui, Jean se coucha mais il ne put trouver le sommeil tant il était heureux et inquiet à la fois. Tout allait être à sa portée maintenant et c’est lui qui serait le maître. Au petit matin, il finit par s’endormir et ne se réveilla qu’aux environs de midi. Avait-il rêvé ou sa rencontre de la veille était-elle réelle ? Pour s’en assurer, il décida de commencer par ne demander qu’une pièce d’or. Rien ne se produisit, aucun coup de tonnerre, aucun éclair, aucune manifestation. Plus de doute, c’était bien un rêve. Déçu, Jean s’apprêta à sortir s’occuper de ses bêtes. Il ne devait plus penser à ces fariboles, c’était tant mieux. Machinalement, il mit la main dans sa poche. Quelle ne fut pas sa surprise quand il en tira un louis. Sûr qu’il ne pouvait pas être là avant, il n’en avait jamais possédé. C’était donc vrai ! Jean souhaita alors qu’on lui bâtisse un château plus grand et plus beau que celui de son maître. Aussitôt, une fastueuse demeure surgit du sol. Elle ne comportait pas mois de trois cents fenêtres et un grand perron de marbre ornait le devant. Jean voulut de beaux habits et il les obtint. Puis il souhaita posséder de l’or, des monceaux d’or. Il en eut beaucoup et encore plus. Dans sa nouvelle condition, il lui fallait un attelage pour se déplacer. Il le vit s’arrêter devant l’escalier. Tiré par six magnifiques chevaux noirs, le carrosse était conduit par un cocher au visage brun portant un chapeau noir. Comme ses bottes, sa livrée était noire avec des parements rouges. Il tenait la porte ouverte, invitant Jean à monter dans la voiture. Sans réfléchir, notre homme s’engouffra à l’intérieur. Le cocher fouetta les chevaux et l’équipage partit au grand galop, s’éloigna puis s’anéantit derrière un grand nuage de poussière ocre. On ne le revit jamais. Les voisins de Jean ne comprirent pas plus sa disparition subite que la rapidité avec laquelle il avait fait fortune. On en parla quelque temps puis on oublia.
On dit qu’aujourd’hui encore, lorsque l’on commet l’imprudence de se promener seul, vers minuit, au carrefour dans la clairière, surtout une veille de fête, on peut voir une forme blanche errer. C’est un peu comme de la brume mais cela ressemble à un linceul. La « chose » fait trois fois le tour du carroir en prononçant des mots à faire froid dans le dos puis disparaît lentement en gémissant.
Il venait souvent chez la vieille, d’aucuns pensaient même que…