60
pages
Français
Ebooks
2017
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Publié par
Date de parution
24 mars 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9791029402036
Langue
Français
Trois lampes à la fenêtre
Andrej Koymasky
Roman de 134 000 caractères, 37 250 mots. 90 pages équivalent papier (moyenne des pages livres Textes Gais).
Au temps de l'Angleterre médiévale, le Roi surprend Barthlomew, son grand chancelier dans le lit de son fils. Il l'envoie en exil sur l'île de Man. Mais dans cette maison isolée, c'est l'amour qui l'attend. Cependant, Barthlomew et son amant devront triompher de bien nombreuses difficultés...
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Date de parution
24 mars 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9791029402036
Langue
Français
Trois lampes à la fenêtre
Andrej Koymasky
Traduit par Eric
Chapitre 1 : Condamné à l'exil
Le roi était debout, les jambes un peu écartées, les bras croisés, fier et ombrageux, et il regardait l'homme devant lui, le genou à terre, les mains posées sur sa jambe repliée et la tête baissée.
Le pilier central de la salle, un faisceau de colonnes, s'ouvrait en une série de nervures qui, comme une grande fleur en pierre, se recourbaient pour soutenir la voûte du bureau privé du roi. Deux rais de soleil entraient par les hautes fenêtres étroites et projetaient au sol, sur les grandes dalles lisses de pierre grise, les images colorées, indistinctes, mais reconnaissables, des vitraux précieux représentant les fastes du règne.
L'une de ces images s'étendait entre les deux hommes, telle une barrière illusoire pour contenir l'ire royale. L'homme à genoux portait sur ses habits une lourde chaîne en or fin qui marquait son rang de Grand Chancelier du royaume.
— Que dois-je faire de toi, Barthlomew Quayle, hein ? Te faire juger pour haute trahison ? Te faire décapiter par le bourreau ? Ou t'enfermer dans la tour, en faire murer la porte et attendre qu'il ne reste de toi que poussière à balayer ? Mais… je ne veux pas que ta disgrâce retombe sur mon fils. Ce serait une tache sur son honneur. Que dois-je faire de toi, hein ? Dis-le-moi ! tonna-t-il en le foudroyant du regard et de légers échos de sa voix en colère parvinrent de la haute voûte en pierre.
Le chancelier ne répondit pas, il ne bougea pas et resta à attendre. Il savait, il était sûr qu'il aurait été inutile, voire dangereux, de se justifier, d'essayer de lui expliquer comment les choses s'étaient vraiment passées, le vrai sens de ce qu'avait vu le roi.
— Peut-être croyais-tu qu'avoir été mon compagnon d'armes, que m'avoir par deux fois sauvé la vie, te donnait tous les droits sur mon fils ? Croyais-tu pouvoir échapper à ma colère, à mon dédain, au seul motif de notre ancienne amitié ? Non ! cria-t-il.
L'image colorée se déplaçait lentement, imperceptiblement, sur le sol, vers le chancelier qui restait de marbre.
Le roi baissa de ton.
— Nous sommes des hommes du monde, je sais que certaines tendances… qu'il existe certaines préférences et peu m'importe que tu t'y adonnes. Mais ne pouvais-tu poser les yeux sur un serviteur, un page… un garde… ou le fils d'un quelconque courtisan ! dit-il en haussant le ton, mot après mot. Non ! Il te fallait mon fils ! Et cesse de te taire ! Dis quelque chose ! Explique-toi !
Le chancelier releva la tête et regarda son ami et souverain. Mais il ne dit mot. Ils se regardèrent longuement.
— Que dois-je faire de toi ? demanda le roi, tremblant de dédain.
— Ce que te dictera ton cœur.
— Mon cœur ?
— Ton cœur de roi, avant tout. Puis ton cœur de père et, en dernier, ton cœur d'ami, si je peux encore utiliser ce mot.
Un long silence envahit le bureau royal.
Puis le souverain parla, à voix très basse.
— Deux fois… par deux fois au moins tu as fait que je te doive la vie. Un jour tu as sauvé le roi de ce royaume. Un autre jour tu as sauvé le père du prince. Mais à présent… à présent tu as profondément offensé ton ami !
Sir Barthlomew Quayle de Burnley garda le silence, mais soutint, sans le moindre défi, le regard de son roi.
— En tant que roi, je devrais te faire décapiter. En tant que père, je devrais te planter ce poignard dans le cœur… dit-il en dégainant son poignard et en en posant la pointe sous le menton du jeune homme. En tant qu'ami… en tant qu'ami…
Il remit le poignard dans son fourreau, lâcha comme un rugissement étouffé et, les yeux durs, il lui lança un regard plus tranchant que le poignard qu'il venait de rengainer.
— Bien, j'épargne ta vie, mais… mais… je ne veux plus jamais voir ton visage, ni ta silhouette, ni même ton ombre ! tonna-t-il.
Barthlomew persistait à garder le silence.
— Aussi… je te condamne à l'exil à vie, hors de mon royaume. Tu iras à l'île de Man. Le roi de Man y consentira certainement, il me le doit bien. Tu y resteras aux arrêts dans la demeure que possède ta famille sur l'île. Je demanderai au roi qu'il fasse garder cette maison par ses soldats, avec ordre de te tuer si tu essayais de mettre les pieds hors de la maison ou de ses dépendances. Ainsi en ai-je décidé !
L'image du vitrail atteignit la silhouette du jeune homme à genoux qui baissa à nouveau la tête et son regard se posa sur la mosaïque aux couleurs confuses où il reconnut la silhouette du grand-père de son roi qui transperçait un ennemi de son épée.
— Lève-toi, scélérat. Regagne tes appartements et prépare-toi. Tu partiras au plus vite, sans doute dès demain, sous l'escorte de mes gardes. À présent, rends-moi le collier de grand-chancelier.
Sir Barthlomew se leva, enleva la lourde chaîne en or et la tendit au roi.
— Mais pourquoi mon fils ? lui demanda le roi. Par saint George, moi aussi parfois, comme toi, il m'est arrivé après la bataille de chercher quelque soulagement auprès d'un de mes jeunes soldats. Mais pourquoi fallait-il que tu séduises mon propre fils ?
Sir Barthlomew ne répondit pas. Répondre aurait été accuser le prince et blesser encore plus profondément le roi. Il ne pouvait pas lui dire que c'était le prince qui l'avait séduit et était arrivé à le mettre dans son lit. Il ne pouvait pas lui dire que le prince et lui s'aimaient. Il savait que le roi pourrait comprendre un caprice, le soulagement trouvé entre un homme et un garçon, mais que jamais il ne comprendrait que l'amour puisse les lier.
Il savait que s'il avait dit la vérité, il aurait mis en danger non seulement sa propre vie, mais aussi celle du prince. Aussi se taisait-il et prenait-il sur lui toute la faute de cette relation qui, depuis deux ans, le liait au prince. Mais il se demandait encore qui les avait épiés et trahis en informant le roi de leur relation secrète, en faisant en sorte que ce dernier les surprenne sur le fait. Qui lui avait ouvert la porte de ses appartements ? Un de ses serviteurs ? Mais lequel, et pourquoi ?
Cela n'importait plus guère, désormais. Et, il lui fallait l'admettre, son souverain avait été magnanime à son égard. Le roi lui donna ses ordres pour ses dernières heures au palais, avant tout qu'il ne devait pas essayer de voir son fils ni de lui envoyer un message. Puis il lui donna son congé.
Il sortit à reculons du bureau privé du roi puis partit, escorté par deux gardes, vers ses appartements. Il regrettait de ne pouvoir voir le prince une dernière fois. Il donna ordre à ses serviteurs de tout préparer pour le voyage. Il choisit les papiers et les objets personnels à emporter. Puis il remplit un coffret de tout l'or et des joyaux qu'il avait. Sa famille lui enverrait par la suite le fruit de ses rentes pour qu'il puisse en vivre en exil.
Les serviteurs s'affairaient à remplir les malles de voyage de ses habits, ses livres et de ce que peu à peu il leur disait d'ajouter. Puis il décida lesquels d'entre eux emmener dans son exil. Il choisit les quatre plus fidèles, les meilleurs. Pour les autres, il embaucherait des gens de l'île. L'île de Man… le berceau de sa famille. Il se rappelait à peine la demeure de ses aïeux, elle se dressait juste après le village de Baldrine. Cela faisait vingt ans qu'il n'y était plus allé, la dernière fois il n'avait que douze ans. La maison mériterait sans doute un nettoyage à fond, voire d'être restaurée. Enfin, pour cela il ne manquerait ni d'argent ni encore moins de temps.
La demeure de ses aïeux ! Un retour aux sources… Il se rappelait vaguement le long escalier d'accès en pierre grimpant sur la colline, le grand arc du portail en bois massif à clous en fer, la façade de deux étages en pierres blanches, les fenêtres carrées avec une colonne centrale. Il se souvenait aussi des vastes prés vallonnés qui l'entouraient, où couraient de splendides poulains blancs, sauvages et où paissaient de calmes troupeaux de brebis blanches.
Il pensa avec tristesse que cela aurait été le paysage idéal pour laisser grandir et continuer de s'épanouir son amour pour le jeune prince… qu'évidemment il ne pouvait pas emmener avec lui. Il avait trop osé en acceptant l'amour de l'héritier de la dynastie et il lui fallait maintenant en payer le prix. La peine qui lui était infligée était moins sévère qu'il n'avait craint, elle n'en était pas moins amère et finale : l'exil à vie…
Sir Barthlomew Quayle de Burnley était jeune et bel homme, noble d'âme et de lignée, fort de physique et de caractère, et fier. Cette mésaventure le frappait, certes, mais ne l'abattait pas. Avec le même courage qui lui avait permis à plusieurs reprises d'affronter l'ennemi sur-le-champ de bataille aux côtés de son roi, il était prêt maintenant à affronter sa nouvelle vie. Son seul regret était de devoir quitter le jeune homme qu'il aimait.
Il ne regretterait ni la vie de cour ni les fêtes, ni la salle d'armes, ni les tables apprêtées. Pas plus qu'il n'aurait de nostalgie pour les honneurs, le rôle dont il venait d'être déchu, son prestige perdu, ou son influence sur le roi, ce même roi qui à présent le chassait, et s'il le faisait sans lui faire perdre l'honneur, ce n'était que pour éviter que son déshonneur ne retombe sur le prince.
Malgré tout il ne reniait pas les deux ans d'amour qu'il avait en secret partagé avec le prince. Cet amour qui avait éclos le jour même du dix-huitième anniversaire de l'héritier du trône. Oui, le prince l'avait séduit, lui-même ne se serait jamais hasardé à faire le premier pas, mais il s'était volontiers laissé séduire, il n'avait opposé qu'une bien faible résistance. Pourquoi ? Un peu parce qu'il n'avait pas d'amant à l'époque, mais surtout parce que de longue date il aimait en secret ce jeune homme vigoureux qui croissait en grâce, en beauté, en force, en intelligence et en élégance, jour après jour, sous ses yeux.
Le prince n'était plus le petit garçon qu'il avait vu la première fois, quand le roi l'avait pris à son service comme gentilhomme de chambre.