75
pages
Français
Ebooks
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
75
pages
Français
Ebooks
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
La sortie des cocons
Guy Bergère
255 000 caractères, 45 000 mots.
Adolescent un peu timoré, Florian reste très soucieux de ne décevoir ni ses copains, ni surtout la belle Lisa... en dépit du fait qu'il ne se sent attiré ni par elle ni par aucune autre.
Car ce qu'il aime, c'est arpenter la nature, surtout avec Julien qui sait si bien parler à son coeur. Et aussi échapper à la sollicitude exacerbée de sa mère qui le piste à l'aide de son portable.
Parviendra-t-il à s'affirmer comme un homme libre, à s'extraire du cocon maternel, à assumer sa différence ?
Retrouvez tous nos titres sur http://www.textesgais.fr/
Rejoignez-nous sur Facebook : Éditions Textes Gais
La sortie des cocons
Guy Bergère
roman
1. Lisa
Lisa est une fille canon. C’est du moins ce que disent tous les garçons de la classe, qui ne cessent de répéter quelle chance j’ai de sortir avec elle. Et il est vrai que je me sens fier qu’elle m’ait choisi. Je m’en sens fier, quoique… assez mal à l’aise. Car justement, c’est elle qui m’a choisi, ce n’est pas moi qui l’ai choisie. Elle est jolie, bien sûr… un peu trop même : trop lisse, à la tenue trop parfaite et trop soignée, et surtout un peu trop sûre d’elle pour m’attirer vraiment. Sauf que… ces hésitations, je ne les avouerais à personne, ni aux copains qui me prendraient alors pour une cloche, ni à Lisa à qui on ne peut certainement pas tenir ce genre de langage.
Je m’appelle Florian et je viens d’avoir seize ans. Jusqu’à l’année dernière, tant que j’étais au collège, je ne me suis guère soucié de la gent féminine : je saluais celles de la classe, sans plus. Sauf que j’ai commencé à me rendre compte que, vis-à-vis des autres, mon attitude réservée avait tendance à me marginaliser : j’ai entendu quelques réflexions, de garçons qui trouvaient bizarre de m’en voir toujours à l’écart.
Ce n’était pas que je m’en désintéressais. C’était juste que ça me paraissait être pour plus tard, que cet empressement auprès d’elles que j’observais chez plusieurs garçons me paraissait excessif, un peu factice, voire trouble : si, comme tout le monde, je ne suis pas en bois, aller jusqu’à une relation physique me semble prématuré. Sans compter qu’oser démarcher ces demoiselles… eh bien oui, je suis trop timide pour ça !
Ce sont mes aptitudes en classe qui m’ont fait remarquer par Lisa. Il faut dire que je me défends assez bien, surtout dans les disciplines scientifiques, ce qui m’a valu depuis toujours une certaine camaraderie… passablement intéressée : on a voulu s’asseoir en cours à côté de moi, soi-disant pour que j’explique, le plus souvent en réalité pour pomper sur ma copie. Or à la rentrée de janvier, mon voisin habituel ne s’est pas représenté : pour une raison que j’ignore, il a changé d’établissement. Quand Lisa a réclamé de s’installer à sa place… ma foi, je n’avais aucune raison de m’en offusquer. Évidemment, elle aussi a lorgné sur mon travail. Et elle a vite désarmé mon air réprobateur :
— Tu es timide ? a-t-elle chuchoté.
— Bah… non, pourquoi ?
— Tu es le seul beau mec de cette classe à ne jamais m’avoir invitée à sortir avec toi !
Pour la première fois qu’elle m’adressait la parole, elle avait fait fort ! Évidemment, je lui ai souri et… je lui ai répondu favorablement. J’étais ravi d’avoir une petite amie, tout en me sentant un peu vexé que l’initiative soit venue d’elle.
Sortir, pourquoi pas ? Sauf que je n’ai aucune idée de ce qu’elle entend par là. Car moi… il faut dire que je sors peu, tout au moins avec d’autres : je suis plutôt solitaire. À part les anniversaires des copains et les visites chez quelques amis de ma mère où elle m’a traîné, c’est plutôt seul que je passe mes loisirs, surtout en marches à travers la forêt. Car de chez moi, j’en suis à une petite demi-heure, et ensuite c’est le calme et l’espace, c’est la nature ! Je m’y sens bien, c’est mon oncle qui, il y a quelques années, m’en a donné le goût. Randonneur aguerri, il a su convaincre ma mère de m’en laisser la liberté, alors qu’elle-même n’a jamais aimé ça.
Bon, proposer à une fille d’aller avec elle dans les bois, ça ferait louche. Ce mardi, je me creuse les méninges pour trouver quelque chose de plus convenable pour le lendemain quand c’est elle qui me souffle :
— Florian, tu aimes nager ?
— Évidemment !
— Tu m’invites à la piscine demain après-midi ?
Une sortie sportive, voilà qui ne me déplaît pas ! Le lendemain, je retrouve donc Lisa devant la piscine. J’avais pensé, comme quand j’y vais avec mes copains, que chacun paierait son entrée. Mais non : Lisa me laisse seul me diriger vers la caisse et tout régler. J’ai compris : je suis censé l’avoir invitée ! Ce n’est pas que je sois radin, je me fiche bien de devoir dépenser quelques euros, mais… je me demande vraiment pourquoi il faut toujours que ce soient les garçons qui paient pour les filles. N’est-ce pas une coutume plutôt machiste qui contribue à faire perdurer les inégalités sociales entre les sexes ? Encore, nous serions fiancés… il serait légitime de manifester par de petits cadeaux combien je tiens à elle. Mais pour une sortie entre copains…
Nous commençons à nager ensemble, mais Lisa ne reste guère dans l’eau : assez vite, elle sort du bassin et va s’asseoir sur un banc tout en me regardant accumuler les longueurs. J’avoue que j’ai du mal à comprendre nombre de baigneurs qui, comme elle, passent davantage de temps sur le bord que dans l’eau. Car moi j’adore nager !
Ne voulant pas trop la laisser seule, je finis par sortir à mon tour pour venir m’asseoir à côté d’elle. Je constate alors qu’elle me dévore des yeux. En souriant, je lui fait remarquer :
— On dirait que tu ne m’as jamais vu !
— Tu es si beau… murmure-t-elle.
Là, j’en ai le souffle coupé. Car on ne m’a jamais dit ça ! D’ailleurs, quand je me regarde dans la glace, je ne me trouve pas particulièrement beau. Sa réflexion me flatte… mais m’alerte : le ton qu’elle a employé, ainsi que l’espèce de langueur que présente son visage, semblent insinuer qu’elle ne m’a pas dit ça juste par flagornerie. Moi qui croyais qu’en classe elle ne s’était rapprochée de moi que pour loucher sur ma copie, je me suis trompé : visiblement, elle est éprise, ce qui ne va pas sans m’angoisser. D’autant que ce n’est pas réciproque, et que son regard insistant… je perçois sans ambiguïté sur quoi il pointe : c’est la protubérance de mon maillot de bain qui semble l’obnubiler, quoiqu’en sortant de l’eau je ne me montre évidemment pas à mon avantage sur ce plan. Mais ce regard me met encore plus mal à l’aise : si c’est ça qu’elle cherche, elle s’est trompée d’adresse ! Ce n’est pas que je sois exempt de désirs, je suis comme tout le monde. Sauf qu’avec elle… Elle est jolie, d’accord… mais c’est juste une considération esthétique : elle ne me branche pas.
Je dois paraître un peu bête en restant indifférent à son compliment. Je me contente de sourire avant de la tirer par la main en montrant le bassin :
— On y retourne ?
Elle me suit dans l’eau, mais revient peu après sur son banc. J’avoue être un peu déçu : je pensais pouvoir m’amuser avec elle dans l’élément liquide autant qu’avec un garçon, alors que maintenant… je ne sais plus trop quoi faire. Quand je retourne auprès d’elle, elle me mate de nouveau avec insistance. Finalement, assez vite, nous allons nous rhabiller.
— En sortant de la piscine, j’ai toujours faim ! m’annonce-t-elle dès que nous voilà dehors.
— Ah… Je n’ai pas pensé à amener un goûter.
— Il y a une pâtisserie là-bas !
Évidemment, c’est encore moi qui paye. Lisa choisit deux gâteaux débordant de sucre glace et de chantilly. Contrairement à ce qu’on prétend des jeunes filles, elle ne semble pas se soucier de sa ligne. Il est vrai qu’elle est mince, elle peut se le permettre. Pas moi : jusqu’à sept ou huit ans, j’étais un peu replet, on me l’avait fait remarqué, on s’en était même moqué. Depuis, je fais attention : je mange équilibré et je prends suffisamment d’exercice. Aujourd’hui je me contente donc d’un croissant, à l’étonnement de celle qui m’accompagne.
Pour rentrer, Lisa veut prendre le bus. D’après ce que j’ai compris, elle habite à trois cents mètres de chez moi, c’est-à-dire à dix minutes à pied de la piscine… mais se prétend fatiguée. Sous l’abribus, nous nous asseyons sur le banc : le prochain est dans vingt minutes ! Nous en profitons pour échanger nos numéros de portables. Ce n’est pas l’heure de pointe, nous sommes seuls et la rue est déserte.
— Tu ne m’embrasses pas ? réclame-t-elle.
Voilà ce que je redoutais ! Lui faire la bise, je veux bien, mais je me doute qu’elle espère davantage… et je n’y connais rien. Quand j’approche mes lèvres, elle me tend les siennes. Timidement, je les effleure quand elle écrase ma bouche de la sienne et insère sa langue. Cette intrusion que crispe.
— Allez ! Embrasse bien s’il te plaît ! insiste-t-elle.
Je recommence en faisant comme elle, je lui mets la langue… avec une réticence mêlée de dégoût ! Car j’ai toujours eu une sainte horreur de la salive, qui symbolise pour moi aussi bien le crachat et le mépris que la tuberculose et autre maladie que ce contact peut transmettre. Et puis ce n’est pas bon, pas bon du tout : sa salive me laisse un arrière-goût de fromage fermenté, moi qui justement ai horreur du fromage ! J’ai envie de crier « Beurk ! »… mais je n’ose me décoller, j’aurais honte qu’elle raconte demain à toute l’école que je ne sais pas embrasser. Et ça dure ! Et ce bus qui n’arrive toujours pas !
Il finit par se présenter. Lisa descend l’arrêt avant le mien : j’aime autant. Aussitôt chez moi, je fonce me rincer la bouche : si c’est ça embrasser…
2. La mère Michèle
Mon portable sonne aussitôt : c’est ma mère, qui s’étonne que je n’aie pas répondu à ses messages de tout l’après-midi. Je lui explique que j’étais à la piscine, ce qui la calme. Je comprends qu’elle se soucie de moi, mais toujours à me bassiner de ses appels, elle exagère : je ne suis plus un bébé tout de même !
Je l’appelle la mère Michèle. Enfin… seulement pour la taquiner, la plupart du temps je lui dis évidemment Maman. Mais ce sobriquet, ce n’est pas seulement parce que son prénom est réellement Michèle, c’est aussi parce que quand j’étais petit elle m’appelait son chaton. Et comme elle se souciait sans cesse de savoir où j’étais passé, elle était donc « la mère Michèle qui avait perdu son chaton ». C’était son frère, c’est-à-dire mon oncle, qui l’avait brocardée de cette façon, ce qui m’avait tellement plu que je l’avais retenu.
Comme tous les bons fils, évidemment je l’aime bien ma maman. Ce qui n’empêche pas que sa sollicitude un peu trop empressée me pèse. Elle veut tou