Juste un tableau ? Roman lesbien , livre ebook

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Juste un tableau ?
Laura Syrenka
Dans le Paris Lesbien de 1900, Jeanne Ker, peintre hollandaise, se fait connaître par ses tableaux où des femmes posent sans retenue.
En découvrant les esquisses érotiques de Klimt, elle conçoit le projet d’une œuvre représentant la jouissance. Elle veut peindre cet instant privilégié où tout s’abolit, où le plaisir submerge au-delà de toute description. Elle choisit une jeune prostituée, Louise, pour lui servir de modèle.
Les talents de Jeanne sont mis à contribution, elle rencontre le Tout Paris et vit des aventures féminines inoubliables.
Même si un tourbillon d’évènements l’entraîne, Jeanne parviendra-t-elle à oublier Louise ?
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Nombre de lectures

37

EAN13

9782363079695

Langue

Français

Juste un tableau ? Laura Syrenka À Deborah, la femme de ma vie. L'amour n'a pas d'époque, il est immortel !
Chapitre 1 La belle rousse est allongée sur la banquette. Elle me regarde, elle hésite… Je l’incite d’un geste. Elle commence à retrousser sa chemise de coton. Ses mains tremblent. Elle est nue sous ce dernier rempart de la pudeur. Lentement, centimètre après centimètre, elle découvre ses cuisses d’un blanc laiteux. Troublée par ma demande, elle ferme les yeux pour ne pas me voir. Elle délie ses doigts sur la mousse tendre de ses poils pubiens. Déjà, le majeur se faufile et trouve sa place. Il décrit des petits cercles le long de ce petit bouton d’amour tendre et délicat qui entraîne la belle vers des élans de plaisir. Ses doigts s’agitent, la voluptueuse modèle se contracte sous les assauts fébriles de ce plaisir solitaire dont elle me dévoile le spectacle fugitif. Ses yeux s’ouvrent, sa jambe se relève sur le bord du sofa pour laisser plus d’espace, plus de prise à l’entrée de la caverne de jouissance où ses doigts se sont introduits, son bassin se relève à chaque va-et-vient, ses épaules se contractent, sa main gauche agrippe l’étoffe qui recouvre le sofa, sa bouche s’ouvre sans un mot dans un soupir étranglé, elle redresse sa poitrine aux mamelons tendus, la main droite continue à s’agiter, indépendante, elle a pris possession de ce corps que je désire plus que tout. Je ressens en moi les tiraillements du désir, cet instant où mon corps a faim d’être prit lui aussi par la belle rousse. Elle jouit, je vois les spasmes qui l’étreignent, je ressens en mon corps sa jouissance et mon intimité ruisselle à la vue de son plaisir. Dernière contraction, la belle a joui, sa main se fait discrète et remonte le long de sa cuisse offerte, un sourire particulier dessine alors ses lèvres, elle me regarde et m’invite à la rejoindre. Je lâche mon fusain, je m’approche entre ses jambes et lèche la saveur de sa jouissance. Elle caresse ma tête et resserre son étreinte pour qu’à mon tour je m’insinue en elle. J’entrouvre ses lèvres et pénètre à mon tour dans son intimité. Elle m’enivre et me grise. La belle se redresse et m’attire dans ses bras. D’un geste expérimenté, elle déboutonne ma blouse de peintre découvrant mon corsage entrouvert. Tandis que je prends sa bouche offerte à mes baisers, elle retrousse ma jupe et promène ses doigts humides dans l’espace de mon pantalon fendu. Je suis Jeanne Kerr, peintre hollandaise éprise des femmes. Mon plaisir est là, dans ces carrés de taffetas et de soie dans lesquels je me perds avec bonheur. Louise est mon modèle pour la première fois. Elle est prostituée. Je l’ai choisie sur le trottoir pour sa belle tignasse rousse et ses grands yeux verts. — Madame ne porte pas de jupons ? me provoque la belle. — Non, pas lorsque je peins, dis-je entre deux baisers sur ses seins. — Quand Madame m’a demandé, je n’ai pas cru que c’était elle qui peignait. — Pourquoi Louison ? — Parce que les peintres sont des vieux cochons. — Ou des femmes comme moi qui regardent ? — Ce n’est pas pareil ? — Pourquoi ? dis-je en caressant sa vulve froissée. — Parce qu’avec vous, Madame, c’est excitant. (Je la pénètre) Hum, oui ! Très excitant. Après l’avoir fait jouir de nouveau, la belle prend les initiatives et retrousse ma jupe. Elle la relève sur mon épaule et délie mon pantalon fendu. — Laissez-moi voir votre abricot maintenant que vous avez vu le mien ! (elle s’approche de mon intimité gorgée de désir) oh, je vous ai fait de l’effet à ce que je vois ! fait la belle ravie de sa trouvaille. — Tu aimes les femmes, la belle ? — Vous êtes ma première Maîtresse !
— Tu peux toucher, je t’autorise, dis-je fébrile. Louise prend son temps, elle veut faire durer le plaisir et puisque je suis sa première Maîtresse comme elle se plait à le faire remarquer, elle profite du spectacle de ma vulve ouverte. — Joli spectacle que voilà ! dit-elle avant de l’embrasser à pleine bouche. La belle rousse sait où faire du bien. Elle inspecte mon visage et profite de mes réactions positives à ce qu’elle me fait. Sûre d’elle, elle me caresse tout comme elle l’avait fait devant moi. J’écarte les jambes plus haut pour qu’elle entre plus avant. Elle scrute mon désir et mon plaisir, elle dose, entre puis se retire, je cherche une prise sur elle et saisis la main qui redresse ma cuisse contre sa poitrine, une vague ravage mon esprit, je suis dépassée par elle et je jouis dans ses bras aussi sûrement que je l’aurais fait sous les assauts de Rebecca, mon amante juive. Mes cris d’orgasme se perdent dans l’atelier. Louise continue et me laisse profiter de cette griserie ultime de ressentir les spasmes délicieux sous sa main hardie et provocante. Hors d’haleine, je profite de cet instant magique, Louise a compris. Elle se lève, rabaisse ma jupe et dépose sur mon front en sueur, un baiser. Puis, elle va à la cuvette, verse de l’eau et se lave devant moi. Je la regarde faire, mes yeux sont voilés de plaisir. Elle est belle, Louison, et elle le sait ! Aphrodite du pavé, elle vend son corps, mais elle a cette grâce et cette noblesse qu’aucun ne peut lui enlever. Elle est une Reine. La voilà rhabillée. Quel dommage ! Elle remet ses bas noirs et s’apprête à sortir. Je la retiens par le poignet. — Attends ! — Madame a encore besoin de mes services ? dit-elle en déposant sur mes lèvres un baiser. — Oui, je voudrais que tu reviennes demain à la même heure. — 5 francs, comme aujourd’hui ? — Oui, 5 francs, comme aujourd’hui ! — D’accord, je changerai de chemise, murmure-t-elle à mon oreille avant de la mordiller. — À demain Louison ! J’entends les talons bobines de ses bottines claquer joyeusement en s’éloignant. Elle est sortie, l’atelier est sordidement vide sans sa présence. Je m’approche de mon dessin. Je ne suis pas encore satisfaite de l’instant saisi. Je crois que je pourrai croquer l’orgasme de la belle, si je parviens à ne pas rester le fusain en l’air lorsqu’elle jouit ! Cette pensée me faire rire. Louise m’a emporté au-delà du cadre de mon travail, mais est-ce vraiment un travail ? Klimt m’a montré ses croquis de masturbation féminine, j’en ai conçu du désir, il a su croquer l’après, je veux saisir la jouissance, l’instant saisissant du plaisir. Est-ce un idéal à jamais repoussé ? Perdue dans mes pensées, j’ai achevé de ranger l’atelier. Nous verrons bien demain si je suis plus concentrée sur mon travail. Pour l’heure, je dois rentrer chez moi, Louison a laissé sa trace dans mon esprit. Je ne peux m’empêcher de penser à elle.
Chapitre2 Le Paris des années 1900 est dur, impitoyable pour les femmes, surtout pour les pauvres. Pour gagner de quoi acheter du pain, beaucoup se prostituent et meurent jeunes rongées par les maladies vénériennes. Des affiches sont même placardées sur les murs décrépis de Montmartre, elles mettent en garde les « bons pères de famille et les jeunes puceaux » du danger du commerce féminin. Ces affiches me révulsent ! À les lire, on dirait que ces femmes sont des démons qui se complaisent à communiquer des maladies aux hommes innocents. Quelle ineptie ! Ce sont les femmes les premières victimes ! La faim, la misère sont partout à Paris, elles côtoient honteusement la plus grande richesse, et la « Ville Lumière » montre là son plus mauvais jour. Ici, on ne dit pas une prostituée, on dit une fille de joie ! Joie pour qui ? Certainement pas pour la fille. Car quel est son destin ? Soit elle est vendue par ses parents à une maquerelle qui l’enferme dans une maison close pour la faire travailler nuit et jour, soit elle traîne sur le trottoir sous l’emprise d’un souteneur qui l’asservit et la faire trimer dehors pour quelques pièces ! L’une est au chaud, l’autre est au froid, mais c’est bien la même galère ! Je suis révoltée par ces pratiques parisiennes. Mais j’oubliais, il y a une autre alternative à la prostitution ici : Les femmes légères, les « Cocotes ». Ces femmes sont entretenues par de riches mécènes qui les installent et les exposent comme des bibelots de luxe. Elles n’ont pas le statut de maîtresse, elles sont moins que cela, mais elles sont au-dessus des prostituées de Maisons closes. Bref, ces aspects de Paris me dégoûtent, mais la ville est aussi celle des grands artistes et je m’y plais pour la facilité de me fournir en modèles, les cafés de Montparnasse et de Montmartre où nous nous rassemblons, Bakst, Renoir, Picasso, Klimt et tant d’autres sont mes amis… Et puis il y a Rebecca ! J’ai rencontré Rebecca durant ma dernière année aux Beaux-Arts. Elle aussi était modèle lorsque je l’ai connue. Elle m’a inspiré mon tableau de fin de cycle : « La belle nageuse ». L’œuvre était simple et délicate à la fois. J’avais choisi de l’interpréter selon le style impressionniste : Sur la berge, la belle enlève sa chemise pour se baigner nue. L’instant saisi par le tableau est celui où cette femme dévoile de profil sa fesse et son pubis. La lumière s’attarde sur les poils pubiens qu’elle blondit et joue avec le tissu de la chemise. Le jeu d’ombre et de lumière permet de deviner la courbe de son sein à travers l’échancrure de l’encolure. Rebecca est divine sur ce tableau ! Je l’ai vendu à la Comtesse Greffulhe qui ne se cache pas d’aimer les femmes. En tant que peintre, on a toujours un amour particulier pour son premier tableau. J’eus du mal à m’en séparer. Mais les bras de Rebecca me le firent aisément oublier. La douce Reb aux cils frangés de velours noir est devenue ma Maîtresse peu de temps après mon concours. J’ai parfois un coup de cœur avec mes modèles. Autant d’histoires d’amour couchées sur le papier, puis sur la toile et enfin dans mon lit. Je désire mes modèles en les caressant des yeux, en les brossant sur la toile et mes mains ont grand-peine à s’arrêter là, tel est mon point faible, telle est ma « coquetterie » dit souvent Rebecca ! Rebecca aux dents blanches, aux cheveux de jais, au corps d’albâtre et aux mines de petite fille campée sur un corps de femme ! Rebecca, ma confidente, ma muse, ma patrie. Je ne suis plus Hollandaise dans ses bras, je suis Rebeccaise ! Notre appartement se situe au premier étage du 14 de la rue Saint-Vincent. Je monte l’escalier grinçant et me réjouis de retrouver ma belle brune dans notre nid d’amour. Il est 18 heures, la belle n’est pas encore rentrée. J’allume la lampe et la pose sur la table. La lueur blafarde de la lampe à pétrole illumine notre petit intérieur. Tout est calme, le musicien du
dessus est sorti. Pas de répétition de piano pour l’instant. C’est tant mieux, car je ne supporte plus ces phrases mélodiques répétées à l’infini. Ma garçonnière est un petit deux-pièces, notre luxe se résume en un mot magique pour l’époque : l’eau est à tous les étages ! Il me suffit de tourner le robinet sur le palier pour remplir mon broc. Pas besoin d’aller puiser l’eau dans la cour. Rebecca s’en réjouit à chaque fois qu’elle s’approvisionne d’eau sans avoir à sortir. La belle, évanescente, se paie même le luxe de prendre de l’eau en peignoir sous mon regard désapprobateur et jaloux ! Il y a quinze jours, elle a croisé dans cette tenue, le jeune Enguerrand, lieutenant des dragons qui venait voir sa mère durant sa permission. Cet outrecuidant détaillait ma femme en frisant sa moustache et c’est avec colère que je fis rentrer la volage et son broc ! Rebecca aime autant les hommes que les femmes et ce goût pour la culotte ne me plait pas du tout ! Je sais qu’elle passe son temps libre au Palais-Royal où elle joue dans les salons de jeux, elle s’est déjà vantée de payer en nature ses dettes ! Mais je veux croire qu’elle me provoque en parlant ainsi et qu’elle me réserve ses faveurs. Mon cœur bat plus vite à l’évocation de son comportement volage et des scènes de ménage que je lui réserve dans ces moments-là. Je déteste la savoir dans les bras d’un ou d’une autre que moi. Reba est comédienne, elle pose pour des photos suggestives, c'est une courtisane, mais je refuse de le reconnaître. Lorsqu’elle me prend dans ses bras, j’oublie tout. Elle m’entraîne dans son monde de délices, elle me livre des assauts d’un érotisme inouï et me grise de ses caresses intimes. Alors, je ferme les yeux, parce que j’ai peur, infiniment peur qu’elle me refuse ses faveurs. Je suis sous son charme comme un petit chien quémande les caresses de sa Maîtresse, soumis à ses caprices et reconnaissant pour la moindre bienveillance. Justement, la voilà. Les effluves de ses parfums coûteux l’ont précédée. Ma belle entre, auréolée de plumes et de dentelles. Pour tout bonsoir, elle prend mes lèvres avant même d’enlever son chapeau. Grisée, je me laisse emporter par ses baisers auxquels se mêlent ses caresses entreprenantes. Bien vite, je me retrouve en chemise, car je ne porte pas de corset lorsque je peints. La belle m’entraîne sur le sofa tout en dénouant le lien de ma jupe. — Petite polissonne, je sens des effluves de femme sur ton pantalon ! dit-elle avec son parler cru. — J’étais à l’atelier, répondis-je le souffle court. — Avec un modèle ? Blonde ? Brune ? — Rousse, dis-je en soupirant de désir. — Que lui as-tu fait, vilaine fille ? Mon silence l’excite, Reba s’imagine l’atelier, le modèle féminin… Elle m’attrape à la gorge et de sa main gantée serre, me fait suffoquer et m’embrasse à nouveau en troussant ma chemise. — Je vais te fesser, vilaine fille, d’avoir pris ton plaisir sans moi, décide-t-elle en me retournant à plat ventre. Rebecca défait mon pantalon et s’assoit sur mes jambes. Quel joli spectacle, n’est-ce pas ? Une paire de fesses offerte et déjà rougie sous les mains de ma Maîtresse femme. Il m’en cuit, mais je ressens l’excitation montée sous ses doigts prestes et mes gémissements augmentent ses ardeurs. — J’ai soif ! décrète-t-elle en se levant. — J’ai envie de toi, dis-je suppliante de désir. Tandis que je me rapproche d’elle et prends sa taille fine par-derrière, je détecte sur les plis de son col un parfum étranger. — Mais toi ? Où étais-tu ? Ce parfum sur ton col à qui est-il ? — Le Comte de Giverny, aujourd’hui j’ai perdu au baccarat, dit-elle sans remords en se retournant pour me regarder dans les yeux.
Je reste suffoquée. — Et tu oses me fesser ? — Je crois que tu y as pris du plaisir ma Douce ! me souffle-t-elle à l’oreille en caressant mes seins par la fente de ma chemise. Les larmes me montent aux yeux et je préfère sortir. La cuisine est mon refuge. Je m’y rhabille, décontenancée par l’attitude de Reba et prépare le dîner, sans rien dire. J'entends la belle entrer dans notre chambre, elle s'y déshabille. Je meurs d’envie de la rejoindre, mais je tiens bon. Je n’aime pas ces disputes sans cesse répétées. Tout plutôt que de la perdre. Mais « tout » se transforme de plus en plus souvent en « trop ». Soudain, Louison surgit dans mon esprit, son visage, sa pudeur malgré son métier, ses regards, ses mains posées sur mon corps réceptif à ses ardeurs… Louison. Que fait-elle en ce moment ? Est-elle retournée sur le trottoir ? Est-elle chez elle ? Et surtout qui est-elle ? Demain, lorsqu’elle viendra à l’atelier, je lui demanderai qui elle est vraiment, où elle habite, avec qui… Tant de questions qui me brûlent les lèvres. Son parfum n’est pas raffiné, mais elle est vraie et son regard ne ment pas. J’ai envie de la connaître, d’aller plus loin que le rapport Peintre / Modèle qui est sensé s’établir à l’atelier. J’ai déjà aujourd’hui débordé sur le cadre privé avec elle, me laissera-t-elle aller plus loin ? Rebecca se penche sur la marmite où le bouillon clapote. J'y ai jeté quelques pommes de terre et un os à moelle. Elle s'assoit et tranche le pain tandis que je dispose les assiettes et les couverts. — Qu'est-ce qu'on mange ? — Le jus du pot au feu que nous avons terminé hier avec des pommes de terre et de la moelle. — Garde la moelle, je n'aime pas ça. — Tu as tort, Reba chérie, c'est délicieux. La belle pince son nez de dégoût en me voyant tartiner la moelle que je viens de sortir de l'os, la poivrer et la saler avant de la savourer. — Je préfère m'en tenir aux pommes de terre ! Au fait, ce soir après le dîner, nous sortons ! décrète Reba. — Où allons-nous ? — Au bal Tabarin ! — Bonne idée, cela fait longtemps que nous n'y avons pas mis les pieds. — J'ai envie de danser ! — Avec moi ? — Mais oui grosse bête ! Je t'aime, es-tu contente ? — Tu sais, Reba, je serais mal placée pour te reprocher ton comportement volage, étant donné que nous ne nous sommes jamais juré fidélité… — Mais ? dit-elle en me faisant les yeux doux. — Mais, je souffre de savoir que d'autres mains que les miennes parcourent ton corps. Jure-moi au moins que tu n'y prends pas de plaisir ! — Je ne te comprends pas Jeanne, tu m'as connue légère, je t'ai fait entrer dans ma vie et maintenant tu voudrais me garder seulement pour toi ? Tu veux que je sois au foyer à torcher les gosses que nous n'avons pas ? Son rire de gorge me glaça. Elle se plaisait à me rappeler que n'ayant rien entre les jambes, je n'étais pas en position de lui imposer une vie d'épouse chaste et fidèle. Mes larmes amères mouillaient mon pain, je ne savais que dire devant cette femme arrogante et terriblement irrésistible. — Samedi je vais servir de modèle pour les photos osées d'Albert Kahn. Il reçoit des amis et je crois que notre séance sera loin d'être privée. Cela tournera sans doute en partie fine. Veux-tu me servir de monture pour l'occasion ? — Je n'aime pas ces séances, tu le sais très bien. Pour moi, la photographie n'apporte
aucun charme aux corps, elle les révèle dans toute leur crudité, sans rêve ni suggestion. Vos photos sont des instantanés d'orgie, rien de plus. — Je suis très bien payée pour cela et pardonne-moi d'insister, mais tu pourrais mettre un peu plus de choses dans ton bouillon si tu gagnais plus régulièrement de l'argent ! — Je ne te demande rien Reba, si ma vie d'artiste ne te convient pas, tu es libre de te faire entretenir par quelqu'un d'autre ! — C'est trop fort ! Regardez Madame la Sucrée ! Je participe aux frais du loyer, j'apporte ma contribution, tu ne m'entretiens pas, Mademoiselle de Hollande ! Après un long silence, je tends une main timide vers mon ombrageuse compagne. Elle ne retire pas sa main et me laisse la caresser. Nos doigts se lient, se délient tandis que j'amorce un pas vers la réconciliation. — Écoute Reba, je n'aime pas nos disputes. Je te donnerai tout ce que tu veux, mais s'il te plaît, ne me fais pas la tête, je t'aime. — Moi aussi je t'aime. C'est bon, n'en parlons plus ! Allez, raconte-moi ta journée. Qu'as-tu fait avec ton modèle ? — Tu te souviens des croquis de plaisir solitaire de Klimt ? — Oui. — Eh bien, je voudrais aller plus loin. Je voudrais saisir l'instant de l'orgasme sur le papier. C'est peut-être fou, je sais. — Ce serait le comble de l'érotisme, dis-moi ! Imagine qu'on puisse capturer cet instant avec un appareil photographique ? — Le temps de pose serait trop long. L'instant de l'orgasme est trop fugitif. — Mais si tu le dessines, c'est encore plus long, ma belle. — Oui, mais la mémoire du peintre lui sert de révélateur. C'est pourquoi j'ai décidé de prendre plusieurs croquis de plaisir féminin. — Avec ton modèle ? — Oui, nous travaillerons durant plusieurs séances pour atteindre un résultat. — Tu crois qu'elle en est capable ? Le plaisir est un art et peu de femmes hormis les femmes légères pratiquent cet art. — Elle est prostituée. — Oh, regardez-moi ça, comme c'est touchant : elle l'a trouvée dans le caniveau ! — Ne l'insulte pas s'il te plaît, sinon, je vais finir par croire que tu es jalouse toi aussi. — Pff ! fit Reba en quittant la table sans desservir. Avant de sortir de la cuisine, elle se retourna à demi et me lança à la cantonade : — Mets ta robe blanche et ta ceinture dorée, ta femme te sort ce soir. Sans relever la remarque ironique que Rebecca vient de me lancer, je vais me préparer. J'aime le bal Tabarin. Tout Paris s'y retrouve le jeudi ! Les riches viennent s'y encanailler, comme au bal Mabille, mais avec une différence de taille, le patron est un ancien lutteur de foire, il fait régner le calme et les bagarres se règlent à l'extérieur.
Chapitre3
Je sens déjà le goût de l'absinthe descendre lentement et prendre possession de mon gosier. Cette liqueur est la coqueluche de tout Paris, certains en deviennent fous, mais moi, je ne m'y perds pas, je la consomme modérément. Ce ne fut pas le cas de la môme fromage, Cancanière de son état, a fini dans le ruisseau. Elle est morte l'année dernière écrasée par un fiacre. Triste destin.
Rebecca, elle, se méfie de l'absinthe, elle me fait les gros yeux lorsque j'en bois. Elle me vante sans cesse les vertus de l'opium, fumé dans les salons. Mais je trouve que les effets de la drogue sur ma belle ne sont pas à la hauteur de ses descriptions dithyrambiques. Lorsqu'elle revient de chez la Polaire après avoir fumé, son sillage empeste la substance parfumée, ses yeux semblent inhabités et Rebecca est épuisée. Ses propos se portent alors sur l'ultime jouissance que l'opium lui procure, ces bras mystérieux de volupté qui l'entourent et la font jouir, mais je ne la crois pas.
Ce que je vois, c'est son beau corps pantelant, son esprit perdu et ses mains d'une extrême froideur. Le lendemain, elle est irritable, nerveuse à l'excès, insatiable de caresses et de baisers, glacée jusqu'au fond des os. Rien ne peut alors la réchauffer hormis l'opium, qu'elle surnomme sa deuxième épouse. Cet attachement m'inquiète et malgré mes avertissements, la belle Rebecca répond aux accents de la sirène opiacée et se perd dans ses bras.
Perdue dans mes pensées, j'en ai oublié l'heure. Nous devons partir. Ma belle s'impatiente, elle est déjà prête et m'attend avec impatience. Je termine de m'habiller. Rebecca a lacé mon corset, j'ai enfilé des bas de soie bleue, mes jupons froufroutants reposent sous une jupe couleur de ciel et un corsage de tulle gansé d'un blanc virginal met en valeur mes cheveux blonds. Il ne me reste plus qu'à lacer mes bottines, prendre mon châle de cachemire et mon chapeau.
— Je suis prête, dis-je en déposant un baiser furtif sur les lèvres de ma Maîtresse brune.
— En route !
— T'a-t-on déjà dit que tu ressemblais à une Espagnole ?
— Oui, on me compare souvent à la belle Otéro. Mais je fais mieux l'amour qu'elle ! répond Reba en me prenant par la taille.
— Si tu me regardes ainsi, Reba, je ne sors plus, je te fais l'amour tout de suite !
— Non ! On sort d'abord ! dit la belle en plaquant sa main sur mes fesses.
Toute émoustillée, j'imagine déjà notre retour à la maison. Je sens que ma belle brune a de sérieuses velléités ce soir !
— Nous partons pour Tabarin ! Rebecca a insisté pour nous offrir le fiacre !
Durant la course, ma polissonne a baissé les rideaux et s’est tournée vers moi, les yeux pleins de convoitise.
— Tu sais que j’aime les endroits incongrus ?
— Oh, je commence à deviner ce que tu as dans la tête ! répondis-je le souffle court.
Sans un mot, Reba se rapprocha encore plus près. Elle défit ses gants de chevreau et saisit ma cheville. Tout en jouant avec la soie de mon bas qui crissait doucement sous ses doigts, elle remonta lentement sa main le long de ma jambe droite. Un long frémissement parcourait déjà mon échine sous ses assauts charmants, mais la belle ne s’en tint pas là et tout en embrassant avec volupté mon décolleté, entreprit de se frayer un passage jusqu’à mon intimité.
Prise dans cette étreinte attentive, je ne me rendis pas compte que le fiacre s’était arrêté. Rebecca se releva comme si de rien n’était, mais moi, toute affolée de désir, j’eus bien du mal à retrouver mes esprits avant de sortir.
Ma belle m’aida à sortir et glissa dans mon oreille :
— Je t’ai mise en conditions pour passer une charmante soirée, mais ce n’est qu’un...
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