136
pages
Français
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2020
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Français
Ebook
2020
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Publié par
Date de parution
26 juin 2020
Nombre de lectures
3
EAN13
9791029404184
Langue
Français
À une exception près
Marina Scremin
Texte de 457 700 caractères, 78 200 mots, 380 pages en équivalent papier.
À Malo-Les-Bains, dans les environs de Dunkerque, Maxence Galbert, 17 ans, mène une existence solitaire, entre ses cours au lycée et ses entraînements de football. Lors d'une séance, il fait la connaissance d’Emmanuel, jeune musicien passionné et extraverti.
Bien que tout semble les opposer, une amitié singulière va pourtant se créer entre eux. Ils n’ont ni la même vie, ni le même caractère, ni la même vision de l’avenir. Ils jouent seulement dans la même équipe.
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Publié par
Date de parution
26 juin 2020
Nombre de lectures
3
EAN13
9791029404184
Langue
Français
À une exception près
roman
Marina Scremin
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
I
Les journées où il ne se passe rien sont souvent meilleures que les autres.
Maxence avait pensé cela en raccrochant son téléphone cet après-midi-là, dans la cuisine de la maison familiale.
Un simple et bref coup de téléphone de son entraîneur, à la fin du mois d’août, était venu quelque peu bouleverser sa petite existence.
Ça n’avait été rien de grave pourtant, rien de bien méchant. Il venait d’être rétrogradé au foot.
La voix du coach au bout du fil lui avait semblé bien embêtée, mais il ne pouvait pas « en toute logique » le laisser jouer en équipe deux, s’il n’était pas présent à la moitié des matchs de la saison, du fait de son travail au magasin le samedi.
Maxence s’était désespéré en silence.
Le foot c’était sa vie. Son échappatoire, son passe-temps, son défouloir, sa priorité, sa raison d’être, sa raison de se lever. Son seul et unique centre d’intérêt.
L’adulte avait voulu rassurer l’adolescent tant bien que mal. S’il était d’accord pour jouer les dimanches matin, il pouvait toujours rejoindre l’équipe trois, qui était plutôt pas mal cette année… « Enfin, pas trop mauvaise quoi. »
Il avait raccroché, résigné, et émis un profond soupir d’exaspération.
Ses paumes bien à plat sur le plan de travail, il avait jeté sa tête en arrière pour se dégourdir la nuque et avait lancé un regard à travers la fenêtre qui donnait sur la rue.
D’ici quelques jours, les cours allaient reprendre, et la douceur du soleil de l’été n’était déjà plus qu’un souvenir.
À l’étage, on entendait, en sourdine, une légère engueulade entre son père et sa mère.
Depuis sa plus tendre enfance, les parents de Maxence se disputaient toujours en silence.
Ils étaient, selon lui, les seules personnes capables de se lancer des injures en chuchotant.
* *
*
Le vieux port de Dunkerque ressemblait toujours à une zone sinistrée quand arrivait le mois de septembre. Quand la brume le recouvrant le rendait si triste et déprimant.
Il n’y avait qu’en été qu’on pouvait, en se forçant un peu, imaginer un beau paysage estival, quand les cafés sortaient leurs tables en terrasse, et les ménagères, leurs trois géraniums sur les balcons.
Maxence était né là. Dans un quartier adjacent, le long de la digue, sur les dunes des Flandres, avec une vue imprenable sur la mer du Nord, à Malo-Les-Bains.
« Malo » pour ceux qui y vivent. Sans doute le quartier de Dunkerque le plus… le moins… bref… Malo-Les-Bains.
C’était un garçon simple, sans histoire et sans rien d’extraordinaire.
Il ne passait pourtant jamais inaperçu, comme si tout, en lui, imposait sa présence. Une carrure de sportif, une voix assez rauque que la cigarette modelait depuis déjà quelques années, et des yeux bleus, d’un bleu très profond.
Un seul adjectif, finalement, suffirait à le décrire. Maxence était seul et l’avait toujours été. Ou plutôt, il était l’incarnation de la solitude. Il n’avait ni frère ni sœur, discutait parfois avec d’autres gaillards de son lycée, mais sans vraiment s’en faire des amis, et on ne l’avait vu que très rarement en compagnie d’une demoiselle.
Le matin, il enfourchait son vélo pour se rendre en cours, les samedis, il rangeait les rayons liquides du supermarché près de chez lui et deux fois par semaine, il se rendait à ses entraînements de football dans le club de son patelin.
Il était seul, mais ne semblait pas en souffrir le moins du monde. Il s’accommodait de sa vie comme si, du haut de ses dix-sept ans, il n’en avait jamais attendu grand-chose.
* *
*
En règle générale, les joueurs qui avaient été admis en équipe deux avaient une véritable chance d’être un jour sélectionnés pour jouer en équipe une.
C’était ce à quoi pensait Maxence en ce début de soirée automnale, en contemplant depuis le haut des gradins l’équipe trois s’entraîner sur la pelouse.
Les joueurs de la trois étaient soit simplement mauvais et stagnaient à ce niveau, soit plutôt doués, mais je-m’en-foutiste à faire peur.
Emmanuel Juliot devait, de toute évidence, faire partie de cette dernière catégorie.
Trop occupé qu’il était par le conservatoire de musique et ses cours, il aimait venir jouer pour se détendre et, avouons-le, parce qu’il ne vous le dira pas, pour se muscler aussi un peu.
Et c’était bien plus sympathique, selon lui, de courir avec dix autres lascars sur une pelouse derrière une balle que de s’ennuyer à soulever des haltères dans une salle de gym, entouré de types bizarres et obnubilés par leur image.
Ce soir-là, Emmanuel descendait les marches des tribunes, en retard pour l’entraînement comme à son habitude, et bien trop accaparé par le bazar qui régnait dans son sac pour pouvoir prêter une quelconque attention à sa trajectoire.
Et lorsqu’au même moment Maxence s’était levé pour quitter les gradins, sans lui non plus regarder où il allait, les deux garçons avaient in extremis, évité une franche collision.
Maxence avait alors bougonné un « Désolé » bien peu convaincant en continuant son chemin, tandis que l’autre lui avait lancé, dans un léger rire :
— Faut ouvrir les yeux !
Maxence avait alors dévisagé le type un instant. Il n’était pas bien grand, pas bien costaud non plus. Ses cheveux bruns étaient en bataille et supportaient un énorme casque de MP3. Il portait un long manteau fourré noir au-dessus d’un jogging bleu-marine et une sacoche verte en bandoulière au lieu du grand sac de sport traditionnel.
— Tu veux t’inscrire dans l’équipe ?
L’inconnu avait demandé cela avec, dans la voix, quelque chose de sympathique. De presque entraînant. Quelque chose à laquelle Maxence n’était que peu habitué.
— Ouais… j’étais en équipe deux avant.
Mais voilà que l’autre avait pris un air compatissant qui n’avait pas tardé à l’agacer.
— Recalé… ?
Il se prenait pour qui, là ?… Non, mais, oh…
— Non… j’étais pas libre pour les matchs, c’est tout… je dois voir Monsieur… Shesko…
— Ouais… c’est notre coach, il est là, en bas…
Emmanuel avait jeté un rapide coup d’œil à sa montre, et ses sourcils s’étaient un peu haussés parce qu’il était bien plus en retard que ce qu’il avait dû estimer.
— L’entraînement se termine dans vingt minutes… t’as qu’à l’attendre...
— Non, c’est bon, avait assuré Maxence, j’allais rentrer… c’est pas urgent…
— Comme tu veux…
Lorsqu’il était rentré chez lui ce soir-là, Emmanuel Juliot s’était installé derrière son synthétiseur et avait, un instant, repensé à ce type, qu’il avait croisé, ou plutôt, légèrement bousculé, un peu plus tôt dans les gradins.
S’il jouait en équipe deux, alors c’était normal qu’il ne lui dise rien. Il avait l’air spécial et pas dans le meilleur sens du terme… Pas très causant, en tout cas. Un paumé dans sa campagne, avait-il pensé, comme il en croisait tous les jours depuis qu’il habitait ce coin perdu.
Il s’était penché jusque sous son lit où s’amoncelait une pile de paperasses et en avait extirpé un petit carnet. De photographies en noir et blanc présentaient aux supporters les joueurs de la saison, et il avait effectivement trouvé celle du jeune homme dans les pages de l’équipe deux.
Il s’appelait Maxence Galbert et ils avaient le même âge.
* *
*
Non, décidément, Maxence n’aimait pas le changement.
C’était ce à quoi il pensait lors de sa course effrénée en direction du stade de foot.
C’était mardi soir et l’équipe trois s’entraînait le mardi soir. Ça chamboulait quelque peu ses habitudes… Combien de semaines lui faudrait-il pour assimiler l’information ?
Premier entraînement, premier retard donc. Il allait être content son nouveau coach !
Mais si Maxence était arrivé essoufflé dans les vestiaires du stade et se hâtait de se changer pour rejoindre sa nouvelle équipe sur le terrain, le joueur qui venait d’y entrer en laissant nonchalamment tomber son sac dans un casier n’avait pas l’air aussi pressé.
Maxence avait immédiatement reconnu le gars au MP3 à son casque de MP3. Et en l’apercevant à son tour, celui-ci lui avait lancé :
— Tiens, salut !
— Salut…
Ils s’étaient dévisagés un instant, un moment de contemplation muette et ridicule qu'Emmanuel avait cherché à écourter en posant une question à laquelle il connaissait déjà la réponse.
— C’est comment ton nom déjà ?
— … Maxence.
— Ravi de te connaître… moi c’est Emmanuel… mais on m’appelle Manu.
— … Ben moi… avait bredouillé tant bien que mal le garçon, on m’appelle Max…
C’était vrai.
Peu de gens l’appelaient, mais quand ils l’appelaient, ils l’appelaient Max.
Emmanuel avait souri en retroussant son sweat-shirt.
— Eh ben, on est en retard, Max.
Une fois l’entraînement terminé et une fois que Maxence avait largement pu démontrer ses compétences à ses nouveaux coéquipiers, les joueurs étaient retournés aux vestiaires.
L’ambiance qui y régnait était bon enfant et rigolarde, et Maxence l’avait trouvée bien différente de la fierté et du sérieux auquel il avait été habitué en équipe deux.
Ça braillait… Ça se marrait… ça chantait même ! À poil, sous une douche, ça s’égosillait à tout va en beuglant des chansons paillardes.
— Eh, dis donc… ouais, toi, le nouveau… T’es bien en Terminale C à Fénelon?
Maxence s’était retourné pour dévisager celui qui venait de l’interpeller ainsi. Le type en question se tenait là, dans le plus simple appareil, un rien rondouillard, pas bien grand et avait un regard bleu iceberg. Il s’agissait de Ludovic Brelot, le capitaine de l’équipe himself. La rentrée n’avait eu lieu que depuis quelques jours, et Maxence était bien incapable de se rappeler si cet énergumène se trouvait être dans sa classe.
— T’étais pas en équipe deux avant ? avait demandé un autre en enfilant un pull-over, t’es redescendu ? Tu verras, on n’est peut-être pas des flèches, mais nos troisièmes mi-temps à nous, au moins, elles valent le coup !
Un quart d’heure plus tard, alors que tous étaient déjà repartis, Emmanuel était toujours assis sur l’un des petits bancs du stade en face des parkings. Il