146
pages
Français
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2015
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Publié par
Date de parution
03 mars 2015
Nombre de lectures
141
EAN13
9782365921992
Langue
Français
« Le plus petit des gendarmes vient à ma rencontre. Ses mouvements m’apparaissent étrangement ralentis. Les quelques mètres qu’il franchit semblent couvrir une éternité.
Il est maintenant en face de moi. Sa glotte ne cesse de remuer, les sons sortent difficilement de sa bouche.
– ... Léo, ton frère... il a eu un accident de voiture...
Je chancelle, mais ne tombe pas.
– ... il est mort. »
C’est par la fin que tout commence : Léo, le grand frère de Théo, étudiant en informatique passionné de cinéma, vient de se tuer dans un accident de voiture. Une mort lâche et stupide, comme le sont toutes les morts quand on a vingt ans. Une mort qui coupe court aux rêves les plus fous. Léo est mort, et sa famille, qui débordait jusqu’alors de vie, va devoir faire face à son absence...
Publié par
Date de parution
03 mars 2015
Nombre de lectures
141
EAN13
9782365921992
Langue
Français
Emmanuel Parmentier
Mon frère
Roman
Du même auteur
Solitudes , nouvelles, Les Nouveaux Auteurs, 2008
Mon copain Antoine , roman jeunesse, Édilivre Aparis, 2008
C’est quoi un bon livre ? , album jeunesse, Grrr…Art, 2009
Éclairs de lune , poésie, Édilivre Aparis, 2010
Site de l’auteur :
http://emmanuelparmentier.blogspot.com
Éditions Grrr…ART
3, Résidence Saint-Paul, 78660 Allainville aux Bois
Tél. / Fax : 01 30 41 89 50
Sites Internet : http://g rrr art.free.fr
http://leoetlu.free.fr
ISBN : 978-2-36592-199-2
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction strictement réservés pour tous pays.
© Éditions Grrr…ART
Dessin de couverture : Alain Mathiot
Pour Xav,
À qui cette histoire
n’est jamais arrivée.
Première partie. [ CONFUSION ]
Un arc-en-ciel
Sur le chemin du retour, j’ai droit à un arc-en-ciel. Depuis tout petit, je suis fasciné par les arcs-en-ciel ; pour moi, il n’y a pas de spectacle plus enchanteur. Je m’arrête et contemple ces longues bandes de couleur qui s’unissent, sans jamais vraiment se mêler.
Si j’aime tant les arcs-en-ciel, c’est peut-être parce que c’est le signe de la réconciliation entre le ciel et la terre. Après s’être emporté, après avoir donné libre cours à sa colère, le ciel sourit à la terre, comme pour se faire pardonner. Celle-ci, pas rancunière, accepte ses excuses et lui tend, d’une certaine manière, la main. C’est ainsi que naît une arche aux couleurs miroitantes.
Malheureusement, cette réconciliation est éphémère : les arcs-en-ciel disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Je reprends donc ma marche solitaire, tout en continuant à mastiquer mon chewing-gum à la menthe, afin de masquer l’odeur de cigarette.
Parvenu au coin de la rue, je remarque tout de suite la camionnette des gendarmes, postée devant la maison. Je me dis : « Ça y est, Théo, t’as décroché le gros lot ! Ça va être ta fête… »
Avec Yohann, mon meilleur pote, on a pris l’habitude de chaparder des bonbecs à l’épicerie, en face du collège. C’est devenu une sorte de jeu. On s’est fait prendre une fois, la vendeuse nous a passé un savon, mais ce n’est pas allé plus loin. On s’est calmés pendant quelque temps, et puis on a recommencé. Il y a deux jours, on s’est fait de nouveau pincer. Comme des cons, la main dans le sac.
Je pense que l’épicière nous a tout simplement balancés.
La perspective de prendre la poudre d’escampette m’effleure. Et puis je me dis que la vie, ce n’est pas une fuite continuelle. Il y a des moments aussi où il faut assumer, affronter son destin. Surtout quand il s’agit de bâtons de réglisse, de carambars et de langues de chat… Je retiens ma respiration, prends un air angélique et pousse la porte d’entrée. Je lance au passage un « Bonsoir ! » bien inspiré.
Je comprends très vite que les gendarmes ne sont pas là pour me sermonner. Mon père et ma mère sont effondrés dans le canapé, des larmes ruissellent de leurs yeux rougis. Deux officiers se tiennent debout à leurs côtés. L’un est gros, l’autre est petit, on dirait Laurel et Hardy. Sauf qu’ils ne me donnent pas du tout envie de rire. Sur leurs visages, je lis de la tristesse et du désarroi.
C’est la première fois que je vois mon père pleurer. Je ne savais même pas qu’en lui, il y avait des larmes. Je réalise aussitôt que quelque chose de tragique vient de se passer.
Le plus petit des gendarmes vient à ma rencontre. Ses mouvements m’apparaissent étrangement ralentis. Les quelques mètres qu’il franchit semblent couvrir une éternité.
Il est maintenant en face de moi. Sa glotte ne cesse de remuer, les sons sortent difficilement de sa bouche.
– … Léo, ton frère… il a eu un accident de voiture…
Je chancelle, mais ne tombe pas.
– … il est mort.
Mes oreilles se ferment d’elles-mêmes. Comme si je ne voulais pas entendre la suite, comme si les causes importaient peu. Mon frère est mort ! Léo, mon grand frère adoré, n’est plus ! Envolé, disparu, à tout jamais !…
Je ne sais pas pourquoi, mais je ne pleure pas. Mes yeux restent secs. Désespérément secs. Je rejoins mes parents sur le canapé, sans un mot, et les enlace. Je les serre très fort dans mes bras. Leurs larmes coulent sur mon sweat, sans discontinuer.
Un peu plus tard. Les gendarmes invitent mon père à les suivre. Le plus imposant salue ma mère à l’aide de son képi. Elle ne daigne même pas lever les yeux. La camionnette bleue s’en retourne dans la nuit, sirène et gyrophare éteints. Comme pour mieux faire oublier sa venue.
Je suis désormais seul avec ma mère. Je voudrais bien lui susurrer des mots tendres, du genre « je t’aime » ou « je tiens à toi », mais je n’y parviens pas. Les mots, comme les sanglots, restent coincés en moi. Tout ce que je peux faire, c’est la maintenir contre ma poitrine et lui caresser les cheveux. Le temps semble s’être arrêté, les secondes s’écoulent goutte à goutte.
Quand ma mère me quitte pour aller se coucher, c’est presque une délivrance. Je me sens si impuissant, si inutile face à son malheur, à notre malheur ! Je m’étends de tout mon long sur le canapé et je fixe le plafond. Curieusement, je repense à cet arc-en-ciel qui laissait augurer un magnifique vendredi soir.
Le bruit que fait le break en se garant dans la cour me sort de mes pensées. Mon père entre, chargé des affaires de Léo. Dans un bras, son fidèle sac de voyage ; dans l’autre, la cage de Speedy, l’octodon plus rapide que l’éclair.
Après avoir déposé le sac dans la chambre de Léo, mon père me donne Speedy et déclare :
– Je te laisse le soin de t’en occuper.
Je lui souhaite une bonne nuit, même si je sais que c’est impossible, et vais dans ma chambre. Je pose Speedy sur mon bureau. Il est recroquevillé dans un coin de sa cage, tout apeuré.
J’enfile mon pyjama, me glisse dans mon lit et éteins la lumière.
Allô, frérot ?
Trois jours plus tôt. Je suis allongé sur mon lit, le téléphone sans fil à la main. Je compose le numéro de Léo. Ça sonne quatre coups. On décroche.
Comme à l’accoutumée, j’imite l’accent américain. Pour cela, je fais comme si j’avais la bouche pleine de chewing-gums.
– Allô ? Steven Spielberg à l’appareil. Je voudrais parler à Léo.
– Salut, frérot ! Toujours aussi pourri ton accent ’ricain… Comment va ?
– Bah… Pas trop mal… Mon chien me mord, ma femme s’est taillée, mes enfants me frappent et mon poisson rouge s’est suicidé… À part ça, tout va bien. Et toi ?
– Ça va, ça va… un peu fatigué… En ce moment, c’est la bourre à l’IUT. Vivement les vacances…
– Je sais, c’est ce que m’man m’a dit.
– De quoi ?
– Eh ben, que t’étais légèrement débordé… Et que t’allais peut-être pas rentrer ce week-end.
– Ouais, je crois que je vais rester ici, ce serait plus sage. Je vais m’enfermer et réviser à fond, comme tout bon étudiant…
– Là, tu m’épates ! Tu te plais tant que ça dans ton cagibi ?
– Attends, c’est peut-être un cagibi, mais c’est un cagibi quatre étoiles… En cité U, mine de rien, on a des douches et des chiottes. Bon, d’accord, elles sont pas toujours très propres…
– Allez, Léo, arrête de jouer à l’intello ! Ça te réussit pas ! Je te rappelle que dimanche, c’est mon anni… Et un anni sans toi, c’est pas cool…
– Je sais, Théo, j’ai pas oublié. Crois-moi, je préférerais rentrer… C’est juste que j’ai des partiels toute la semaine prochaine. Si je révise pas, je vais me prendre des carottes… C’est pas que j’aime pas les carottes, mais bon, faut pas exagérer, je suis pas un lapin…
– Si c’est que ça, tu pourras réviser à la maison. On ne peut pas dire que les parents font beaucoup de bruit.
– Ouais, ouais…
– Et puis d’abord, c’est quoi que j’entends derrière toi ?… On dirait de