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Crime au Kitsch
Hervé Latapie
Roman de 393 000 car.
En plein cœur du Marais, quartier gay de Paris, un cadavre est retrouvé au petit matin au beau milieu de la piste de danse de la discothèque Le Kitsch. Tout indique que c’est le patron des lieux, surnommé la Taulière, qui a assassiné son amant. Mais le lieutenant Jacques, chargé des affaires gays au commissariat du quartier, va découvrir que l’amant de la Taulière était une canaille. Son enquête l’entraîne alors dans un incroyable imbroglio de manipulations psychologiques.
Un roman qui se déroule dans le quartier du Marais à Paris, avec son lot de lieux et de personnages interlopes. L’intrigue permet de mettre en lumière les symptômes de la perversion narcissique. Se trouve aussi en toile de fond la description de l’embourgeoisement du centre de la capitale.
L’auteur, Hervé Latapie, ancien professeur de sciences économiques et sociales, anime aujourd’hui une discothèque à Paris. Engagé dans la vie militante et culturelle gay, il s’intéresse tout particulièrement à l’évolution de la sociabilité homosexuelle.
Éditions Le Gueuloir, diffusion Textes Gais
http://www.textesgais.fr
Crime au Kitsch
Les enquêtes dans le Marais du lieutenant Jacques
Hervé Latapie
Roman policier
En plein cœur du Marais, quartier gay de Paris, un cadavre est retrouvé au petit matin au beau milieu de la piste de danse de la discothèque Le Kitsch. Tout indique que c’est le patron des lieux, surnommé la Taulière, qui a assassiné son amant. Mais le lieutenant Jacques, chargé des affaires gays au commissariat du quartier, va découvrir que l’amant de la Taulière était une canaille. Son enquête l’entraîne alors dans un incroyable imbroglio de manipulations psychologiques.
Un roman qui se déroule dans le quartier du Marais à Paris , avec son lot de lieux et de personnages interlopes. L’intrigue permet de mettre en lumière les symptômes de la perversion narcissique . Se trouve aussi en toile de fond la description de l’embourgeoisement du centre de la capitale .
L’auteur :
Hervé Latapie , ancien professeur de sciences économiques et sociales, anime aujourd’hui une discothèque à Paris (depuis 1997). Engagé dans la vie militante et culturelle gay, il s’intéresse tout particulièrement à l’évolution de la sociabilité homosexuelle.
Il a publié deux ouvrages aux éditions Le Gueuloir : Doubles vies, enquête sur la prostitution masculine homosexuelle (novembre 2009) et Génération trithérapie, rencontre avec des jeunes gays séropositifs (février 2012).
Crime au Kitsch est le premier épisode d’une série d’enquêtes qui se déroulent dans le milieu gay parisien.
Chapitre 1
Au petit matin, il est amusant de passer devant L’Entrepôt, célèbre sex-club homo de Paris, avant de pousser la porte de mon commissariat. Mes collègues ne me privent pas de leurs plaisanteries graveleuses à ce sujet. Devant la porte, deux gardiens de la paix fument, l’un d’eux me jette un coup d’œil amusé :
— Vous avez passé de bonnes vacances lieutenant ? » Il montre la direction de L’Entrepôt et ajoute, pas très subtil : « Vous allez retrouver vos petits amis ! »
Mes petits amis sont les gays du quartier. Parce que je suis de leur confrérie, affecté dans le 3 e arrondissement, on me refile tous les dossiers qui les concernent. Dans un pays qui craint tant le satané communautarisme, ce n’est pas vraiment réglo, mais ici tout le monde s’en accommode. En coulisse je suis surnommé « Jacquette », ce n’est pas fin, pourtant dans le quartier les flics ont été éduqués contre l’homophobie ! Et il y a même une association des policiers gay (le Flag). En tout cas je suis devenu le spécialiste des affaires homosexuelles, question de culture explique le commissaire à ses supérieurs : « Le lieutenant Jacques nous fait gagner du temps, il les connaît, les comprend et est respecté dans ce milieu. » Du coup, à moi les petits trafics de drogue, les escroqueries en tout genre, et parfois les cadavres à aller ramasser. Comme à L’Entrepôt à côté où je me suis déjà coltiné au petit matin des crises cardiaques arrosées de Poppers.
Aujourd’hui je rentre de vacances, j’ai perdu l’habitude des horaires décalés, et les retrouvailles avec le métro me restent en travers. Je m’étire les membres devant la pile de courrier. Toujours les plaintes de voisinage, le tapage nocturne, les dealers aux coins des rues, les portables fauchés. Heureusement pour moi chaque affaire est teintée d’un peu de saveur sexuelle. Ainsi ce commerçant chinois, grossiste bien connu, un peu trop vantard, flambeur qui roule en grosse cylindrée suédoise : la semaine dernière, alors qu’il sortait d’un tripot de jeu clandestin de la rue au Maire, il s’est laissé draguer par un joli garçon au coin de la rue Beaubourg, puis l’a ramené dans son grand appartement qui surplombe le musée des Arts et Métiers. Fallait-il qu’il partage un dernier verre avant de passer à l’action ? Mauvaise pioche, car il s’est réveillé le lendemain matin, le crâne lourd, les poches délestées du paquet d’argent liquide gagné aux dominos, et l’appartement dévalisé de tous ses gadgets électroniques high-tech. Mes collègues ne se sont pas laissé attendrir par ses pleurs. Il a cherché à camoufler la nature réelle de sa relation avec ce mystérieux visiteur de la nuit, mais l’arnaque au « pédé pété » est un classique du quartier. Il faudra que je rende une visite discrète à cet honorable commerçant : il faudrait un jour ou l’autre que l’on coince un de ces dragueurs arnaqueurs.
Ah, la routine du Marais… Le patron du Bizarre, rue du Temple, un bar-discothèque, refuge de fin de nuit de tous les noctambules, souhaiterait me parler au sujet des agressions fréquentes à la sortie de son bouge. Je connais la chanson, si la police ne fait rien, ce sera l’association de lutte contre l’homophobie qui va monter au créneau auprès du vieux maire, toujours sensible aux soucis des minorités de son arrondissement. Bon, à moi ils ne me le feront pas, le couplet agressions homophobes est un peu facile, lorsqu’il s’agit juste de chapardages, de smartphones dernier-cri ou de jolis sacs de marque… Ces gays fêtards n’ont qu’à moins s’alcooliser, ils seraient alors capables de distinguer un vrai voyou et un vrai dragueur au look de mauvais garçon. Mais n’y aurait-il pas un peu d’amertume dans mes pensées de retour de vacances ? Si je songe au marasme affectif dans lequel je me vautre depuis qu’Erik, l’homme de ma vie, m’a quitté… Tout ça parce qu’il n’assumait pas d’aimer un flic, lui l’ultragauchiste anarchiste. Mais c’est une autre histoire. Voici un an qu’il est parti vivre au Maroc, et je l’ai trouvé en pleine forme ; même qu’ainsi, éloignés l’un de l’autre, la relation devient franchement calme et sympa. Et si je démissionnais, si je quittais cette grande maison ? Ils devraient trouver un autre pédé de service !
Téléphone.
— Lieutenant Jacques, j’écoute.
— Alors ce retour de vacances ? C’est Sylvie du standard. Pas de répit pour vous, lieutenant, je crois que là on vous a dégoté le gros lot.
— …
— La discothèque Le Kitsch, vous connaissez ?
— Si je connais ? Tu étais encore au lycée que j’y traînais déjà. Et tu sais que ça me manque. Depuis que je bosse ici je n’ai plus le droit d’y être simple client, je suis trop marqué !
— Je crois que vous allez pouvoir y retourner. Mais bel et bien en service.
— Que s’est-il passé ?
— On vient de trouver un cadavre au milieu de la piste de danse, c’est l’homme de ménage qui a appelé les pompiers, ils sont sur place et vous attendent.
— Mince, j’y vais.
J’ai pris l’habitude de faire mes déplacements dans le quartier à pied. De toute façon je vais pratiquement aussi vite qu’en voiture, avec toutes ces rues encombrées. Le Kitsch est à cinq minutes par la rue Beaubourg, il est situé dans une rue chinoise, le plus vieux Chinatown de Paris paraît-il. C’est une des plus anciennes discothèques de la capitale, bal auvergnat au début du XX e siècle, puis bastringue musette jusque dans les années 1980. Depuis c’est devenu un genre de lieu bizarre, temple de la salsa à la fin des années 1980, à la clientèle presque exclusivement black, puis gay au milieu des années 1990. Un établissement exemplaire de notre point de vue de flics : jamais d’incidents, pas de substances interdites. Le tenancier – pardon, il se fait appeler la Taulière – est un drôle de type : intellectuel défroqué (il s’en vante assez !), il a quitté son poste de professeur de sciences économiques et sociales à l’Éducation nationale pour se reconvertir dans l’animation de la vie nocturne de ses semblables. C’est aussi une figure de la mouvance militante homosexuelle. J’avoue qu’il m’est sympathique, pas seulement parce que je suis gay, mais parce que c’est un mec à principes et à convictions, et croyez-moi, dans le monde commerçant de la nuit je n’en rencontre pas tant que ça des patrons éthiques ! J’espère qu’il ne lui est rien arrivé, ce serait trop injuste.
De bon matin la rue au Maire est déjà animée. Infatigables ces Chinois, c’est sans doute la seule rue du quartier qui vit tous les jours de l’année à un rythme incroyablement régulier et organisé. Du matin au soir les allées et venues sont permanentes, les petits supermarchés ne désemplissent pas, les prix défient toute concurrence et il y a deux ou trois restos qui s’apparentent à de vraies cantines populaires où se mêlent travailleurs asiatiques du quartier et bobos à la recherche de repas bon marché. Le club Le Kitsch, encore orné d’une enseigne désuète qui doit bien dater des années 1950, se situe au coin de la rue Volta, presque en face d’une maison à colombages qualifiée d’une des plus anciennes de Paris.
La camionnette des pompiers est garée juste au coin, la voiture de police secours juste un peu plus loin dans la descente du parking du seul immeuble moderne de la rue, vestige de l’époque bénie des scandales immobiliers de l’État RPR.
— Bonjour lieutenant, on vous attendait…
C’est le brigadier Jean-Pierre qui me reçoit. J’entre dans le dancing, entrée qui m’était familière lorsque, encore étudiant, je fréquentais presque tous les week-ends ce bal gay et lesbien pas comme les autres. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la Taulière, je n’ose pas demander qui est le cadavre…
— Vous n’avez rien touché ?
— Non, on a été prévenu par l’homme de ménage, il est arrivé vers 7 heures et demie et on était là un quart d’heure après, c’est moi qui ai eu l’idée de vous appeler, je savais que vous rentriez ce matin, et vu le lieu… C’était pour vous !
— Mouais, sympa pour une reprise. Bon allez, montrez-moi ça…
Pourquoi ai-je le ventre serré ? J’ai un pressentiment, pauvre Taulière, est-ce qu’une carrière comme la sienne doit forcément mal se terminer ? Et pour quelle sordide histoire ? Mais après tout, même si c’est lui, l’âme du Kitsch, que je vais trouver par terre, je ne le connaissais qu’à peine ; je l’avais remarqué quand j’étais client et, ensuite, je l’ai croisé en civil (enfin, pas traveloté) une ou deux fois dans des réunions et un jour au commissariat pour une connerie : des c